Le grand remplacement des Niçois par les touristes

Le surtourisme est une plaie pour les habitants de tous les territoires bénis des dieux. Si l’on évoque souvent Barcelone ou Venise, la ville de Nice en souffre tout autant. Son maire, obsédé par l’affairisme, transforme sa ville en parc à événements. Mais les impacts de cette folle stratégie font craqueler la carte postale. Les millions de touristes remplaceront-ils un jour les Niçois ?
Un surtourisme à l’origine de la majorité des problèmes locaux
Voilà plus de cinq ans que nous nous battons contre le projet délirant et anachronique d’extension de l’aéroport de Nice. Le combat technique et juridique est âpre, et nous le menons à présent de concert avec l’alliance écologique et sociale 06. Et cinq ans que nous constatons que ce projet, comme toutes les grandes opérations menées sur notre territoire, ne vise qu’un objectif central : la recherche constante d’attractivité touristique, pour le business. Or celle-ci nous mène droit à une aggravation du surtourisme et à la cascade de problèmes qui en découle : précarité, bétonisation, difficultés de logement et prix du foncier, pullulation de résidences secondaires et de locations saisonnières, difficultés de circulation et saturation des transports en commun, (sur)coût de la vie, insécurité alimentaire et énergétique, accès sécurisé à l’eau, pollution et problèmes de santé, gaz à effet de serre, nuisances sonores, occupation des espaces publics, etc.
Disons-le très clairement : le surtourisme devient la plaie n°1 de notre territoire, un territoire fragile, très contraint et dense. Il est le méta-problème de la Côte d’Azur (‘’Le Problème’’), et les habitant.es le paient cash, les jeunes en particulier. Le ‘’grand remplacement’’ ne serait-il pas plutôt celui des hordes de touristes qui font passer au second ou au tiers plan les préoccupations et les besoins de la population locale ?
Un maire joueur mais conscient du péril
Christian Estrosi sait qu’il joue avec le feu. Il ne cesse de fustiger le terme de ‘’surtourisme’’, lui préférant évidemment celui de ‘’tourisme choisi’’ ou ‘’raisonnable’’. Or il n’a rien de raisonnable. Pis, il s’oppose frontalement aux besoins des Niçois et Maralpins, et ils sont majoritairement non directement concernés par l’hôtellerie-restauration et le secteur touristique, ainsi qu’aux plans climat et santé de notre territoire.
Le maire de Nice, ‘’clé de voûte’’ du système de pouvoir local, le sait d’autant plus qu’en fin limier de la politique à l’instinct (et la hache), il a fait sensation le 20 janvier 2025 en annonçant l’interdiction subite des bateaux de croisière de plus de 900 places sur le littoral métropolitain. Au nom de quoi ? De la pollution et de la lutte contre le … surtourisme.
Attaquer les bateaux plutôt que les avions
Nous y voilà. Estrosi a bien calculé son coup médiatique, à l’approche de la 3ème UNOC sur les Océans en juin 2025 et des municipales de 2026 – ah, mais quel écologiste !, en frappant le ‘’surtourisme’’ ailleurs qu’à Nice (c’est-à-dire à Villefranche-sur-Mer, que dirige son adversaire politique Christophe Trojani), où il soutient l’extension de l’aéroport qui vont lui amener les régiments de touristes chinois, orientaux et américains dans les hôtels et restaurants de sa ville. Or l’aéroport draine beaucoup plus de touristes que les bateaux de croisière et émet beaucoup plus de polluants et de gaz à effet de serre que ces derniers. Cherchez l’erreur. En somme, Estrosi se comporte une fois encore comme un opportuniste politique et un affairiste, très loin de toute sincérité démocratique ou environnementale.
Poussons un peu plus avant. Lorsque nous l’avons rencontré dans son bureau en janvier 2020, et que nous lui avons présenté notre étude sur les 500 morts prématurées annuelles à Nice dues à la pollution, sa première réaction, tout droit sortie du cœur, a été : « vous êtes des irresponsables, vous allez faire fuir les investisseurs ! ». Pas un mot pour en savoir davantage sur le problème (500 morts par an, quand même !), mais une seule préoccupation : le business.
Une nasse sécuritaire pour les Niçois.es pour rassurer les touristes
Il n’est pas inopportun de penser que son obsession sécuritaire n’a qu’une visée, en plus de participer activement au climat médiatico-sécuritaire ambiant : rassurer les touristes et les investisseurs. Nice, comme la marque Côte d’Azur, doivent être des produits empaquetés et labellisés ‘’verts et sécurisés’’, à vendre à l’international : ‘’Nice, Green City of the Mediterranean’’, ‘’Winter is the Summer’’, ‘’I love Nice’’… Le tout alimenté par une avalanche d’événements tout au long de l’année, réguliers ou exceptionnels, dont certains de grande ampleur (Carnaval, UNOC, JO2030, etc.). La ville-carte postale de Nice est devenue un parc d’attractions pour touristes, mais il ne faut pas qu’il leur prenne l’envie d’aller traîner hors des sentiers battus, en somme hors du périmètre UNESCO.
Si l’on osait, on pourrait affirmer que l’obsession de Christian Estrosi pour la vidéosurveillance algorithmique (VSA), une nasse potentielle pour les libertés individuelles et collectives, ne vise finalement qu’à consolider et sécuriser la base du business.
Une course à l’échalotte qui pique les yeux…
Pourquoi cette course à l’échalotte ? Pour satisfaire la base électorale des professionnels du tourisme et des rentiers locaux, et pour rentrer des devises dans les caisses bien asséchées de la ville-métropole de Nice (2 milliards de dettes) : impôts, taxes, et occupation de l’espace public, sans oublier les retours de son actionnariat auprès de la société des Aéroports de la Côte d’Azur.
La boucle est donc bouclée. Et les Niçois.es n’ont plus qu’à la … boucler !