Le Père Noël existe, nous l’avons rencontré, mais il n’est pas si cool !
On entend parfois parler de … pensée magique. Mais l’idée n’est pas nouvelle : l’anthropologue Lucien Lévy-Bruhl (1857-1939) l’évoquait comme un reliquat de la mentalité primitive. L’outil Wikipédia la définit comme « une forme de pensée qui s’attribue ou attribue à autrui le pouvoir de provoquer l’accomplissement de désirs, l’empêchement d’événements ou la résolution de problèmes sans intervention matérielle ».
Aujourd’hui, cette forme de pensée est très présente et infuse dans de nombreux domaines de la vie publique comme de la vie privée. Elle est d’autant plus d’actualité, que la transformation très problématique des faits en opinions va bon train, noyant la parole scientifique parmi mille contre-vérités et théories jusqu’aux plus fumeuses.
Quand on accorde le même poids aux dires d’un expert climatique qu’à ceux d’un influenceur climatosceptique, la porte s’ouvre béante sur l’irrationalité.
Quand on détourne le sens des mots et des concepts, la porte s’ouvre béante sur la déraison et la manipulation (nous vous renvoyons vers la novlangue ou la double pensée de George Orwell, dans « 1984 »). Albert Camus le confirmait ainsi : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ! »
Des exemples ?
Illustrons ce fait (culturel, anthropologique ou psychiatrique, dans certains cas ?). L’idée d’un aéroport « neutre en carbone », par exemple. C’est ainsi un argument commercial massivement répété par les promoteurs et affairistes du tourisme aérien. Et tout aussi massivement repris par les maires aux politiques démagogiques et corporatistes, ou encore les institutions publiques qui se contentent d’avaler ces sornettes.
Un aéroport « neutre en carbone », labellisé comme il se doit, est donc très vertueux sur le papier glacé des fiches marketing. Prenons l’exemple de l’aéroport Nice Côte d’Azur, 1er aéroport de province fréquenté par près de 15 millions de passagers par an. Pourquoi est-il neutre ? Parce qu’il ne considère que 0,037% des émissions de gaz à effet de serre (GES) dont il est techniquement responsable, qu’il parvient à compenser par quelques crédits carbone assez vaporeux. 99,963% des émissions de GES de l’activité de cet aéroport (décollages, atterrissages, demi-croisières, effets non-CO2) sont donc encaissées par le climat sans être nullement considérées.
La pensée magique, qui s’accommode très bien des promesses technosolutionnistes, consiste donc à (faire) croire qu’un aéroport peut être « 0% émissif, 100% attractif » (pub de l’aéroport), et « neutre en carbone », alors qu’il émet 1,5 million de tonnes de CO2eq par an ! Et naturellement, son extension n’aura pas d’impacts significatifs : un message que les gogos ne peinent pas à avaler.
Nous pourrions aussi évoquer les voitures estampillées « 0 gramme de CO2 au kilomètre » (l’analyse du cycle de vie n’intéresse visiblement pas les publicitaires), et tout à l’avenant.
Ces arguments ne sont plus seulement magiques, mais sont déloyaux et mensongers. Et à ce titre, ils entrent pleinement dans le champ de l’article L121 du Code de la consommation et leurs auteurs sont pénalement condamnables, d’autant plus quand ces tromperies concernent l’environnement.
Histoires de mythomanes
Les écoquartiers sont également souvent vernis de pensée magique. Citons le cas de la très malnommée « Ecovallée » dans la Plaine du Var à Nice. Pour qui voit encore clair, le constat est limpide : des centaines d’hectares de terres agricoles et maraîchères, de terres en friche (mais réutilisables), ont été artificialisées et bétonnées. Telles de gigantesques volées de sauterelles (8ème fléau d’Egypte), les grues du BTP se sont posées en masse sur les terres fertiles niçoises et les ont stérilisées à jamais. Cet aménagement destructeur est aussi peu écologique que l’OIN n’est réellement d’intérêt national. Tout ce verbiage n’est que le faux-nez d’une politique affairiste sur le dos d’un environnement harassé et d’une autosuffisance alimentaire critique.
Nous pourrions aussi évoquer la fameuse « transition écologique ». Les gens sérieux savent depuis longtemps qu’elle n’a jamais commencé. La transition énergétique n’a pas décollé et les consommations d’énergies primaires n’ont jamais été aussi importantes. De ce fait, les émissions de GES croissent sans cesse, en dépit des alertes scientifiques et des catastrophes climatiques, émissions alimentées par un néolibéralisme consumériste mondialisé que rien ne semble pouvoir réfréner. Pas même la pandémie Covid-19. Que nous faut-il donc pour nous réveiller ?
C’est la preuve que le Père Noël existe !
Le Père Noël existe donc. Et ce sont les adultes qui y croient le plus, ou qui font mine d’y croire : les affairistes et les politiques malhonnêtes ou mythomanes, en premier lieu. Rappelons que la mythomanie est une tendance pathologique à travestir ou réinventer la réalité sans en avoir conscience. La frontière est ténue entre mythomanie et mensonge.
Extraits de sa grande hotte magique, ce bon vieux père nous offrira donc une belle neutralité carbone en 2050 – dans seulement 25 ans !, sans que nous ayons à fournir le moindre effort, car il n’est pas question que l’écologie soit prescriptive ou contraignante. Non mais, il ne manquerait plus que ça ! Mais il nous gratifiera aussi d’« avions propres », d’« énergie infinie » (eh oui, la non moins fameuse fusion nucléaire), de recapture de CO2, etc. Bref, du génie humain, de l’ambition prométhéenne !
En somme, sans aucun effort, un monde merveilleux se prépare ! Mais dans ce monde, le merveilleux ressemble à s’y méprendre à un cauchemar.
En fait, et grâce à nous, ce Père Noël pour adultes est le premier des affairistes qui nous mène droit au gouffre. Et par notre naïveté et notre candeur, notre hypocrisie, nos dénis et nos paresses, nous en sommes responsables.
Nous sommes aussi en 2025 : il est peut-être temps d’arrêter de nous raconter des histoires à dormir debout, et de nous comporter en adultes plutôt qu’en adulescents.
Bonne et heureuse année à toutes et tous !