Le merveilleux tourisme du maire de Nice et de ses copains
A l’occasion des 30 ans de l’Office du tourisme devenu métropolitain (OTM), les publications (articles et publi-reportage) se sont enchainées dans le quotidien Nice-Matin, se faisant l’écho du « tourisme responsable » de Christian Estrosi.
- 29 septembre, pleine page et interview en ligne du DG de l’OTM, Jean-Sébastien Martinez.
- 1er octobre : pleine page sur la stratégie touristique de Côte d’Azur-France-Tourisme, présidée par Alexandra Borchio Fontimp.
- 4 octobre : 8 pages d’un publi-reportage lénifiant, tout à l’honneur de la stratégie de croissance du tourisme sur la Côte d’Azur, sans évidemment en aborder le moindre impact négatif. A noter qu’il fallait de bons yeux pour lire l’inscription « supplément publicitaire gratuit »…
Le fric pour seule grille de lecture
Pensez donc ! 20.000 emplois, 17% à 20% du PIB local, des taux d’occupation hôtelière à plus de 80% : que du bonheur ! Mais quid des émissions de CO2 et de polluants atmosphériques, très néfastes pour la santé humaine et le climat, comme chacun le sait ? Quid de la saturation surtouristique, des loyers inabordables, des axes routiers embouchonnés, des nuisances sonores, de la pollution et des déchets ? En un mot ou deux : des externalités négatives. Et de la … neutralité carbone, tant mise en avant ? Et de la qualité de vie des Maralpins ?
Dans le dernier publi-reportage de Nice-Matin, le seigneur de ces terres ouvre le bal en déclarant, dans ce qui tient d’édito, que « l’Office du Tourisme Métropolitain invente un nouveau modèle. Celui d’un tourisme international, réparti tout au long de l’année (…). Celui aussi – et c’est essentiel – d’un tourisme respectueux de l’environnement et moteur de notre transition écologique. »
Bigre ! Depuis quand Nice aurait-elle inventé le tourisme international ?
Cornegidouille ! Depuis quand le tourisme international serait-il respectueux de l’environnement et moteur de la transition écologique ?
Un maire et des supporters bonimenteurs et mal informés
Les Niçois-es ont le choix : soit leur maire est un gros bonimenteur, soit il ne comprend strictement rien aux enjeux écologiques. La version la plus probable étant que les deux options sont valides. Pourquoi ?
Parce que son OTM envoie des émissaires au plus loin, en Asie et aux Amériques, pour faire la promotion de la destination Côte d’Azur : novembre en Chine (Shanghai et Suzhou), puis janvier aux Etats-Unis, puis le Moyen-Orient, etc. Des destinations choisies, en rapport avec le « panier » élevé de leurs touristes, mais de plus en plus lointaines, qui nécessitent des avions gros porteurs et des quantités croissantes de kérosène. Et donc d’émissions de gaz à effet de serre. Inutile d’avoir fait Polytechnique pour le comprendre.
Des émissions de polluants et de CO2 en hausse constante
Conséquence de cette folle stratégie : les distances moyennes des demi-croisières des vols commerciaux de l’aéroport niçois sont passées de 508 kilomètres en 2000 à 857 kilomètres en 2023, soit une augmentation de 69%. Cette hausse explique qu’en dépit des progrès significatifs des motoristes d’avions, les émissions de gaz à effet de serre de l’aéroport ont augmenté de 17% entre ces deux dates, et s’inscrivent sur un tendanciel constant à la hausse. Et de quoi parle Christian Estrosi devant les médias, ou lors du pseudo-débat du 18 septembre 2024 ? Des « avions propres et plus gros, qui volent aux carburants durables, etc. ». Mais qui le conseille ? Ce ne serait pas son « expert » Richard Chemla ? Un anesthésiste né il y a fort longtemps, qui semble ne pas capter davantage les aspects techniques du problème que le maire qui annone des contre-vérités.
Heureusement (pour l’équilibre des « débats »), deux interventions ont permis de rééquilibrer, bien que modestement, la pression du rouleau-compresseur des promoteurs d’un tourisme à tout-va, qui ne supportent toujours pas la moindre contradiction :
- Le 5 octobre, l’avis contrasté et critique d’André Gondolo, directeur associé du bureau d’études Altéa Experts (tourisme et développement durable) : « Réinventer le tourisme local pour qu’il dure ». Cet expert revient notamment sur la nécessité de réduire le trafic aérien et de refaire un état des lieux. Nous partageons naturellement cet avis.
- Le 6 octobre, le cri d’alerte d’un lecteur antibois du nom de Jean-Pierre Galliano a été repris dans le quotidien précité, dont nous partageons également l’avis :
« Contre la politique touristique : Je voulais m’élever vivement contre la politique touristique de nos élus. Encore cette semaine à Eilenroc [à Antibes, Ndlr] un colloque pour attirer encore plus de monde et faire durer la saison 12 mois sur 12. Les Antibois qui vivent et travaillent à Vannée subissent d’innombrables nuisances : loyers inabordables, impossible de se loger (tout est location saisonnière Airbnb), nuisances sonores, survol des avions, trafic routier insupportable, A8 en permanence bouchée, (idem bord de mer ou RN7), impossibilité de se garer, insécurité, pollution. Une petite minorité profite de cette manne touristique (plagistes, restaurateurs), une large majorité des Antibois en ont ras le bol et le feront savoir bientôt. » Problème : le mal dont parle ce lecteur ne concerne pas qu’Antibes, mais absolument tout notre territoire !
Face aux mensonges, il est temps de redonner sa place à la factualité
Redisons-le clairement ici : non, l’aéroport de Nice n’est pas « zéro émissif », ni « neutre en carbone » (malgré son label ACA affligeant de greenwashing). Non, le tourisme à Nice et sur la Côte d’Azur n’est pas sur la bonne trajectoire, ni durable. Oui, Christian Estrosi, Rudy Salles, Jean-Sébastien Martinez, François Barou de La Lombardière de Canson, Franck Goldnadel, Éric Abihssira, et tant d’autres, sont climatonégationnistes et irresponsables. Qu’ils fassent la preuve du contraire, chiffres honnêtes à l’appui !
Leur « tourisme choisi » reste du surtourisme. Leur « étalement des trafics » et leur « tourisme quatre saisons » (baptisée « désaisonnalisation ») équivalent à une promesse de saturation à l’année. L’ « adaptation » du Terminal 2 n’est rien d’autre qu’une véritable extension qui permettra d’augmenter le trafic passager de +50% d’ici 2030. Et cætera. Des éléments marketing qui n’ont aucun rapport avec la réalité scientifique, et celle vécue par les résidents.
Leur merveilleux tourisme, assez largement soutenu par plusieurs média locaux, ignore toujours l’environnement et la santé publique. Hors-sol, hors-climat et hors-santé publique, il baigne juste dans le tiroir-caisse des liquidités et autres devises juteuses. En route pour une catastrophe annoncée.