Non aux Jeux Olympiques d’Hiver 2030 !
De la poudreuse scintillante plein les yeux !
Rien qui ne fasse plus baver d’envie nos « grands élus » que les « grands événements » qui favorisent le « grand business »… Imaginez donc la joie de Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, de Renaud Muselier, son collègue de la région PACA, et Christian Estrosi, son président délégué et accessoirement maire de Nice, à l’annonce du 29 novembre 2023, veille du lancement de la COP28 à Dubaï (et le calendrier n’a rien d’anodin) : les Alpes françaises ont vu leur candidature pré-retenue par le Comité International Olympique (CIO), après le refus de celles de la Suède et de la Suisse, pour organiser les Jeux Olympiques (février) et Paralympiques (mars) d’hiver 2030. A noter cependant que la décision finale interviendra en juillet 2024 (sans suspense).
Bingo, les strass olympiques vont donc très probablement pleuvoir, ou peut-être neiger, sur nos territoires ! Le kif total, le bonhhh… Ah, nous venons de recevoir un message dans l’oreillette : « Et si on passait derrière les canons à neige pour voir s’il n’y a pas quelques plaques de glace ou quelques failles piégeuses ? ».
Un soupçon d’histoire avant de chausser les skis
Tout d’abord, rappelons qu’il est ici question des XXVIèmes Olympiades d’hiver de 2030, les 8èmes de ce siècle aux enjeux climatiques gigantesques. Les premières ont eu lieu à Chamonix en 1924, il y a donc un siècle, et les dernières, à Vancouver (Canada, 2010), Sotchi (Russie, 2014), PyeongChang (Corée du Sud, 2018) et Pékin (Chine, 2022), en attendant Milan-Cortina d’Ampezzo (Italie, 2026).
Priorité au sport-business : canons à neige et à fric
Qu’on ne s’y trompe pas : le trio cité précédemment ne porte pas grand intérêt aux hockey sur glace, short-track, patinage artistique, curling, ski cross, snowboardcross, ski et snowboard slopestyle, slalom géant parallèle ou encore big air. Pas davantage pour les ski, snowboard halfpipe, ski acrobatique et les bosses. Non…
En revanche, leurs regards pétillent pour les perspectives du business et les dizaines de millions de devises sonnantes et trébuchantes qui vont se répandre sur les aéroports, les hôtels et les restaurants, etc. Et le BTP, bien sûr ! Mieux, cet événement planétaire les conforte dans leur nouvelle stratégie touristique, lancée en octobre 2023 à Nice : « Winter is the new Summer » ! Une stratégie d’un cynisme hallucinant, puisqu’elle surfe sur les effets dramatiques du réchauffement climatique pour inviter les hordes de touristes intercontinentaux à venir goûter la future douceur estivale des hivers de la Côte d’Azur (en passant par l’aéroport Nice Côte d’Azur, le fameux qui se prétend « neutre en carbone »). L’argent leur fait littéralement perdre pied. Et la tête. Ne perdant aucune occasion de se taire, voilà que le même Muselier lance ses nouveaux slogans : après « Le Soleil se lève au sud ! », voici l’effet « Neige et chalets ! ». Oui, parce que le duo Muselier et Estrosi adore par-dessus tout les slogans ! Il les préfère d’ailleurs aux bilans d’émissions de CO2 et aux rapports de la Cour régionale des comptes…
Mais en quoi les JO d’hiver posent problème ?
Oui, les JO d’été ou d’hiver permettent de réunir les peuples, et l’humanité en a bien besoin en ce moment, avec l’actualité détestable que nous vivons : Ukraine, Arménie, Israël, remontée des mouvements néoconservateurs et xénophobes, réchauffement climatique et chute de la biodiversité, etc. Oui, mais.
Il se trouve précisément, et qui peut encore l’ignorer, que la devise de Pierre de Coubertin, « Citius, Altius, Fortius » (« plus vite, plus haut, plus fort »), finit par induire beaucoup de CO2 et générer de (trop) importants dégâts environnementaux, pour ne parler que de ceux-là. Aujourd’hui, toutes ces pratiques du siècle passé vont trop vite, trop haut et trop fort pour la planète Terre.
Les derniers JO d’été et d’hiver ont émis beaucoup de CO2 dans l’atmosphère, alimentant la pompe à chaleur climatique, et occasionné des déforestations et autres endettements problématiques : plusieurs millions de tonnes de CO2 pour des JO d’été, et plusieurs centaines de milliers de tonnes pour les JO d’hiver. C’est précisément ce que dénoncent des ONG, des associations (« Résilience Montagne », etc.), des collectifs (comme « NO JO »), et des politiques, comme Fabienne Grébert, conseillère régionale et présidente des Écologistes à la région Auvergne Rhône-Alpes : ces jeux sont devenus un « non-sens écologique ».
Précisons que le budget prévisionnel de ces JO dépasse le 1,5 milliard d’euros. Alors que notre Région PACA connaît un taux de pauvreté de 17,3% (INSEE 2018), et que les transports durables (le ferroviaire, par exemple) sont à la traîne et mériteraient un sérieux investissement.
90% des stations de sport d’hiver auront disparu en 2100
En premier lieu, le réchauffement climatique a d’ores et déjà un impact direct et majeur sur l’enneigement de nos massifs montagneux, et les Alpes en particulier. L’élue que nous venons de citer l’a redit : « 70 % des ressources d’eau douce sont dans les glaciers et elles fondent à vue d’œil et nous allons investir dans des Jeux pour faire de la neige artificielle alors que nous ne sommes pas sûrs qu’il y aura de la neige en 2030. D’ici la fin de ce siècle, 90 % des stations de sports d’hiver auront disparu. Donc, ce sont des Jeux qui n’ont aucun sens écologique. Ce sont des Jeux de business ». Seulement 4 des 21 sites qui ont hébergé les JO d’hiver depuis 1924 pourraient encore accueillir un tel événement en 2050, si les émissions de gaz à effet de serre continuent de suivre la trajectoire actuelle. Même la ville hôte des premiers JO d’hiver, Chamonix, n’est plus jugée « fiable »…
En août 2023, une étude estimait qu’en France, ce ne sont pas moins de 93% des stations des Alpes et 98% de celles des Pyrénées qui seraient en péril si le réchauffement climatique atteint +3°C par rapport à l’ère préindustrielle. Or, le ministre Béchu nous a demandé de nous préparer à +4°C (et certainement plus sur nos territoires méridionaux)…
Cette évolution extrêmement rapide n’est pas une vue de l’esprit : le recours à la neige artificielle a commencé aux XIIIèmes Jeux de Lake Placid (Etats-Unis), en 1980. En 2010, les JO de Vancouver ont eu recours à des livraisons de neige par des norias d’hélicoptères. En 2014, les organisateurs des JO de Sotchi avaient stocké de la poudreuse plusieurs mois avant. Et pour finir, les premiers JO d’hiver sur de la neige 100% artificielle ont eu lieu à Pékin en 2022. A quand les JO d’hiver au mois de juin sur de la neige synthétique ?
Heureusement, une célèbre cartomancienne de la Région PACA nous rassure : « Il y aura de la neige en 2030 pour ces JO. Nous avons fait une étude qui permet de dire qu’on aura de la neige au moins jusqu’en 2050. »
Nous vous le donnons en mille : la cartomancienne se nomme Renaud Muselier, et elle nous dit en bon français (mais avec l’accent du Vieux-Port) : « moi, je fais du business, et après moi, le déluge ! ». A Nice, on dirait « Après 2050, m’en bati ! ».
Afin d’être complets, il nous faut ajouter qu’alors que le trio WME (Wauquiez-Muselier-Estrosi) se glorifie de la presque-victoire, plusieurs pays ont renoncé à l’organisation de ces JO d’hiver sur leur sol au motif que « leurs méfaits écologiques et leurs coûts exorbitants sont de plus en plus dénoncés par les citoyens ». Mais WME s’en balek des citoyens, comme on dit dans certains tieks…
Quelle mise en scène pour le théâtre olympique ?
Globalement, deux secteurs distants de 500 kilomètres (eh oui, les transports…) devraient se partager les épreuves. Six spots pour la Région Auvergne-Rhône-Alpes : Courchevel (saut à skis, combiné nordique, alpin hommes), Méribel (alpin femmes), Val-d’Isère (slaloms hommes et femmes), la Plagne (bobsleigh, luge, skeleton), la Clusaz (ski de fond) et le Grand Bornand (biathlon).
La Région PACA alignera la station de Montgenèvre (Hautes-Alpes) pour accueillir le ski et le snowboard slopestyle, big air, et slalom géant parallèle, et celle de Serre-Chevalier pour le ski et le snowboard halfpipe, le ski acrobatique et les bosses.
La ville de Nice ne sera pas oubliée, avec le hockey sur glace, le short-track, le curling et le patinage artistique. Ainsi, ce n’est pas une, mais deux nouvelles patinoires qui pousseront dans la Plaine du Var, à Nice ! Comme les écoliers l’ont appris en géo, le climat froid de la Côte d’Azur se prête particulièrement bien au patinage…
Et comme Christian Estrosi a les yeux embués de testostérone, ces deux patinoires auront des capacités de 6.000 places (hockey féminin et para-hockey) et de … 12.000 places (pour le hockey masculin. Tant pis pour ces dames…) ! Le tout juste à côté du déjà très coûteux stade Allianz Riviera (400 millions d’euros à terme) dans lequel devrait avoir lieu la cérémonie de clôture. Le tout, aussi, sur les terres fertiles de la Plaine du Var. Car tout est connecté.
Avec 1% d’autosuffisance alimentaire, à la première crise venue, les Niçois-es pourront toujours aller patiner pour oublier la faim…
En revanche, la station de ski d’Isola 2000, qui devait accueillir les épreuves de ski cross et de snowboardcross, s’est vue récemment balayée d’un coup de bâton (de ski) par le CIO, afin de réduire le nombre de sites. Autant dire que la maire d’Isola 2000, Mylène Agnelli, a pris un coup de froid, alors qu’elle annonçait en novembre que sa station allait … s’agrandir pour accueillir les JO… S’agrandir : traduisez du « béton », des « retenues collinaires », des « déchets », des « voitures et de la pollution » supplémentaires.
Face aux ronchons et aux « pisse-froid » : des promesses
Face aux critiques, Laurent Wauquiez lance un message aux râleurs : « Ne restez pas à ronchonner de votre côté et venez avec nous ! ». C’est un peu court, comme plaidoyer, non ?
Il y a aussi les promesses. Et il faut avouer que nous n’avons pas les derniers de la classe sur cette matière. Le président Macron a promis des JO « durables ». Puis David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), a assuré que la « candidature a bien sûr pris en compte les enjeux de transition et ceux du réchauffement climatique ».
Et que dire des Muselier et Estrosi ? Le premier assure que « cette candidature s’inscrit directement dans le cadre de notre Plan climat « Une Cop d’Avance », de notre budget 100% climat, premier budget vert d’Europe ». Mais en quoi les JO 2030 vont aider la Région PACA à atteindre son objectif de -55% d’émissions de gaz à effet de serre (GES), précisément en 2030 ? Précisons que la région PACA a augmenté ses émissions de GES depuis 2012, au lieu de les réduire : qui s’en émeut ?
Quant au second, maire de Nice, il nous gratifie de cette annonce lumineuse : « Ces JO sont une formidable opportunité pour Nice : celle de faire briller la France dans le monde mais également de doter notre territoire d’équipements qui marqueront le XXIème siècle. » Ces politiciens sont des pies, attirées par tout ce qui brille, par le clinquant, mais surtout par l’artiche, le flouze ou le grisbi, comme disaient les Tontons Flingueurs…
Mais il y a plus cassant, aussi. Ainsi, dans son éditorial du 3 décembre, Denis Carreaux, directeur des rédactions de Nice-Matin, a écrit ces mots, finalement pas très étonnants quand on connaît un peu le personnage : « A la perspective de ces Jeux hivernaux, les pisse-froid de service s’en donneront à cœur joie, dénonçant une aberration écologique et criant à la gabegie financière. Les organisateurs ont six ans pour leur donner tort (…). »
Si nous lisons bien, nous comprenons que les pisse-froid ont donc raison, et pour une période d’au moins six ans, pour ne pas dire : à jamais. Ainsi, les pisse-chaud ont tort, justement parce que le climat se réchauffe. Ils ont aussi tort que les bonimenteurs. D’ailleurs, en voici un, qu’on ne présente plus…
Et le roi des bonimenteurs emballe le paquet !
Comme à sa détestable habitude, Renaud Muselier a menti avec aplomb sur les plateaux médiatiques, affirmant que « 72% des habitants de la région sont favorables à l’organisation de ces Jeux », sur la base d’un sondage IFOP réalisé en octobre 2023. Or il n’en est rien. Ce sont en fait 73% des 806 personnes sondées (soit 588 personnes), sur seulement deux des six départements de la région PACA, qui se sont dites favorables à des Jeux « respectueux de l’environnement de nos Alpes françaises et compatibles avec les impératifs climatiques ». Autrement dit, à des Jeux « écologiques », et non à des Jeux simplement « olympiques ». Au passage, 588 personnes ne représentent qu’un peu plus de 0,01% de la population de la région PACA, qui compte 5 millions d’habitant-es. C’est encore plus fort que la sardinette qui bouche le port de Marseille, peuchère !
Renaud Muselier prend donc ses désirs pour des réalités et transforme, sans scrupule aucun, la parole de ses administrés en gouaille de vendeur de camelote. Comme bien souvent ! Et bien sûr, puisque le triumvirat a décidé pour nous, il n’est envisagé aucune consultation publique, alors que ce projet est d’une ampleur très significative, tant sur les plans environnementaux, que sociaux et économiques !
Dans une tribune au « Monde », le 30 décembre 2023, le géographe Rémy Knafou a même écrit que si la France a été préférée à la Suède ou à la Suisse, ce n’est que parce que le CIO a « prudemment opté pour le pays qui n’avait pas le projet de soumettre à référendum ou à votation sa candidature », « ne trouvant plus de candidatures que dans les pays dictatoriaux ou dans les démocraties qui ne demandent pas leur avis aux populations afin d’éviter le refus des citoyens contribuables »… Autrement dit, le choix fut défini par un calcul de risque, et non par des critères qualitatifs. CQFD.
En conclusion
Nous autres, sinistres pisse-froid, qui ne pensons qu’à l’intérêt général (comme c’est pénible, pour certains…), vous confirmons ceci : nous ne souhaitons plus, comme beaucoup d’autres citoyen-nes, que perdurent ces grand-messes internationales, toutes en excès, en dépenses et en dégâts environnementaux. Ce genre de manifestations mondiales n’est désormais plus compatible avec les impératifs environnementaux actuels.
Ce début de siècle nous offre une formidable opportunité : celle de nous réinventer, mais sur un tout autre style que celui qui prévalait au XXème siècle, écrin des Trente Glorieuses.
Pour la sauvegarde de notre planète et de sa biosphère, et dans l’intérêt de toutes les générations futures : NOJO.
Lire et écouter également cette émission France Inter du 8 juin 2024 : « Derrière les JO de Paris, les jeux d’hiver de 2030″