Lettre aux actionnaires de l’aéroport de Nice
Le 13 avril 2023, Monsieur Goldnadel, président du directoire du groupe des Aéroports de la Côte d’Azur, a été l’invité de l’émission « Azur politiques » sur BFM Nice Côte d’Azur, interviewé par trois journalistes de BFM, Nice-Matin et La Tribune. Ce groupe gère les aéroports de Nice, de Cannes Mandelieu et de Saint-Tropez.
- Durant plus de vingt minutes, Monsieur Goldnadel n’a eu de cesse de nier la réalité des faits, se jouant de mots, d’approximations et d’évitements.
- Face à cette séquence inacceptable de désinformation, des associations, membres de l’Alliance Écologique et Sociale 06, ont cosigné et adressé une lettre d’alerte solennelle aux actionnaires du groupe Aéroports de la Côte d’Azur (ACA).
Ces actionnaires sont :
- Consortium Azzurra (64 % du capital), composé de Mundys (52,51 %, copropriétaire Alessandro Benetton), Aeroporti di Roma (10 %), Électricité de France via EDF Invest (24,99 %), Monaco (12,5 %)
- CCI Nice Côte d’Azur : 25 %
- Caisse des dépôts et consignations : 8 %
- Région Sud, Département Alpes-Maritimes et Métropole NCA : chacun 1%
Pourquoi cette alerte ?
- Pour dénoncer la communication fallacieuse et irresponsable de ce directeur auprès des médias, visant à tromper la population, ses élus et les pouvoirs publics, sur son projet d’extension, afin d’en minimiser les effets en termes environnementaux et sanitaires. Ces contre-vérités entachent la réputation même de la société des Aéroports de la Côte d’Azur.
- Ces tromperies inacceptables portent sur de nombreux points majeurs liés au projet d’extension. Notamment sur la capacité d’accueil de l’aéroport, la hausse du trafic aérien induit par l’extension, la fausse neutralité carbone de l’aéroport, la recherche active de nouveaux trafics, la pollution atmosphérique et les émissions de gaz à effet de serre liées à l’activité de l’aéroport de Nice, le miroir aux alouettes des énergies propres pour l’aviation, et la consommation d’eau de l’aéroport en période de sécheresse.
- Pour demander l’abandon du projet d’extension climaticide du Terminal 2, dont les impacts sont incompatibles avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, comme celle de la pollution de l’air tuant prématurément 500 Niçois-es chaque année.
Quelques explications sur le plateau de BFM Nice Côte d’Azur, lors d’une interview le 25 avril 2023 :
Courrier d’alerte adressé aux actionnaires le 24 avril 2023
De nombreux acteurs et actrices de la société civile se sont réuni-es sous la bannière de l’Alliance Écologique et Sociale des Alpes-Maritimes, représentant une trentaine d’associations, de syndicats, d’ONG, et de très nombreux citoyens et citoyennes du territoire, sur lequel opère l’aéroport urbain international de Nice. Cette alliance soutient financièrement, logistiquement et opérationnellement le requérant France Nature Environnement 06 qui a fait appel de la décision du Tribunal Administratif de Marseille dans le recours juridique visant à faire annuler le permis de construire de l’extension de l’aéroport de Nice.
En ce début d’année 2023, et dans le contexte de crises catastrophiques que nous connaissons aujourd’hui, notamment sur le plan du réchauffement climatique et des atteintes majeures à l’environnement, à la biodiversité et à la santé publique, le moment est venu de vous alerter, en tant qu’actionnaire du groupe Aéroports de la Côte d’Azur.
Notre alerte concerne Monsieur Franck Goldnadel – que vous avez nommé directeur général des Aéroports de la Côte d’Azur – et particulièrement sa communication fallacieuse concernant votre projet d’extension.
En effet, bien conscient que ce projet est en total déphasage avec les enjeux majeurs auxquels notre monde fait face, totalement à rebours des objectifs climatiques de notre territoire niçois, de notre pays et de l’Union européenne, Monsieur Goldnadel ne cesse de communiquer en trompant les citoyens, les élus et les médias.
Monsieur Goldnadel colporte de nombreuses contre-vérités, niant jusqu’aux informations figurant dans les rapports officiels du dossier d’extension T2.3 – y compris ceux émanant de l’aéroport lui-même !, ou encore celles des rapports des émissions gazeuses des aéroports réalisés par la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC), rattachée au Ministère de la Transition écologique. Ses allégations, relatives à la capacité d’accueil de l’aéroport de Nice, aux émissions de gaz à effet de serre, aux polluants atmosphériques, sont erronées, comme est trompeuse et inacceptable la pseudo-neutralité carbone de l’aéroport de Nice.
Cette attitude est indigne d’un chef d’entreprise responsable et jette un évident discrédit sur vos actifs.
Nous comprenons la difficulté de décarboner le secteur aérien, encore majoritairement dépendant des énergies fossiles, qui nécessite un plan d’actions sincères, concrètes et cohérentes, et non des éléments de langage de moins en moins crédibles. Nous dénonçons donc ces contre-vérités, qui remettent clairement en cause la crédibilité de ce directeur, et qui, in fine, entachent fortement l’image et la réputation du groupe Aéroports de la Côte d’Azur, ainsi que celles de notre territoire.
Le 13 avril 2023, Monsieur Goldnadel a été l’invité de l’émission « Azur politiques » sur BFM Nice Côte d’Azur, interviewé par trois journalistes de BFM, Nice-Matin et La Tribune. Durant plus de vingt minutes, il n’a eu de cesse de nier la réalité des faits, se jouant de mots, d’approximations et d’évitements, trompant ainsi la confiance de dizaines de milliers d’auditeurs, et faisant douter les journalistes présents.
Nous tenons à votre disposition l’enregistrement de cette émission.
Quelques exemples de sa désinformation et de ses contre-vérités :
- Capacité d’accueil de l’aéroport de Nice : Alors que ses propres rapports internes (étude d’impact Ingérop du dossier officiel d’extension p 123) indiquent une capacité actuelle de l’aéroport de 17 millions de passagers, Monsieur Goldnadel a affirmé qu’elle n’était que de 14 millions, pour essayer de justifier la nécessité du projet d’extension. Il a ensuite annoncé que le projet d’extension du T2 permettrait d’augmenter cette capacité à 18 millions. Or la même étude d’impact indique que la capacité rendue possible grâce à l’extension sera de 21,6 millions à l’horizon 2030. Ses annonces, ainsi que celles de Monsieur Staub, corporate communication manager, n’ont cessé de varier au fil du temps, apportant de sérieux doutes sur la solidité de son projet.
- Hausse du trafic aérien : Monsieur Goldnadel a affirmé que le nombre de vols de l’aéroport n’a augmenté que de « maximum 2% », entre 2012 et 2019, pendant que le nombre de passagers augmentait de 30%. Ceci est encore faux : les chiffres de la DGAC indiquent qu’entre 2012 et 2019, le nombre de vols a augmenté de près de 11% ! Pire, si l’on analyse les chiffres entre 2010 et 2019, le nombre de passagers a augmenté de 50% et celui des vols de 15%, soit +21.000 vols. Or, l’objectif du T2.3 est de permettre une augmentation similaire de 50% entre 2019 et 2030, ce qui induira une hausse du nombre de mouvements d’environ 20.000 vols par an. Monsieur Goldnadel nous induit donc en erreur quant à la très forte hausse prévisible du nombre de vols générée par l’extension, qui produira pollutions, CO2 et nuisances sonores supplémentaires.
- Neutralité carbone : Monsieur Goldnadel a réaffirmé que l’aéroport était « neutre carbone », sur la base du label ACA4+. Or, ce niveau n’est pas même correctement appliqué, puisque l’aéroport de Nice n’intègre que les scopes 1 et 2, mais aucune « source d’émissions opérationnelles significatives du scope 3 », comme stipulé dans le Manuel d’application ACA[1]. En 2019, les émissions GES LTO de l’aéroport de Nice étaient de 146.000 tonnes, et celles incluant les demi-croisières de 928.000 tonnes, extrêmement loin des 1 000 tonnes compensées annuellement par l’aéroport, et donc très loin d’une prétendue neutralité carbone. La publicité de la « neutralité carbone » de l’aéroport est répréhensible au titre de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 condamnant notamment le greenwashing (à compter du 1er janvier 2023), et de l’article L132-2 du Code de la consommation.
- Projet d’extension incompatible avec la transition : Le cabinet indépendant BL Evolution a édité en mai 2022 un rapport dénommé « Projet local, impact global ». Parmi les 65 projets français majeurs étudiés, dans tous les secteurs d’activité, 8 sont considérés comme entraînant un surplus important de consommation de ressource, d’espace ou d’émission de GES, qui les rend incompatibles avec les objectifs de transition écologique. Le projet T2.3 de Nice est le 2ème le plus incompatible sur les 65 analysés, avec une estimation de 28,4 millions de tonnes de gaz à effet de serre sur une période de 30 ans, soit l’équivalent de 22 ans d’émissions de la ville de Nice (au rythme actuel).
- Promotion du trafic aérien : Monsieur Goldnadel affirme que l’aéroport de Nice ne génère pas lui-même d’augmentation de trafic. Cette affirmation se voit absolument démentie par les nombreuses publications de l’aéroport et de la société des Aéroports de la Côte d’Azur (website, réseaux sociaux, interviews) qui prouvent qu’elles font le maximum pour attirer davantage de trafic aérien, favoriser la création de nouvelles lignes, et donc, augmenter le trafic. De concert, naturellement, avec les comités de tourisme, la CCI actionnaire et les élus locaux. A titre d’illustration, la création de nouvelles lignes entre la Chine et Nice, engagée en août 2019. Or un seul aller-retour Pékin-Nice émet plus de 500 tonnes de CO2 dans l’atmosphère.
- Performance opérationnelle et recherche de trafic : Cette stratégie à vocation exclusivement économique est d’ailleurs conforme aux indications du rapport des états financiers, au 31 décembre 2020, du consortium Azzurra (pages 18 et 24) : « Azzurra Aeroporti est une société holding dont le cœur de métier est la gestion de la participation dans ACA, concessionnaire aéroportuaire. La performance de l’activité ACA reflète (…) l’évolution du trafic aéroportuaire. (…) Avant COVID (2019), la marge EBITDA était de 42%, la marge bénéficiaire d’exploitation de 21% et le résultat net consolidé (profit) de 13% (37,6 millions €) (…) Azzurra surveillera l’évolution du trafic en examinant les mesures adoptées par l’ACA pour atténuer tout impact négatif sur la performance opérationnelle. » Plus il y a de trafic, et meilleure est la performance financière : nous n’apprenons rien.
Monsieur Goldnadel devrait en conséquence cesser d’invoquer la délégation de service public (DSP) pour essayer de faire croire qu’il subit le trafic aérien, alors qu’il n’a pour rôle que de maximiser les marges opérationnelles de la société qui l’emploie, et donc le volume de trafic aérien. Désormais, le business ne doit plus compter seul : moralité et responsabilité doivent retrouver leur place !
- Pollutions atmosphériques et santé publique : L’aéroport dirigé par Monsieur Goldnadel diffuse l’information d’un « aéroport 100% attractif et 0% émissif ». Or, entre 2010 et 2019, alors que le trafic aérien (mouvements) de l’aéroport de Nice a augmenté de +15%, ses émissions CO2 ont augmenté de +30%, et les polluants atmosphériques de +28% pour les oxydes d’azote, et +25% pour les particules fines, particulièrement dangereuses pour la santé humaine. En n’évoquant que des baisses d’émissions dans tous les domaines, ce directeur trompe les habitants de ce territoire, leurs élus, et les riverains de l’aéroport – urbain rappelons-le – qui les subissent. Ce fait est gravissime, alors que la pollution de l’air tue prématurément 500 personnes chaque année dans la ville de Nice ! Sa responsabilité, comme celle de votre groupe, pourra être engagée sur ce point.
- Effet rebond des émissions polluantes : Monsieur Goldnadel a affirmé que grâce aux améliorations des motorisations d’avion, les émissions baissaient « en dépit des hausses de trafic ». L’effet rebond, qu’il fait mine d’oublier, démontre l’exact contraire de ses propos, puisque les émissions de l’aéroport n’ont jamais cessé d’augmenter depuis 20 ans (à la parenthèse près de l’année Covid 2020). Le 13 avril, les journalistes présents l’ont bien compris.
- Energies du futur : Monsieur Goldnadel prétend qu’en « élargissant un peu les batteries », les avions électriques vont bientôt arriver. Cette affirmation confuse est non seulement fausse et trompeuse, mais techniquement risible et peu professionnelle, laissant entendre qu’une part significative du trafic de l’aéroport de Nice pourra être réalisée par des avions électriques. Tous les experts le savent : à part des avions à faible capacité d’emport, l’aviation électrique n’est pas pour demain, ni pour après-demain, en tout cas pour les long-courriers, qui représentent les deux-tiers de l’activité de l’aéroport de Nice… Quant au carburant SAF, constitué tantôt à partir d’huiles de fritures, tantôt d’agrocarburants, fortement consommateurs de terres arables, et à l’hydrogène vert, leurs coûts seront rédhibitoires pour très longtemps encore. Rappelons que leurs modes de production sont extrêmement énergivores, et qu’ils ne seront disponibles ni à temps (par rapport à l’accélération du réchauffement climatique), ni à l’échelle (planétaire). Enfin, comme vous le savez, l’hydrogène est aujourd’hui produit à 98% dans le monde à partir d’énergies fossiles, à destination prioritaire de l’industrie et non de l’aviation ou, plus largement, de la mobilité.
- Consommation d’eau : Ce 13 avril, une journaliste a rappelé à Monsieur Goldnadel que l’aéroport de Nice consomme plus de 2 millions de litres d’eau, soit l’équivalent de 15% de l’ensemble de la consommation de la ville de Nice. Il a de nouveau édulcoré cette réalité, affirmant que l’aéroport rejette beaucoup de cette eau, avec la climatisation, laissant entendre que ce n’est pas une « consommation nette ». Non seulement cette eau est bel et bien consommée, mais les touristes consomment deux-tiers d’eau de plus que les habitants de notre région, qui eux-mêmes consomment déjà 50% plus que la moyenne nationale, alors que nous entrons dans une (très) longue période de sécheresse croissante et très problématique, notamment dans les Alpes-Maritimes et le Var.
Enfin, nous vous confirmons trois points de contexte importants :
- Pour mémoire, certaines des associations signataires de la présente lettre ont participé à une action collective (à l’échelle nationale) visant l’annulation du prêt de 100 millions d’euros demandé par l’aéroport à la Banque Européenne d’Investissement (BEI), et ce en invoquant un projet à rebours de nos engagements de lutte contre le réchauffement climatique. La BEI a répondu favorablement à notre demande, comme vous le savez.
- La résistance citoyenne s’organise et se développe contre l’ensemble des projets climaticides, dont celui de l’extension T2.3 de l’aéroport de Nice, mais aussi contre les nuisances aériennes autour de l’aéroport de Cannes Mandelieu, dont vous avez également la responsabilité. Le 18 mars 2023, des centaines de citoyens et d’organisations collectives ont marché sur l’aéroport pour manifester cette opposition à un projet désuet et contraire à l’intérêt général. Cette mobilisation ira croissante.
- Notre alliance soutient activement l’association requérante FNE06, conseillée par le cabinet Huglo-Lepage, dans son recours judiciaire contre le projet d’extension, actuellement en appel près la cour administrative d’appel de Marseille. Nous sommes pleinement déterminés à aller au terme de tous les recours possibles. Le lancement des travaux du T2.3 ne s’opérera donc qu’aux risques et périls de votre société, dans la perspective de l’annulation du permis de construire afférent.
En conclusion, nous vous formulons très solennellement la requête suivante :
- Mettre un terme à ce projet d’extension T2.3, qui s’oppose à l’ensemble des engagements climatiques et sanitaires, ce qui vous préservera accessoirement de surcoûts importants.
- Demander à Monsieur Goldnadel, président du directoire du groupe ACA, de changer radicalement sa politique de communication, vers beaucoup plus de transparence, d’honnêteté et de dialogue avec les acteurs de la société civile, les élus et les médias. Le mensonge et la tromperie sont illégaux en 2023, sur les questions de santé et d’environnement.
Nous espérons que vous porterez la plus grande attention à cette requête, que nous portons à la connaissance des médias locaux, nationaux et internationaux.
Dans l’attente de votre retour,
Cordialement.
* Signataires (par ordre alphabétique) :
ANV/XR Nice, ATTAC 06, CCFD-Terre Solidaire 06, CGT Educ Action 06, Collectif Citoyen 06, CPLC 06, FSU 06, Greenpeace groupe local Nice, OXFAM 06, Scientific Rebellion 06.
Destinataires :
- Azzurra Aeroporti S.p.A. : Claudio De Vincenti, Piazza San Silvestro 8, 00187, Roma, Italia
- Caisse des Dépôts et Consignations : 455, Promenade des Anglais – Immeuble Aéropole, 06200 Nice
- CCI Nice Côte d’Azur : Jean-Pierre Savarino, 20, boulevard Carabacel, 06005 Nice
- Conseil Régional Sud-PACA : Renaud Muselier, Hôtel de la Région, 27, place Jules Guesde, 13481 Marseille
- Conseil départemental AM : Charles-Ange Ginesy, Centre administratif départemental, 147, boulevard du Mercantour, B.P 3007, 06201 Nice Cedex 3
- Métropole NCA : Christian Estrosi, Métropole Nice Côte d’Azur, 5, rue de l’Hôtel de Ville, 06364 Nice Cedex 4
Informations à :
- Monsieur le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires : 246, boulevard Saint-Germain, 75700, Paris
- Monsieur le Préfet des Alpes-Maritimes : 147, boulevard du Mercantour, 06200 Nice
- Monsieur le Procureur de la République de Nice, 3, place du Palais de Justice, 06300 Nice
- Communiqué de presse aux médias locaux, nationaux, internationaux
[1] N°12, novembre 2020, page 5 : https://www.aeroport.fr/uploads/images/DDurable/Fichiers%20DD/Airport%20Carbon%20Accreditation%20Application%20Manual%20(Issue%2012)%20FINAL.pdf