Non, Nice ne respire pas (encore) !
Début 2022, à l’occasion de la mise en œuvre de la première étape très timorée de la Zone à Faibles Émissions (ZFE), ont fleuri des affiches très tendancieuses dans les rues de Nice, sur les bus de la Régie Lignes d’Azur et dans la presse locale. Que racontent-elles ? Que « Nice respire ! ». Sujet : la ville-métropole de Nice. Verbe : respirer, conjugué au présent. Grâce à quoi ? A la mobilité douce…
Pourquoi ce message est-il trompeur ?
Pour plusieurs raisons. En premier lieu, la ville de Nice est très loin d’être un exemple en termes de mobilité douce. Elle est d’ailleurs, chaque année, classée par la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB) parmi les villes au « climat défavorable » pour la pratique du vélo, par manque de réseau, de sécurisation, et d’incivilités. Ses plans vélo, depuis le PLU de 2010, n’ont jamais abouti ni répondu aux engagements du maire. Les dernières avancées, notamment autour de la période Covid, ont vu apparaître quelques pistes cyclables, mais le déploiement des travaux est lent, et le budget alloué, longtemps bloqué à 500.000 euros par an, n’est d’ores et déjà pas engagé conformément aux annonces.
Nice, condamnée par la Cour de Justice Européenne pour sa mauvaise qualité de l’air
Ensuite, la ville de Nice est une cité particulièrement polluée. La raison en est qu’elle est restée empêtrée dans la culture « bagnole » (pour reprendre le terme du maire), depuis des décennies, et que toutes les mesures un tant soit peu coercitives sont repoussées au maximum.
La ZFE, comme la zone 30 km/h du centre-ville, sont repoussées au terme du mandat municipal actuel, en 2026.
Les voitures, mais aussi les deux-roues motorisés (2RM et 3RM), particulièrement présents sur Nice : 85.000 motos et scooters circulent dans la cité, occasionnant pollution et nuisances sonores. L’aire de Nice est d’ailleurs toujours frappée d’un contentieux européen pour des dépassements de seuil en termes de pollution de l’air.
Terminons par l’indicateur le plus alarmant : des études croisées, sur la base de documents et de rapports tout à fait officiels, font état de 500 décès prématurés chaque année à Nice, du fait de la pollution de l’air, et notamment des particules fines et ultra-fines. Cet ordre de grandeur, catastrophique, n’est d’ailleurs nié par personne, ni les spécialistes, ni la mairie…
Cette campagne de communication, à laquelle s’est imprudemment associée l’AASQA AtmoSud, intervient dans une période marquée par une qualité de l’air dégradée depuis des mois, voire mauvaise au cours du mois de juillet 2022 ! Ce grand écart … discurso-praxique, marquant un profond hiatus entre la réalité des faits et la communication, n’est pas acceptable en termes éthiques, quand il s’agit de santé humaine et de politiques publiques.
La raison ? Un niveau de pollution à l’ozone particulièrement élevé sur Nice, comme d’ailleurs sur le reste de notre région. Si la chaleur de l’été favorise ce type de pollution, il n’en demeure pas moins que l’ozone (O3) est un polluant très agressif, tant pour nos poumons (« coup de soleil sur les bronches ») que pour la végétation, déjà soumise à un stress hydrique très important (sécheresse). L’ozone est un polluant photochimique secondaire, créé à partir d’un cocktail de polluants primaires (oxydes d’azote et composés organiques volatiles) soumis à l’ensoleillement et à la chaleur. Et ces polluants ne sont pas, pour l’essentiel, d’origine naturelle : ils sont émis pas les pots d’échappement de nos voitures, camions et motos, mais aussi des cheminées des bateaux ou des tuyères des réacteurs des avions fréquentant massivement l’aéroport de Nice en période estivale.
Quand la loi sera-t-elle respectée à Nice ?
Donc, oui, ce message, largement diffusé par la revue municipale « Nice Magazine », et affiché dans toutes les artères de la ville, est tout à fait trompeur. Officiellement, il est question d’une communication visant à développer les mobilités douces, en vue de permettre aux Niçois et à leurs visiteurs de … respirer ! Mais la tournure utilisée répond à l’évidence au principe d’une manipulation. Parce que Nice est encore très loin de respecter la loi Laure (Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie) de 1996, qui reconnaît à chacun le droit de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. Ce texte est aujourd’hui intégré au Code de l’Environnement (article L. 221-1 à L. 221-6).
Quand la loi sera-t-elle respectée à Nice ?