« Smart cities » sur la French Riviera : de la poudre aux yeux !
Par le Collectif Citoyen 06
De nombreux élus usent et surabusent des anglicismes et notamment du qualificatif ‘’smart’’. Dans la langue de Shakespeare, ces cinq lettres signifient ‘’intelligent’’. C’est tout l’art pernicieux de monter en épingle un objet à promouvoir. A telle enseigne que le nombre d’anglicismes est devenu l’indicateur du QI de la ville et de ses édiles. Osons le dire : ce nombre est l’indicateur du degré de ‘’smartitude’’ d’un territoire… Il est en fait celui de la totale fatuité de cette vision.
Voilà qu’à l’instar d’autres territoires, tout est frappé de smartitude depuis quelques années sur la Côte d’Azur, et notamment dans sa capitale azuréenne : Nissa la Bella… La prétendue ’’intelligence’’ y est omniprésente : dans les medias, dans les réseaux électriques, dans la vallée et, naturellement, dans la ville, alors même qu’elle n’est toujours pas dotée d’un système moderne de contrôle de gestion…
Avant d’aller plus avant, rappelons que le Larousse définit l’intelligence comme la ‘’capacité de saisir une chose par la pensée’’, ou comme un ‘’ensemble de fonctions mentales ayant pour objet la connaissance conceptuelle et rationnelle’’. Nous sommes d’accord, il est ici question de tout autre chose. Au même titre que ce que les medias ne cessent de qualifier d’IA : l’’’intelligence artificielle’’, sœur jumelle de la ‘’musique militaire’’, diraient certains traumatisés de leur passage dans les casernes du temps de la conscription…
Une ville pauvre, polluée et bétonnière est-elle … intelligente ?
A défaut d’une belle adéquation sémantique, que peut signifier une ‘’ville intelligente’’ ? Serait-ce une cité respirable, apaisée, sociale et entrepreneuriale, désendettée, connectée, autonome et, finalement, durable ? Ou une ville-marketing arborant mille et une vitrines technologiques sur son fronton ensoleillé, mais calfeutrant derrière de hauts rideaux de communication, le monde réel et son cortège de pauvreté, de pollution, d’incivismes, d’endettement, d’échec de son plan climat, tous indicateurs bien peu porteurs en termes électoraux ? Serait-ce une cité collaborative au sein de laquelle chaque citoyen peut s’exprimer et s’impliquer, proposer et opposer, dans ce qu’on peut appeler, pertinemment cette fois, de l’intelligence collective et de l’innovation sociale ? Ou un territoire piloté rênes courtes par la vision top-down d’un seul homme, héritier du système Médecin, entouré de son quarteron servile de proches conseillers, dont le projet consisterait à dérouler un plan opaque (genre OIN sur la Plaine du Var), aux ficelles peu visibles du grand public, et à en compenser les lacunes démocratiques par un clientélisme de quartier infantilisant mais redoutablement efficace ? Il est d’ailleurs étonnant qu’une ville au pouvoir extrêmement vertical et architecturé à l’ancienne, à la ‘’napoléonienne’’ pourrait-on dire, se targue d’autant de techno-modernisme… Une ‘’smart city’’ serait-elle une ville au taux de pauvreté de plus de 20%, contre 14% dans le reste du pays, et à la pollution atmosphérique endémique (contentieux à la Cour européenne et au Conseil d’État) ? Une ville aux près de quatre mille caméras de surveillance, et bientôt de reconnaissance faciale, dont on peut imaginer toutes les possibles dérives ? Une ville dans laquelle l’artificialisation des sols est une constante depuis des décennies ? La Plaine du Var niçoise n’est vue, dans les brochures officielles généreusement distribuées, que comme une ‘’capacité constructible’’ (sic), concept ravageur qui aura tôt fait de laminer les derrières terres fertiles sous le bitume de l’’’Eco–Vallée’’, comble de l’oxymore moderne, et de la technocratie de son EPA (Établissement Public d’Aménagement) et de son PLUm (Plan Local d’Urbanisme métropolitain) de 16.000 pages…
Car les deux mamelles niçoises ne sont pas le labourage et le pâturage, comme le suggérait Maximilien de Sully, ministre et ami du roi Henri IV, mais le BTP et le tourisme de masse. La ‘’smart city’’, sur la Côte d’Azur, n’est en effet que labels et technologie tonitruante, un modèle de développement incessant, de croissance continuelle, d’extension polymorphe (extension de l’aéroport, création d’un nouveau port de commerce (projet serpent de mer ressurgissant de temps à autre), bétonisation pour des dizaines d’hectares de bureaux inutiles…). Les élus prétendent ‘’bâtir la ville sur la ville’’, mais, ‘’en même temps’’, étalent leurs fantasmes de béton armé et de verre non seulement dans les ‘’dents creuses’’ urbaines, du littoral aux collines, mais également dans les espaces naturels environnants, fussent-ils des zones humides ou Natura 2000.
Vous l’aurez compris, nos mots façonnent nos visions du monde et détournent la réalité. Les mots sont aussi flexibles que redoutables. Mais comme le répétaient à l’envi Lénine ou Mark Twain : « les faits sont têtus » ! Ces visions ne tiennent en effet que tant qu’on s’en contente, ou qu’on les accepte passivement. Car les ‘’smart cities’’ ne sont probablement que ‘’powder to the eyes’’… Lorsque le citoyen s’avise un tant soit peu, les rideaux tombent, et l’esprit critique se libère. Pour … le-plus-grand-bien-de-la-démocratie !
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