Un peu d’histoire-géo…
Le fleuve Var prend sa source à Estenc et s’étire sur 114 kilomètres jusqu’à la mer Méditerranée, où il se jette entre le complexe commercial Cap 3000 et les pistes de l’aéroport de Nice, en pleine zone Natura 2000. Au fil des millénaires, il a façonné la Plaine du Var, aujourd’hui longue de 25 kilomètres, et d’une superficie de 10.000 hectares, sur laquelle sont installés 116.000 habitants répartis sur 15 communes. Il a marqué, jusqu’au XVIIème siècle la frontière franco-sarde, les passages n’étant alors permis qu’au travers de deux gués : Saint-Laurent et Gattières. C’était bien longtemps avant les flots continus de camions et de voitures de l’autoroute A8 !
Le fleuve Var reste un fleuve de montagne, capable de crues très puissantes !
Les travaux d’endiguement, initiés à partir des années 1850, ont peu à peu fait oublier que le Var reste un fleuve de montagne impétueux, passant d’un débit moyen de 30 à 40 m3 par seconde à plus de 3.000 m3/s, similaire à celui du Nil (en 1994 ou 2020 par exemple) ! Le Plan Local d’Urbanisme niçois indique d’ailleurs : « le Var est un fleuve à crue rapide, potentiellement aggravé par le risque de concomitance d’une submersion marine. »
Le fleuve que connaissent les Maralpins est en fait le fruit de la réunion de plusieurs affluents : le Var lui-même, l’Estéron, la Vésubie et la Tinée. Le bassin versant est donc très vaste (voir carte ci-dessous). Lorsque ces massifs subissent de fortes intempéries, comme lors de la tempête Alex en 2020 (alors que le massif de l’Estéron a été épargné par le déferlement orageux), les eaux grossissent kilomètre après kilomètre et finissent par générer des crues importantes en aval, jusqu’aux faubourgs niçois.
Le réchauffement climatique induit un assèchement progressif du climat méditerranéen : le GREC-Sud annonce une réduction progressive du débit moyen annuel de 10 à 30% entre les années 1990 et 2050 (avec un moindre enneigement des massifs du Mercantour), alors que les prélèvements d’eau dans les nappes phréatiques s’accroissent avec la politique d’attractivité permanente menée par la municipalité de Nice. En contraste, les épisodes de pluies se montreront de plus en plus intenses (orages d’automne, souvent appelés les « pluies de la Saint-Michel » par les Anciens).
Le Var, mais aussi le Paillon !
« Le Paillon existe, … le torrent impétueux, farouche, roulant de la fange et des cailloux dans ses eaux bourbeuses, couvrait les ponts et les quais de pierres et se précipitait dans la mer avec un fracas horrible… » Théodore Banville, 1860.
« Le Paillon a un bassin versant de 250 km². Avant de traverser Nice et de déboucher dans la baie des Anges, il a de nombreux affluents : Paillon de l’Escarène, Paillon des Contes, Paillon de Levens (La Banquière), Paillon de Laghet. Le Paillon a commencé à être couvert en 1868, en 1983 un tunnel routier à été créé (Le Tunnel Rive gauche du Paillon ou TRGP). Ce tunnel est inondable lors des fortes crues. » (extrait site Métropole Nice Côte d’Azur).
Les crues du Paillon sont légendaires, tant par leur rapidité que par leur violence, et ont pu atteindre des débits de 750 m3 par seconde (débit centennal).
Photo du Paillon en crue (17 nov 1940).
Source : J. De Saint-Seine, « Monographie hydrologique et hydraulique du Paillon de Nice en vue de la gestion du risque inondation », thèse de doctorat I.N.P.G, 1995.
« Le Paillon est un fleuve côtier typiquement méditerranéen, drainant un bassin versant de 250 km2 environ (28 km de long), très compact et fortement accidenté, ce qui peut expliquer ses crues très soudaines et violentes qui sont cependant rares, son étiage persistant étant sa caractéristique dominante… Depuis toujours, les crues du Paillon ont frappé l’imagination populaire du fait de leur soudaineté. Parmi les morts que ce fleuve a à son actif, nombreux sont ceux qui ont été surpris et emportés par l’arrivée de ses premiers flots dont beaucoup de témoignages s’accordent à dire qu’ils ont l’aspect d’un véritable mur d’eau d’un mètre de haut ou plus. » (source).
Le Paillon connaît des crues rares, que font oublier les longues périodes d’étiage, comme celle du printemps 2023 :
Pour en savoir plus :
- contrat de rivière des Paillons (PDF)
- plan de prévention des risques non prévisibles d’inondation du Paillon (PDF, août 1999, approuvé le 17 novembre 1999)
A noter qu’il existe un SAC (Système d’Annonce des Crues) du Paillon, basé sur 12 stations de mesure. Mais qu’en en serait-il aujourd’hui, lors d’une crue majeure, avec le recouvrement du fleuve, notamment en amont du Palais des Expositions ? Pour finir, le PPRI (Plan de Prévention du Risque Inondation) de ce fleuve date de … 1999. Sa mise à jour, qui paraît urgente, devrait être diffusée en 2024.
Des épisodes orageux plus intenses sur des sols de plus en plus imperméabilisés…
Aujourd’hui, rassurés par la mise en place d’un Plan de Prévention du Risque Inondation (PPRI) et de Programmes d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI) à partir de 2003 (travaux de lutte contre le réengravement des seuils par exemple), les autorités ont ouvert la basse Plaine du Var à un plan massif d’urbanisation au cœur d’une zone inondable. Entre l’embouchure du Var et le stade Allianz-Riviera, des dizaines d’immeubles poussent dans la « Nouvelle-Nice » (termes de la municipalité) : quartiers Grand Arénas, Méridia, etc. Mais la Nature sait toujours reprendre ses droits, en dépit des aménagements humains. Et un fleuve comme le Var peut donc toujours sortir de son lit et envahir la plaine. D’autant plus quand les collines environnantes sont elles-aussi imperméabilisées par la bétonisation des coteaux. Les nouveaux habitants de ces quartiers « modernes » de la Plaine du Var en sont-ils bien conscients ?
Le fleuve Var sort de son lit régulièrement, comme il l’a fait lors des crues de décembre 1947, de novembre 1951, de 1982, de novembre 1994 (photo ci-contre), d’octobre 2019, ou encore d’octobre 2020 (tempête Alex)…
D’autres catastrophes climatiques surviendront si nous ne changeons pas nos comportements
La tempête Alex a marqué les esprits, avec un bilan dramatique de 10 morts, 8 disparus, 13.000 sinistrés et 1 milliard d’euros de dégâts environ. Un volume insensé de 650 millions de tonnes d’eau se serait déversé sur les vallées de l’arrière-pays en seulement quelques heures ! Les dégâts matériels ont été colossaux, allant jusqu’à des bouleversements géomorphologiques du paysage, et les travaux de réfection vont encore durer des années et coûter des centaines de millions d’euros (70 km de routes, ponts et tunnels détruits, installations diverses, habitations, travaux hydrauliques, exploitations agricoles…).
Ces expériences dramatiques doivent nous inciter à changer radicalement notre approche (et en premier lieu celle des élus et Préfets). D’autant que sur les 963 communes de la région Sud PACA, 882 sont soumises au risque inondation, soit 91,5% des communes…
Il nous faut enfin respecter l’environnement, et tout mettre en œuvre pour prévenir ces catastrophes en cessant de bétonner les terres et de construire dans chaque recoin du territoire, et en baissant drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre pour lutter beaucoup plus activement contre les sources de réchauffement climatique.