La vision de la santé change, et c’est tant mieux !
Fin des années 1940, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a défini la santé dans ces termes : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. » Puis la charte d’Ottawa en a précisé les conditions en 1986 : la santé exige un certain nombre de conditions et de ressources préalables, l’individu devant pouvoir notamment :
- se loger,
- accéder à l’éducation,
- se nourrir convenablement,
- disposer d’un certain revenu,
- bénéficier d’un écosystème stable,
- compter sur un apport durable de ressources,
- avoir droit à la justice sociale et à un traitement équitable.
La population niçoise n’est pas en bonne santé
Une population en bonne santé suppose donc des politiques publiques soucieuses de ses conditions sociales, tant à l’échelle de l’État que des collectivités locales. Or, Nice détient le triste score d’un taux de pauvreté de 21,6% et pire encore, celui de 27% chez les moins de 30 ans (INSEE 2018) ainsi que d’une pollution de l’air chronique qui entraîne la mort prématurée de 500 Niçois chaque année. La municipalité niçoise ne protège donc pas les habitants comme elle le prétend (« paradis sanitaire »).
Avec un niveau élevé de pollution chronique, de bruit et d’insécurité routière et piétonne, il est légitime de se demander si la ville est bien … l’amie des enfants.
(copyright CC06)
L’Observatoire Régional de Santé (ORS PACA) a produit (en 2017) une étude sur les projections des maladies chroniques en région Provence-Alpes-Côte d’Azur à l’horizon 2028 : elle indique des évolutions à la hausse de très nombreuses pathologies chroniques dans les prochaines années, qu’il convient d’anticiper dès à présent !
La santé est affaire de prévention et de bien-être, plus que de moyens hospitaliers
Une nouvelle approche de la santé émerge actuellement. Jusqu’à présent, on ne prêtait attention à sa santé qu’au moment des maladies. Cette vision, axée sur les soins curatifs au détriment de la prévention, en médecine de ville ou à l’hôpital, n’a pu empêcher l’explosion des maladies chroniques, y compris chez les enfants et les jeunes : obésité, diabète II, maladies cardiovasculaires, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), stéatoses hépatiques (« maladie du foie gras »), intolérances et allergies, troubles autistiques, hyperactivité et déficit attentionnel, cancers, etc. Les maladies chroniques, appelées également affections de longues durée (ALD), sont en plein essor ces dernières années en France (près de 10 millions de personnes touchées), et coûtent 100 milliards d’euros par an à l’Assurance Maladie. Le traitement tardif de ces maladies engendre souffrances physiques et mentales, ainsi que des coûts démesurés pour la société. N’oublions pas non plus les seniors, puisque l’âge médian sur notre territoire est de 7 ans plus avancé que sur des territoires équivalents, avec tout ce que cela induit en termes de pathologies associées.
Cette nouvelle approche est fondée sur le concept d’une seule santé (ou One Health). Elle considère que la santé humaine est indissociable de la santé des animaux et de celle de la biosphère terrestre. Déranger ou attaquer la biodiversité, c’est transférer des maladies animales vers l’humain (il existe environ 200 types de zoonoses actuellement) : aujourd’hui, au moins 60% des maladies humaines infectieuses ont une origine animale (salmonelloses, coronavirus, certaines grippes, listérioses, etc.). Le cas du SARS COV-2 (Covid) en est un exemple encore d’actualité, issu du foyer viral de chauve-souris en Chine, et propagé à travers la planète par les transports (aériens en particulier). Quand la santé de la planète se dégrade, celle des humains (responsables de cette dégradation) ne peut que suivre. Un autre exemple est celui du dérèglement climatique, qui engendre des catastrophes en tous genres : montée des eaux et migrations forcées, canicules plus fréquentes et longues, sécheresses prononcées (les Alpes-Maritimes sont déjà touchées en 2022), baisses de rendement des productions agricoles, tempêtes de plus en plus violentes (à l’image de la tempête Alex en octobre 2020), pandémies plus fréquentes (les bactéries aiment la chaleur !), acidification des océans, crises et conflits (notamment autour de l’accès à l’eau).
Pensons co-bénéfices !
Un seul exemple pour comprendre le principe des co-bénéfices. Une commission collégiale formée par la revue médicale The Lancet en 2019 avait estimé que les Européens devraient réduire leur consommation de viande rouge de 77% pour respecter les limites planétaires ET leur santé, tout en doublant celle des fruits, noix, légumes et légumineuses.
En clair : réduire sa consommation de viande permet de réduire la taille des cheptels (notamment industriels), et donc les émissions de gaz à effet de serre et la déforestation (pour l’alimentation de ces cheptels), et donc le réchauffement climatique. Et donc, les catastrophes climatiques, nuisibles pour la santé humaine, la biodiversité, les ressources en eau, l’économie, etc. Les co-bénéfices sont potentiellement gigantesques. A nous de les saisir ! Rapidement.
Une dernière illustration des co-bénéfices : l’urbanisme peut évidemment apporter du bien-être, lorsqu’il est intelligemment pensé, tout en favorisant la santé des habitants. N’oublions pas que l’urbanisme est un déterminant de santé !
Bonne nouvelle : les médecins niçois se mobilisent !
Des médecins du CHU de Nice sont à la pointe de l’approche One Health et développent la médecine intégrative, qui est une médecine décarbonée, centrée sur les thérapies complémentaires et naturelles, ainsi que les interventions non médicamenteuses. Une association de soignants a été créée pour défendre cette approche moderne et durable de la médecine. Créé en janvier 2015 à Nice sous l’égide du Professeur Patrick Baqué, ancien doyen de la Faculté de Médecine de Nice, et du Dr Marie Juston-Baqué, l’Observatoire des Médecines Complémentaires et Non Conventionnelles (OMCNC) est une association à but non lucratif (loi de 1901). A noter également que la médecine intégrative a été très récemment intégrée au cursus de formation des étudiants en faculté de médecine.
Au CHU de Nice œuvre également un département de santé publique (DSP), fer de lance de la promotion de la santé, avec une équipe réunie autour du Pr Christian Pradier. Ce département priorise les questions de prévention pour contrer notamment les fléaux que sont les maladies chroniques, de plus en plus fréquentes dans la population. Travailler sur la prévention, la sensibilisation et l’éducation présente tous les avantages. La prévention, c’est limiter l’exposition au stress physique et mental, aux polluants de l’air, aux perturbateurs endocriniens, aux pesticides, à la malbouffe industrielle, aux sucres et au sel. C’est aussi promouvoir l’activité physique, quand de plus en plus de personnes oublient simplement le bénéfice de la marche ou du vélo pour prendre leur véhicule à tout bout de champ. Améliorer nos comportements et notre environnement, c’est agir directement sur 70% de nos déterminants de santé ! Le reste étant notre génétique (20%) et l’accès aux soins (10%). Tous ces mécanismes sont aujourd’hui expliqués par l’épigénétique, une science récente et absolument révolutionnaire (et passionnante) !
Citons aussi toutes celles et tous ceux qui se mobilisent face au problème croissant de désertification médicale en zone rurale et dans les arrière-pays. Des projets fleurissent partout, comme le Gynécobus, dans le Var.
Le travail social est aussi une clé de santé indispensable
Citons également les acteurs sociaux niçois qui assurent un travail social crucial sur ce territoire fragilisé. Une école mérite d’être connue, œuvrant depuis des décennies à Nice : l’HETIS (Haute École du Travail et de l’Intervention Sociale), ancien IESTS (Institut d’Enseignement Supérieur de Travail Social), qui forme de nombreux accompagnants éducatifs et sociaux, des agents de service médico-social, des assistants de service social, de soins en gérontologie, de vie aux familles, de vie dépendance, de la petite enfance, ingénierie sociale, éducateurs spécialisés, médiateurs sociaux, etc. Ce travail de fond répond aux besoins relatifs à la santé sociale de la population, particulièrement élevés compte tenu des taux de pauvreté et d’inégalités du territoire.
Décarboner le secteur de la santé est aussi un beau défi !
Le secteur de la santé représente aujourd’hui 8% des émissions nationales de gaz à effet de serre. 1/3 de ces émissions sont dues à l’achat des médicaments ! La santé est un enjeu de résilience majeur : la prospérité des sociétés dépend de la pleine santé des populations.
Le plan de transformation de l’économie française (Shift Project) définit les leviers pour le décarboner :
- Raccourcir les chaînes d’approvisionnement
- Instaurer un pilotage national de la décarbonation
- Déployer fortement les politiques transversales santé-environnement
- Réduire les GES (achats, déplacements, bâtiments) de 5% par an
- Intégrer aux formations initiales un module sur les enjeux énergie-climat
- Mieux évaluer les flux physiques et réaliser des bilans carbone (13% d’émissions directes et 87% d’émissions indirectes aujourd’hui pour la santé en France)
- Déployer la télémédecine à bon escient
- Mettre la priorité sur la prévention dans une vision de santé globale !
Une lettre ouverte pour la santé globale à Nice
Un collectif de soignants (médecins et professeurs, infirmiers et aide-soignants, thérapeutes) et de scientifiques (enseignants-chercheurs, étudiants) de Nice et de la Côte d’Azur, déjà appuyé par plus de 650 citoyens, a été mis en place à l’été 2021, autour de la nécessité de prioriser la santé globale dans les politiques publiques.
Ce collectif a rédigé une lettre ouverte : vous aussi, vous pouvez la lire et la soutenir par votre signature (formulaire en bas de page du site dédié) ! L’idée est d’inciter les élus et dirigeants publics à travailler en amont sur les questions environnementales et sanitaires afin d’améliorer durablement la santé de la population et de protéger son cadre de vie.
Naturellement, le collectif citoyen 06 soutient avec enthousiasme cette démarche proactive d’alerte et de propositions concrètes. 😉