Dans la page Danger : trop de vulnérabilités !, nous avons listé les grands volets de nos vulnérabilités territoriales. Les reflets ensoleillés de la carte postale vendue par nos promoteurs touristiques et élus, ne doivent pas nous endormir, car il est plus que temps de regarder en face ces vulnérabilités et mettre en œuvre les politiques publiques permettant de les contenir et, surtout, de les réduire ! Les réduire, tout en décarbonant l’ensemble de nos secteurs d’activités. C’est donc l’heure d’agir, et non de se croiser les bras, ou de se perdre en palabres d’autosatisfaction…
Les grands domaines de résilience à développer sont les suivants (liste non exhaustive) :
- Santé publique, incluant les aspects sociaux
- Agroalimentation bio, locale et de saison
- Ressources en eau à préserver
- Énergie à verdir et économiser
- Diversification économique
- Sécurité et protection civiles
- Cesser de nous endetter
1. Santé publique : réduire les fléaux
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et la Charte d’Ottawa (1986) définissent la santé comme un état de bien-être, incluant la santé physique, mentale et sociale. Or, en plus d’être frappé des mêmes épidémies de maladies chroniques que le reste du pays, le territoire niçois connaît un taux de pauvreté alarmant. Toutes ces causes sont souvent liées, et nécessitent un recentrage important des politiques publiques, pour protéger les plus vulnérables d’entre nous : enfants, jeunes, personnes précaires et/ou isolées, handicapées, âgées.
Cette santé globale, en plus des mesures visant à ouvrir de nouveaux champs d’emploi (diversification économique et réduction du chômage), doit être protégée par des actions fortes de prévention contre la malbouffe et l’alimentation industrielle (et donc la publicité), contre les polluants (air, plastiques, perturbateurs endocriniens, etc.) et les nuisances sonores.
La santé doit être également promue par des actions d’éducation et de sensibilisation (tabac, addictions, activité physique, santé sexuelle, etc.), par une vie sociale et culturelle plus riche, etc.
2. Agroalimentation bio, locale et de saison
Notre territoire concentre une population très dense, notamment sur la bande littorale. A ces résidents s’ajoutent les millions de touristes, débarquant à des périodes précises de l’année. Nice est la 1ère ville touristique de France après Paris : environ 5 millions de visiteurs par an, représentant 40 % des flux touristiques de la Côte d’Azur.
Le problème ? Avant même les aspects économiques (présentés au point 5), la question est d’assurer la sécurité alimentaire du territoire ! Pour mille raisons : notre territoire est enclavé et éloigné des principaux flux logistiques, la crise ukrainienne montre à quel point les flux agroalimentaires sont tendus et fragiles, le dérèglement climatique (chaleur, sécheresse) va impacter durement les rendements agricoles, le taux de pauvreté élevé pose le problème de la précarité alimentaire de dizaines de milliers d’habitants, les crises sociales peuvent entraîner des blocages d’entrepôts alimentaires (ex : crise des Gilets jaunes fin 2018), etc. Malgré cela :
- L’artificialisation des sols des Alpes-Maritimes a doublé en 50 ans
- La déprise agricole augmente sans cesse (1/3 de la surface agricole a disparu en 10 ans)
- Les terres fertiles de la Plaine du Var sont soumises à très rude épreuve avec une bétonisation intensive
- Plus de la moitié de la population agricole a plus de 50 ans
- La politique agricole et alimentaire de la métropole Nice Côte d’Azur n’a rien apporté de concret depuis son lancement en 2014…
Au bilan, notre territoire doit importer plus de 98% de ses aliments, et aucun indicateur ne montre une amélioration à ce jour !
Il est donc urgent de sanctuariser nos terres agricoles, de développer des filières agroalimentaires locales (formation, production et distribution, etc.), d’aider les producteurs (bio), les associations (ex : AMAP), les conversions et les formations, de promouvoir le régime méditerranéen et la végétalisation de l’alimentation ! (copyright CC06)
3. Ressources en eau à préserver
Nos ressources en eau proviennent principalement des flux en provenance du Massif du Mercantour et de la nappe du Var. Elles sont précieuses, et le seront chaque année un peu plus. Pourquoi ? Parce que le dérèglement climatique induit une augmentation progressive de la fréquence et de l’intensité des périodes de sécheresse. Parce que notre territoire subit de très importantes ponctions d’eau par le fait de la densité élevée de population (540.000 habitants sur la métropole niçoise, et 1 million de personnes sur le département) et du surtourisme. Si un habitant consomme en moyenne près de 150 litres par jour (hors alimentation), un tourisme en consomme le double (300 litres : piscine, jacuzzi, hôtellerie de luxe, etc.) ! Parce que les étiages prononcés (en période de sécheresse) augmentent également les risques de biseaux salés. Et cætera.
Deux mauvais exemples ? L’Aéroport Nice Côte d’Azur consomme chaque année plus de 2 millions de m3 d’eau : 1/4 d’eau potable et 3/4 d’eau industrielle. Cela représente 15% de la consommation totale de la ville de Nice. L’eau destinée à la consommation humaine est puisée dans les nappes du Var, à partir de 2 puits, pour ensuite être traitée (source). Le projet d’extension prévoit une augmentation de +7 millions de passagers par an. Comment préserver l’eau du territoire ? La réponse coule de … source.
Préserver les ressources en eau, c’est aussi agir efficacement contre les fuites d’eau dans les réseaux de distribution (environ 20% de pertes à l’échelle nationale !) et mettre en place un réseau de récupération des eaux pluviales.
Ensuite, l’artificialisation de nos sols. Or, « la sécheresse n’est pas due qu’à un déficit de précipitations. L’artificialisation des sols aggrave la situation sur notre littoral qui est très urbanisé. L’eau qui tombe ruisselle et se retrouve à la mer… et n’alimente donc pas les nappes phréatiques. » (Joël Guiot, chercheur et climatologue au Centre Européen de Recherche et d’Enseignement en Géosciences de l’Environnement et co-président du Grec-Sud, cité dans Nice-Matin du 22 mai 2022).
Des solutions existent, comme toujours. Voir cet article. Et lire le rapport du GREC-SUD sur les ressources en eau et le changement climatique en PACA (PDF).
4. Énergie à verdir et économiser
Le territoire maralpin, et niçois en particulier, est une péninsule énergétique : nous importons 90% de notre énergie… Pourquoi ? Parce qu’en dehors de l’énergie hydroélectrique (Mercantour), le potentiel solaire n’est quasiment pas exploité ! Et parce que la sobriété n’est pas un sujet qui passionne nos dirigeants publics. Il suffit de voir la multiplication des panneaux publicitaires énergivores sur nos voies publiques. 0,6% seulement de notre consommation électrique provient de l’énergie solaire, alors que nous vivons au cœur de la Côte d’Azur ! Difficile de faire moins… Il y a pourtant à NICE 60% de soleil de plus qu’ailleurs (2.700 h par an, contre 1.700 h). Que faut-il faire ?
Bien sûr, commencer par appliquer une politique générale de sobriété, expliquée, égalitaire et consentie, qui sera toujours indispensable face à la montée des prix de l’énergie et de la précarité et à la réduction des énergies fossiles. Et respecter les objectifs (PCAET et SRADDET) de réduction de consommation des énergies finales. Or la métropole NCA ne respecte pas cette trajectoire ! Ensuite, mettre la priorité sur la rénovation énergétique des bâtiments, de manière autrement plus volontariste que ne le fait la municipalité-métropole niçoise !
C’est enfin, développer autre chose que des vitrines technologiques (ex : géothermie peu profonde), et très fortement développer les énergies solaires photovoltaïque et thermique, puisque le Soleil est très généreux sur notre territoire (bien davantage que le vent). Ceci est d’autant plus important que l’hydrogène par électrolyse de l’eau semble pointer son nez pour la mobilité verte, et que ce procédé est particulièrement gourmand en énergie… L’autoconsommation énergétique des bâtiments publics et privés, des installations industrielles, des PME, etc., doit être visée.
De nombreux territoires, pourtant bien moins ensoleillés, développent des projets ambitieux. Citons les champs photovoltaïques installés sur d’anciennes décharges ou carrières, comme à Dijon (43.000 panneaux) ou à Bordeaux (parc de Labarde) : 135.000 panneaux sur 60 ha (75 GWh), pour la consommation hors chauffage de 70.000 habitants. De nombreux pays agissent : le Danemark est sur la voie d’une transition énergétique menée tambour battant. Des régions européennes également, qui réussissent le pari d’une énergie propre décentralisée et localisée au plus près des consommateurs : solaire photovoltaïque sur les 4èmes façades (toits), sur des ombrières de parking (comme à Moulins, sur un hypermarché), sur des serres maraîchères (comme à Rians dans le Var), et jusque sur des … cimetières (commune de Saint-Joachim, en Loire-Atlantique, ville de Santa Coloma de Gramenet, en banlieue de Barcelone), agrivoltaïsme, etc.
Et à Nice ? Lorsqu’on analyse le plan de la métropole NCA, il ne faut pas longtemps pour découvrir que la « stratégie » mise en place est lacunaire : à Nice, il manquera même 400 GWh d’énergies renouvelables (EnR) à l’horizon 2026 ! A comparer aux 1.150 GWh d’énergies totales (dont 824 GWh électriques) produits en 2019 par cette même métropole (source Cigale)… Il s’agira donc d’être très vigilants sur le prochain Schéma Directeur des Énergies de la Métropole NCA (SDEm).
Et pourtant, les solutions ne manquent pas ! Il suffirait que 50% des bâtiments d’une ville soient équipés pour rendre cette ville autonome au plan énergétique. Et le prix de l’énergie solaire a été divisé par 10 en 10 ans. Il est donc temps de s’éveiller à Nice et dans les Alpes-Maritimes !
5. Diversification économique
Il nous faut changer radicalement de stratégie pour :
- Réduire la dangereuse dépendance au tout-tourisme, et mieux faire face aux crises à venir (faut-il rappeler les effets de la crise des Gilets jaunes, de la Covid-19 et de la tempête Alex ?)
- Réduire le chômage, notamment des jeunes : en 2017, le taux de chômage moyen des 7 quartiers les plus pauvres de Nice atteignait 24,8% ! (données CCAS). Dans ces mêmes quartiers : 42% de pauvreté… Comment est-ce possible dans une « smart city » ?
- Nous orienter vers des activités économiques : industrie bas-carbone (vélos et batteries, rénovation, EnR, économie sociale et solidaire : ESS)
- Développer massivement le secteur agroalimentaire local
- Développer massivement le secteur des énergies renouvelables (solaire PV et thermique)
- Développer massivement le secteur de la rénovation énergétique des bâtiments
- Réduire la dépendance du secteur BTP à la consommation de terres naturelles et arables par l’urbanisme circulaire et la rénovation
- Réduire les déchets et développer une filière complète de tri et recyclage (économie circulaire)
Les élus doivent se mobiliser avec la plus grande énergie pour cette grande mutation territoriale !
6. Sécurité et protection civiles
La culture de sécurité civile et de protection civile n’est ni au cœur des préoccupations de nos élus, ni de celui de la population. Or nous vivons sur un territoire géographiquement contrasté, très exposé aux risques environnementaux (catastrophes dites naturelles) :
- Risques de submersion et d’inondation (crues du Var et du Paillon)
- Tempêtes de type épisodes méditerranéens (« bombes climatiques »)
- Feux de forêt, avalanches, mouvements de terrain, etc.
Sur 963 communes de la région PACA (source) :
- 946 sont soumises à l’aléa séisme (98,2%)
- 928 à l’aléa mouvements de terrain (96,3%)
- 912 à l’aléa feux de forêt (94,7%)
- 882 à l’aléa inondation (91,6%)
- 298 à l’aléa radon (30,9%)
- 110 à l’aléa avalanche (11,4%)
Le pourtour méditerranéen est particulièrement exposé aux tempêtes d’automne (« pluies de la Saint-Michel »), risquant d’être de plus en plus violentes et meurtrières avec le réchauffement climatique, à l’image de la terrible tempête Alex d’octobre 2020.
Prenons le cas du risque sismique :
La région PACA est la région de France métropolitaine la plus soumise au risque sismique et le département des Alpes-Maritimes représente, dans cette métropole, la plus grande surface urbanisée exposée à l’aléa le plus fort. Il s’y produit statistiquement un séisme de magnitude supérieure au niveau 4.0, tous les 5 à 6 ans.
Dans l’histoire de ce département, de terribles tremblements de terre dans l’arrière-pays niçois, au XVIème ou XVIIème siècle, ont fait 600 morts entre Nice, Menton et la Ligurie en 1887 (source). Qu’en serait-il aujourd’hui avec une densité de population bien plus importante, des terrains très construits et des infrastructures vulnérables (ponts, routes, voies ferrées, aéroport) ?
Il convient donc de prendre toutes les mesures proactives de prévention de ces risques liés à l’ensemble de ces phénomènes, en cessant de développer des projets contraires à la sécurisation du territoire, et en sensibilisant beaucoup plus les habitants sur les mesures de protection face à ces aléas. Quelle part de la population connait en effet les PPR (plans de prévention des risques), le SMIAGE (Syndicat mixte pour les inondations, l’aménagement et la gestion de l’eau), les bons gestes à adopter face à un séisme ou un tsunami (comme celui de 1979 sur l’aéroport), etc. ?
7. Cesser de nous endetter
Les élus majoritaires niçois semblent se croire assis sur un tas d’or, et sont passés maîtres dans l’art d’aspirer les fonds publics, qu’ils soient locaux, régionaux ou nationaux, voire européens. La métropole Nice Côte d’Azur a d’ailleurs son antenne parisienne (Maison de la Métropole Nice Côte d’Azur & Région Sud au 41-43 rue Saint-Dominique à Paris, à 5 minutes à pied du Palais Bourbon)…
Pour quelles finalités ? Souvent pour de grands projets inutiles, mais la plupart du temps surdimensionnés et plus coûteux qu’ailleurs (tram, stade, hôtel de police, théâtre, etc.). Mais ce sont toujours, au final, les citoyens qui paient la facture. La politique niçoise est particulièrement dispendieuse, et le niveau d’endettement très élevé.
Les techniques sont rodées, notamment entre la ville et la métropole niçoises. Ainsi, la métropole Nice Côte d’Azur, présidée par le maire de Nice, a déchargé la commune de Nice de gros investissements et d’une part de l’endettement. La dette intercommunale a ainsi bondi de 42 % entre 2014 et 2018 : « Le stock d’emprunts total de la métropole, de 1.593 millions en 2019, devrait passer à 1.617 millions en 2020 »… (source). Vous avez bien lu : 1,6 milliard d’euros…
Ajoutons le scandale financier du PPP (partenariat public-privé), très contestable, du stade Allianz Riviera. Ce contrat représente une dette supplémentaire estimée à 400 millions d’euros pour les Niçois !
Les redevances brutes sont à payer jusqu’en juin 2040, et augmenteront progressivement jusqu’à 24 millions d’euros par an. Sans compter l’intégralité des taxes et impôts, ainsi qu’une part majeure des risques financiers, qui sont pour la commune ! Aux citoyens de juger ces tours de passe-passe… (copyright CC06)
Et la ville de Nice ? Sa dette augmente : le capital restant dû en 2021 était de 413 millions contre 370 millions en 2020, soit une hausse de 12 % ! La durée de vie de la dette niçoise est désormais de 14 ans et 9 mois, soit une augmentation de 2 ans et 3 mois depuis 2020… On considère que le seuil de vigilance est de 12 ans et la limite à ne pas dépenser de 15 ans. Nice s’en approche dangereusement ! (source).
Face aux années de folles dépenses de l’actuelle équipe municipale majoritaire (et tout n’est pas à mettre sur le compte des investissements utiles et nécessaires !), un audit complet des plans de dépenses publiques s’impose, afin de réorienter les ressources financières vers les grands enjeux environnementaux, sanitaires et sociaux du territoire.
Bref, un avenir durable ne consiste pas à alourdir les dettes pour nos enfants et les générations futures, qu’elles soient écologiques, sanitaires ou financières. Il est donc urgent de cesser de lancer (ou de soutenir) des projets mégalomaniaques, très coûteux, voire contraires aux objectifs écologiques et sanitaires du territoire. La sobriété matérielle, énergétique et financière s’impose, comme un simple retour à la raison et au bon sens, et dans l’intérêt des citoyen-nes et de leurs enfants.