Au sortir de la seconde guerre mondiale, les Alpes-Maritimes, et la ville de Nice en particulier, ont bénéficié d’en essor inédit lié au tourisme national et international sur un territoire méditerranéen exceptionnel, tant en période estivale (soleil et mer) qu’hivernale (stations de moyenne montagne). Mais la fréquentation croissante qui s’en est suivie, à partir de l’A8 et de l’aéroport de Nice, a induit une forte dégradation des espaces naturels (bétonisation du littoral et des stations d’altitude), des nuisances élevées (pollution chronique, bruit, déchets, etc.), une pression foncière rendant le logement inabordable pour beaucoup d’habitants (processus de gentrification), des ponctions croissantes sur les ressources (eau)…
Il faut se libérer de l’imaginaire construit dans les années 1950 sur l’idée que le tourisme doit être synonyme de dépaysement et de voyage lointain (qui arrange bien les agences de tourisme et les compagnies aériennes). Aujourd’hui, les enjeux environnementaux, et la prise de conscience croissante des élus et de la population, imposent un virage puissant vers un modèle beaucoup plus sobre et durable, axé sur la protection du territoire et de la santé publique.
De nombreuses villes ont déjà pris des décisions dans ce sens : face au mécontentement des habitants, la ville de Barcelone a limité le nombre de nouveaux lits disponibles et bloqué la construction de nouveaux hôtels dans le centre-ville. La ville de Venise a également pris des décisions de restriction et de contrôle, sa population étant passée de 175.000 en 1951 à 55.000 en 2018 (face à 30 millions de tourisme par an !), du fait des désagréments et des difficultés liés au surtourisme, et de nombreux sites touristiques limitent leur fréquentation.
Quelles pistes pour notre territoire ?
En premier lieu, il ne s’agit pas de s’opposer au tourisme dans une région disposant d’un tel patrimoine environnemental et climatique. Pour autant, nous sommes clairement à un tournant décisif, qu’il nous faut piloter, et non subir :
- Mettre un terme au surtourisme et à sa stratégie de croissance orchestrés par la Région Sud PACA, les comités de tourisme, les municipalités et la métropole. Opérer un demarketing sur les sites trop fréquentés.
- Les discours promettant la fin du surtourisme, ou son étalement sur les « ailes de saisons », ne suffisent plus ! STOP au surtourisme !
- Éduquer au tourisme responsable (pour lutter contre les déchets, l’écrasement de la flore, les vols long-courrier de courte durée, etc.), promouvoir le tourisme à vélo, à pied, le tourisme de proximité, mener une réflexion sur les quotas de fréquentation, dans les cas les plus problématiques, etc. Promouvoir le voyage, fait de découverte et de contacts, et non le tourisme et ses excès, encore promus par de nombreux élus.
- En lien avec la société des Aéroports de la Côte d’Azur, la Chambre de Commerce et d’Industrie, la Métropole Nice Côte d’Azur et la ville de Nice doivent décider de l’abandon définitif du projet d’extension du Terminal 2 de l’aéroport de Nice.
- Pour rappel, son objectif est de permettre l’accroissement du trafic passager de +50% entre 2019 et 2030, soit +7 millions de passagers par an !
- Même à Nice et dans les Alpes-Maritimes, il faut parvenir à délier le tourisme du tout-aérien, de cette dépendance à un mode de transport encore totalement carboné pour des décennies.
- Afin de permettre ce changement de stratégie et d’accompagner la transition entrepreneuriale, mettre en place une stratégie de diversification économique sur l’ensemble du territoire,
- En totale coordination avec les communautés de communes, le département des Alpes-Maritimes et les départements voisins, et les chambres consulaires.
- En accompagnant les acteurs du tourisme vers une adaptation et une transition vers un modèle beaucoup plus résilient et durable.
Proposition de lecture : dans son ouvrage « Désastres touristiques : effets politiques, sociaux et environnementaux d’une industrie dévorante » (L’échappée), l’auteur Henri Mora propose une ligne claire : l’antitourisme.
Un ouvrage de 2023, du géographe Rémy Knafou, pour sauver nos vacances sans détruire le monde.
Un constat et des propositions pour sortir des hypocrisies du « tourisme durable ».
La société se contente de « remettre en question les excès du tourisme ou ses conséquences environnementales, mais jamais ses conséquences sociales, les rapports sociaux qu’il développe : marchandisation, artificialisation, folklorisation, accaparement et monopolisation de l’activité humaine et des terres, hausse du prix de l’immobilier et du foncier, etc. ».
L’antitourisme, lui, s’oppose frontalement à cette industrie pour « éviter que le domaine de la marchandise ne s’étende davantage ». Le combat – et l’enjeu – est de taille : pour sortir du tourisme, cheval de Troie du capitalisme dans tous les territoires.
Source : « Le tourisme écolo n’existe pas » (Reporterre).