S’il n’est pas question de remettre en cause l’attractivité naturelle de notre cité, ni le rôle économique du tourisme, il est devenu urgent de tirer la sonnette d’alarme et de dénoncer les abus.
Nice est en situation de surtourisme !
Chaque année, 5 millions de touristes fréquentent Nice et près de 15 millions de passagers débarquent à l’aéroport de Nice. Privilégiant la croissance éternelle, la municipalité poursuit et amplifie sa politique d’attractivité de toujours plus de touristes. Son objectif est d’en attirer des millions supplémentaires chaque année, alors que Nice est déjà au bord de l’asphyxie. Nice, mais pas seulement : cette surfréquentation asphyxie nos communes, comme à Eze, que fréquentent chaque jour plus de 5000 visiteurs dès le printemps…
Alors que d’autres villes touristiques – Venise, Amsterdam, Barcelone – ont intelligemment anticipé et déjà fait volte-face pour stopper leur surtourisme et ses effets catastrophiques sur l’environnement et le social particulièrement, Nice et la région persistent aveuglément : activité promotionnelle dans tous les pays cibles, publicité permanente, recherche permanente de nouvelles liaisons aériennes et soutien à l’agrandissement de l’aéroport de Nice, qui vise à augmenter de 50% son nombre de passagers annuel, soit 7 millions supplémentaires par an d’ici 2030… Et les nuisances associées : saturation, ponction des ressources, pollutions, émissions de CO2, nuisances sonores, pression foncière, etc.
Ce surtourisme nuit aux Niçois-es qui éprouvent de plus en plus de difficultés de logement. Rappelons que le taux de vacance de logement est au plus haut à Nice, et que les locations saisonnières et Airbnb explosent (Airbnb a reversé à la ville de Nice 4 millions d’euros en 2023, une somme en constante hausse)…
En complément, Nice s’est engagé à multiplier par 4 le tourisme d’affaires (MICE : Meetings, Incentives, Conferences, Exhibitions), dont on connaît les impacts lourds en termes environnementaux (bétonisation, déchets, pression hydrique etc), sanitaires (les avions d’affaires de faible capacité, sont polluants et bruyants) et sociaux (augmentation du prix du foncier). Pourquoi ? Ne cherchez pas plus loin : la dépense journalière d’un visiteur business est 4 à 5 fois supérieure à celle d’un tourisme de loisirs (10 millions de nuitées annuelles et environ 2 milliards d’euros de retombées économiques à l’échelle régionale)… Les devises pèsent clairement davantage que le bien-être des habitants ou leur santé, sans même parler du réchauffement climatique.
Les vols des jets privés sont particulièrement nuisibles pour l’environnement, puisqu’ils émettent 10 fois plus de CO2 qu’un vol commercial par personne transportée (source : Jo Dardenne, Transport et Environnement).
Quand la municipalité niçoise et la région SUD-PACA communiquent sur le fait qu’il n’existe plus de surtourisme local, il suffit de lire le plan de croissance de l’économie touristique PACA 2017-2022, pour se convaincre du contraire : on y lit : « Renforcer l’attractivité », « Conquérir et accueillir de grands événements » (page 28), « Accompagner la croissance des filières prioritaires » (page 29), « Il importe de faire de la région une destination incontournable de l’écotourisme apte à affronter la concurrence, tant internationale qu’interrégionale, provenant d’autres destinations attractives » (page 12, livret 2).
L’économie des 3 « S » nous étouffe…
On peut lire également (doc CRT) :
- « Première étape pour séduire le touriste, il faut que nos destinations soit connues, rêvées pour pouvoir être sélectionnées dans son panier d’envie, « sa bucket list » »… (page 20)
- « Il s’agit là de toucher directement le consommateur, le futur touriste. Cela passe par des plans médias, des actions de communication on-line ou off-line, de l’événementiel ou encore des salons grand public. » (page 22), autour notamment de la marque Côte d’Azur France, des marques nationales des PNR (« Valeurs Parc naturel régional ») et des PN (« Esprit Parc national »), et de l’économie des 3 « S » (Sea, Sand, Sun)…
Un business model à changer !
Le modèle de développement touristique, encore en vigueur aujourd’hui, repose sur des bénéfices n’intégrant pas les coûts cachés (commerciaux, sociaux, environnementaux), et sur un flux basé sur de nombreux courts séjours (« segment 4-6 nuits ») et de longs trajets (les agences émargeant sur les prix). Le problème : personne n’intègre les dégâts en termes de ressources et de climat… Autrement dit, ce modèle est à l’opposé des impératifs environnementaux… On sait d’ailleurs que le tourisme est le 1er générateur de déplacement longue distance. Il est donc urgent d’en changer !
En France, le tourisme représente 11 % des émissions de gaz à effet de serre. En guise d’illustration, les émissions de gaz à effet de serre du tourisme en Provence-Alpes-Côte d’Azur approchaient déjà (en 2012) les 8 millions de tonnes annuelles, réparties ainsi (données TEC, enquête CORDON 2010-2011) :
- Transports entre pays d’origine et notre région : 65%
- Hébergements : 28%
- Activités : 5%
- Déplacements locaux : 2%
Dernier avatar touristique de la municipalité : le yachting de luxe !
Dernière lubie de la municipalité niçoise : supprimer les ferries de liaison avec la Corse pour dégager près d’un kilomètre de quais sur le port Lympia (souvenez-vous : la taxe « écologique » de 60 euros) afin d’y accueillir des dizaines de yachts de luxe supplémentaires. Il ne s’agit de rien d’autre que de « privatiser » l’utilisation du port de Nice au profit des plus riches… Et remplacer les ferries par des vols entre Nice et la Corse, est-ce la solution ?
A Villefranche-sur-Mer, les paquebots de 4.000 passagers et beaucoup plus, tournant au fioul (positionnement dynamique), et à Nice, les yachts de luxe aux côtés de quelques petits « pointus » niçois pour le folklore et la photo-souvenir ! (copyright CC06)
C’est aussi une façon de tenter de concurrencer le quai des milliardaires du port Vauban d’Antibes. Car l’ouest du département fait (souvent) de l’ombre à Nice (pour ceux du moins qui prennent les territoires pour des champs de course) : ne citons que Sophia Antipolis, 1ère technopole d’Europe…
Pour mémoire, rappelons que Christian Estrosi avait projeté (et annoncé, en mai 2011, lors de la 5ème Rencontre internationale des activité portuaires à Nice) de construire un gigantesque port réservé à la « moyenne et grande plaisance » dans le delta du Var, au profit des yachts et des bateaux de croisière… Après que ce projet ait été abandonné, il semble, plusieurs années après, que la CCI Nice Côte d’Azur en réétudie la possibilité (mars 2023). L’écologie est clairement reléguée, loin derrière les intérêts financiers !
Pour découvrir les impacts environnementaux et sanitaires des bateaux de croisière : ici.
Hier, le port des Niçois-es. Demain, le port des milliardaires…
Par les airs comme par la mer, Nice accélère donc son activité touristique alors que les Niçois subissent déjà chaque jour les effets de son surtourisme endémique. Bref, tant que la coupe n’est pas remplie, Nice veut attirer toujours plus de … devises sonnantes et trébuchantes. Que ce soit à l’ouest de la ville avec l’aéroport, ou à l’est, avec le port.
A noter que la suppression des ferries corses, visée par la mairie, incitera les Niçois-es à rejoindre l’Ile de Beauté en avion ATR (pour quel bilan écologique ?), ou à prendre leur voiture pour aller prendre le ferry à Toulon ou à Gênes…
Et bien sûr, en mettant tous ses œufs “économiques” dans l’unique “panier” du tourisme, NICE est toujours plus dépendante de cette activité si vulnérable, comme on l’a constaté lors des attentats ou lors de la crise COVID19…
Enfin, poursuivant sa politique de changements brutaux de caps, le maire de Nice a pris de court les habitants, en annonçant la création d’un centre des expositions sur la digue du port de Nice, en marge du futur Parc des Expositions et des Congrès à l’ouest de la ville… Combien de temps les Niçois vont-ils subir ces changements de caps hasardeux et menés sans concertation ?
Il est donc grand temps de changer de cap à Nice
Grand temps de stopper le surtourisme, car le surtourisme tue le tourisme, mais aussi l’environnement, le climat, la santé et le bien-être des résidents. Car le surtourisme représente également un levier pandémique redoutable (la propagation de la Covid-19 en a été un exemple patent).
Grand temps de promouvoir un tourisme responsable et de qualité, de stopper l’agrandissement de son aéroport ou la « privatisation » de son port, de diversifier ses activités économiques pour offrir enfin des opportunités d’emplois et du travail au Niçois et réduire notre vulnérabilité.