Depuis des décennies, les distances parcourues par les citoyens n’ont cessé d’augmenter
Si les modes de transport doux n’ont fait que décroître jusqu’à une époque récente (marche, train, tram), les transports mus à l’énergie fossile ont cru de manière exponentielle : avion, voitures, bus et 2RM (2 roues motrices). Les courbes ci-dessous (échelle logarithmique) montrent l’exemple des États-Unis entre 1880 et 2000. L’Europe suit les mêmes tendances. En France par exemple, tous véhicules confondus, le kilométrage routier a augmenté de 30% entre 2000 et 2018 (plus de 600 milliards de kilomètres parcourus).
Mais à partir du premier choc pétrolier en 1973, et plus encore depuis la prise de conscience des problèmes de pollution de l’air et de réchauffement climatique, cette évolution commence à être remise en question. Les trains de nuit et les trams font leur réapparition, la piétonisation des rues commerçantes progresse dans les villes et les plans vélo prennent de l’ampleur. La « voiture » semble avoir vécu son âge d’or.
L’efficacité des motorisations s’améliore et les consommations par moteur diminuent, mais l’augmentation du nombre de véhicules et des distances parcourues par personne efface ce bénéfice par effet rebond. C’est particulièrement criant dans le cas de l’aviation commerciale : les réacteurs consomment moins de kérosène, mais le nombre d’avions a très fortement augmenté (25.000 avions commerciaux aujourd’hui dans le monde et 100.000 vols par jour), et les consommations de carburant avec. A telle enseigne que la consommation de kérosène atteint maintenant 360 milliards de litres par an (des experts prédisent une consommation quotidienne de 600 milliards de litre en 2050…) ! L’aéroport de Nice a vu le nombre de ses passagers augmenter de +50% entre 2005 et 2019, atteignant 14,5 millions. La pandémie Covid a freiné cette folle croissance, mais les élus et les responsables locaux soutiennent la reprise, tous alignés derrière l’aéroport pour retrouver une croissance pourtant devenue insoutenable. Et pourtant en France, le transport aérien est déjà responsable de 7,3% de l’empreinte carbone et continue d’augmenter : cette trajectoire n’est plus compatible avec les engagements de l’Accord de Paris… 25.000 avions commerciaux et 100.000 vols par jour aujourd’hui dans le monde.
Aujourd’hui, le péril climatique nous impose de changer radicalement et rapidement de modèle et d’envisager la mobilité sous un angle beaucoup plus sobre et efficient. Les énergies doivent devenir « vertes » : électrique, biocarburant, hydrogène, mais produites à partir d’un maximum d’énergies renouvelables (EnR). Les défis technologiques sont énormes et complexes ! Pour autant, si certains lobbies nous promettent des solutions miracles, non abouties aujourd’hui (« solutionnisme technologique »), il est beaucoup plus sérieux et prudent d’envisager de réduire dès maintenant la quantité de nos déplacements. La démobilité (réduire les mobilités subies au profit des mobilités choisies) ou les transports en commun (le covoiturage en fait partie) s’imposent à présent, de même que la forte réduction du trafic aérien commercial et d’affaires. La question est complexe, et les solutions sont multiples, selon que vous habitez en ville ou à la campagne, plus ou moins près d’une gare ou d’un centre urbain, en plaine ou en montagne, etc.
Nice doit rattraper ses retards !
Nice n’est toujours pas desservi par le train à haute vitesse, ce qui favorise l’usage de l’avion, beaucoup plus polluant. Même les liaisons ferroviaires locales sont menacées : les Chemins de Fer de Provence (ou « Train des Pignes« ) voient leurs gares et leurs liaisons (Nice-Annot-Digne) peu à peu grignotées, par manque de vision ou d’anticipation des présidents de Région ou de la Régie régionale des Transports. Et emporter son vélo dans le train n’est encore pas possible, etc.
En 2022, la Région Sud PACA a envisagé de refondre ses tarifications en réduisant la grille des réductions : Les « nouvelles » propositions tarifaires pour les foyers à faibles revenus sont toutes moins avantageuses que la carte ZOU 50-75% qui doit être supprimée. Pas de meilleur moyen pour avantager la voiture et désavantager les habitants à faibles revenus… Cette politique est dépassée !
Ensuite, nos villes, très orientées vers le tourisme, autour du fameux axe de transhumance estivale « Nationale 7 », ont été dessinées pour et par la voiture. La ville de Nice a pris beaucoup de retard sur la mise en place d’un réseau de tramway. Alors que Nantes l’a mis en service en 1985, Lyon en 2001, Strasbourg en 2003, Nice a mis en service sa première ligne de tram fin 2007, soit 22 ans après Nantes. Et a coûté aux Niçois plus d’1 milliard d’euros… Car le maire aime les projets pharaoniques.
Autre indice : en 2022, les Niçois ont passé 165 heures dans les embouteillages, soit six jours et 21 heures, d’après l’index trafic dévoilé par Tom-Tom le 15 février 2023.
Un plan décarbonation des bus déjà mal emmanché ?
Côté flotte de bus (Régie Lignes d’Azur), la transition vers la décarbonation annoncée reste entachée de flou et de nombreuses contradictions, et sent déjà le gros retard…
Sur les 174 lignes de bus RLA, seule une petite douzaine est décarbonée à l’été 2022 (moins de 7% des lignes). Il est annoncé une flotte totalement décarbonée en 2025 avec 50% de bus électriques, 30% de bus hydrogène vert local et 20% de biogaz. A suivre de très, très près !…
INFO : en mars 2023, nous avons appris que la métropole niçoise abandonnait l’idée de bus hydrogène vert, pour raison de coût, lié notamment au faible rendement de l’électrolyse… Les bus RLA rouleront donc, a priori, soit au biogaz (méthane biomasse), soit à l’électricité…
Un plan vélo toujours en queue de peloton !
Si on regarde le réseau cyclable, on note que le retard est encore plus criant. La ville de Nice est régulièrement classée dans les fonds de classement (climat vélo « défavorable » F) , notamment par la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB).
En 2019, la part modale du vélo à Nice était de 1,4% quand elle était de 15% à Strasbourg ! Jusqu’à présent, les plans vélo niçois – annoncés à grand renfort de communication – n’ont jamais atteint leur cible. Il est de notoriété publique que faire du vélo à Nice est une activité à haut risque (ville très dense et nerveuse, nombreuses incivilités, virages et collines). Les citoyens ont été d’autant plus surpris d’entendre la municipalité affirmer le 12 octobre 2018 qu’avec 160 km de pistes cyclables sur le territoire métropolitain, dont 75 km sur la commune, « Nice est aujourd’hui totalement adaptée à la pratique quotidienne du vélo »… Demandez l’avis aux cyclistes niçois (Nice à Vélo, par exemple) !
Avec les crises Covid et climatique, toutes les villes importantes ont aujourd’hui parfaitement compris l’importance de disposer d’un réseau cyclable vaste et cohérent, continu et sécurisé, dans un cadre général apaisé (pistes en propre, zones 30…). La ville-métropole de Nice doit à présent rattraper son retard, et faire preuve d’ambition et de volonté. Des associations militent pour qu’enfin notre territoire avance sur le vélo : Nice à vélo, par exemple. Il serait temps que la mairie en suive les recommandations, si elle veut atteindre son objectif de 10% de part modale vélo d’ici 2024 (10% des déplacements devront se faire en vélo)… Objectif qui paraît aujourd’hui totalement hors d’atteinte, par manque de conviction ou de volonté. Il ne faut donc rien lâcher !
En dehors du tram et du vélo, la marche, très bénéfique pour la santé, doit aussi être largement favorisée, pour éviter que les déplacements de moins de 1 à 2 kilomètres ne soient encore majoritairement réalisés en voiture (voir leur nombre aux abords des écoles chaque jour)… Or, de nombreuses rues niçoises ne sont toujours pas équipées de trottoirs ! Raison pour laquelle nous demandons le passage à 30 km/h sur les axes les plus dangereux pour les piétons, notamment le secteur collinaire, très vaste sur Nice. Trop de secteurs à risques (voies étroites et virages, parfois sans visibilité) sont encore limités à 50 km/h (limitation peu respectée…). Là aussi, il faut du courage politique pour changer les habitudes des automobilistes, alors que cette mesure est connue pour apaiser rapidement le milieu urbain et favoriser le report modal de la voiture vers les mobilités douces et actives.
Une ville de Nice très mal classée sur la « marchabilité »…
Le baromètre des villes marchables 2023 a encore alloué une note calamiteuse à la ville de Nice (8,8/20) avec un classement D. Avec un maire ex-motard qui préfère la vitesse et la Formule 1 à la marche, facteur de santé publique, est-ce si curieux ? Voir ici.
Les gadgets coûteux ne font pas une stratégie Mobilité !
Autre interrogation : la métropole Nice Côte d’Azur a lancé le projet de téléphérique au-dessus du Var (mise en service prévue en 2025) pour relier les rives gauche et droite du fleuve. C’est un gadget écologique. Alors qu’un simple et économique pont aurait suffi, offrant 10 minutes de marche aux habitants, ce tram aérien d’une longueur de 800 mètres sera parallèle à la future ligne 4 du tram niçois et coûtera à lui seul 55 millions d’euros (déjà 15 millions de dérapage par rapport aux 40 millions annoncés au départ) ! Soit près du triple du budget de la totalité du plan vélo niçois sur 6 ans !
Le dossier de concertation (PDF) indique que :
- « 2 220 voyageurs seront reportés chaque jour de leur véhicule particulier au profit du téléphérique. Supposant un taux d’occupation des véhicules de 1,1 (taux communément admis), cela représente une diminution de près de 2020 véhicules sur les routes ». 2000 véhicules sur des dizaines de milliers par jour…
- « Le bilan final montre une économie de 40 755 t CO2e par rapport à la situation de référence. » (page 40). Ce calcul est évidemment tout à fait erroné et excessif, pour qui sait manier une calculatrice de collège…
- « Les charges d’exploitation et de maintenance sont estimées à 2,1 millions d’euros HT par an (euros 2020) » (page 45).
En synthèse, ce projet coûtera très cher aux Niçois, sans répondre aux problèmes d’engorgement ni de pollution des axes très encombrés.
Il est donc grand temps de changer de cap à Nice
Il est donc temps de réduire la place des voitures et des deux-roues motorisés (à énergie fossile) en ville et d’apaiser le climat mobilité de Nice. Temps de ne plus gaspiller d’argent public pour des gadgets et du greenwashing. Pour mille raisons : santé, climat, bien-être, etc.