Le réchauffement climatique menace notre approvisionnement en eau
Le réchauffement climatique prend une tournure catastrophique, du fait de l’absence d’une réponse massive aux impératifs de réduction de nos émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’un de ses impacts majeurs est la montée du stress hydrique et de la sécheresse chronique. Notre région, et le département des Alpes-Maritimes en particulier, commence déjà à souffrir de cette sécheresse, qui pourrait lourdement impacter notre société et nos modes de vie. Mais aussi notre environnement : les impacts sur la faune et la flore, les incendies de forêts, le déficit d’enneigement de nos massifs du Mercantour, etc. Faisons le point ! Plusieurs communes maralpines se sont déjà retrouvées à sec en 2022… Et ce problème risque de s’étendre et s’aggraver.
En 2023, dès le 13 mars, l’alerte sécheresse a été décrétée par le Préfet sur la totalité du département des Alpes-Maritimes !
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Pourquoi ? Parce que, précisément, le territoire niçois a enregistré en 2022 une baisse de plus de 40% des précipitations par rapport à une année standard, avec seulement 466 millimètres de pluie…
Sur les 2 milliards de m3 d’eau précipitée sur notre département, 60% s’évaporent, laissant 800 millions de m3 infiltrer les nappes phréatiques, de manière toutefois très inégale. Cela semble beaucoup, mais nos prélèvements sont très importants, et concentrés sur certains secteurs !
Pour en savoir plus :
- Bulletins de situation hydrologique consultables ici.
- Carte comparative des données aux statistiques en toutes eaux consultable ici.
- Portail national d’accès aux données sur les eaux souterraines consultable ici.
- La Science au service de l’Eau consultable ici.
- 6ème rapport du GIEC – Chapitre sur l’Eau (anglais) consultable ici.
- Cahier du GREC-Sud sur les ressources en eau consultable ici.
Nous consommons beaucoup (trop) d’eau…
L’Agence de l’Eau indique que nous avons capté, en 2020 dans les Alpes-Maritimes, 181 millions de m3 d’eau dans les cours d’eau et les nappes, à des fins diverses : agricoles, industrielles ou domestiques. Comme l’indique Eric Galliano dans l’édition Nice-matin du 22 mars 2023, cette ponction annuelle équivaut à 3 fois le volume du lac de Saint-Cassien (de 370 hectares et de 27 mètres de profondeur moyenne) !
Qui sont les plus gros consommateurs des Alpes-Maritimes ?
Plusieurs acteurs locaux consomment de très importantes quantités d’eau. Citons pêle-mêle les cimenteries, les golfs, les canons à neige dans les stations hivernales, les blanchisseries, l’aéroport de Nice (15% de la consommation totale de la ville de Nice !), certains sites industriels… Voyons quelques chiffres (de 2019, source : Banque Nationale des Prélèvements d’Eau BNPE) :
- Le Marché d’Intérêt National (MIN) ponctionne à lui-seul 1,5 million de m3 dans la nappe phréatique, notamment pour réfrigérer ses halles réparties sur le site de 23 hectares !
- Aéroport Nice Côte d’Azur : 430.328 m3 pour la partie potable (sur un total de 2 millions de m3 par an)
- Golfs (les 3 golfs cités consomment 337.518 m3) :
- Royal Mougins Golf Club : 200.234 m3
- Biot : 128.430 m3
- Nice : 9.000 m3
- Hippodrome de Cagnes-sur-Mer : 181.068 m3
- Cimenterie de Contes : 114.860 m3
- Blanchisserie industrielle du Broc : 104.518 m3
- Arrière-pays et stations hivernales (total de 738.417 m3) :
- Isola : 290.926 m3
- Péone Valberg : 213.295 m3
- Saint-Etienne-de-Tinée : 193.248 m3
- Valdeblore-La Colmiane : 40.948 m3
Si 82% de l’eau prélevée est traitée comme « eau potable », cette eau sert autant à la boisson qu’au remplissage des piscines ou à l’usage industriel… Et notre département compterait près de 54.000 piscines (absorbant 863.000 m3 par an) ! Il y en aurait 2.780 dans la seule ville de Nice, représentant 1,2% des logements (en 2021).
Certaines propriétés privées consomment beaucoup plus que la moyenne : pas moins de 200 d’entre elles puisent jusqu’à 1000 m3 par semaine : en 2 semaines, certaines propriétés consomment plus que l’irrigation nécessaire pour un hectare de terre maraîchère sur un an ! L’activité agricole ne représenterait, quant à elle, que 3% ou 4% de la consommation totale du département. Ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle, notre dépendance alimentaire étant au plus haut…
Enfin, sur le territoire de la Métropole Nice Côte d’Azur, la Régie Eau d’Azur capte 70 millions de m3 par an, dont 5 millions servent à arroser les espaces verts et au nettoyage urbain. Des projets d’utilisation d’eau issue du retraitement des stations d’épuration semblent mis sur la table.
Ici, nous consommons plus d’eau que la moyenne nationale…
Les Azuréens ne sont pas très vertueux sur le plan de la consommation d’eau, alors que, précisément, la sécheresse sévit davantage que sur de nombreuses régions de France. Nous consommons 230 litres d’eau par personne (variant, pour un foyer, entre 90 et 400 litres par jour), tous usages confondus, contre une moyenne nationale de 149 litres. Soit +54% !
Les Alpes-Maritimes sont très concernées par les fuites d’eau !
Alors que la moyenne de déperdition d’eau due au mauvais état des réseaux atteint 20% à l’échelle nationale, notre département connaît 5 points noirs, où les taux de fuite peuvent atteindre les 50%, loin du seuil de 15% fixé par la réglementation ! 20 communes maralpines dépassent même les 50% !
La pression touristique aggrave la situation
La pression touristique devient un vrai problème : les millions de touristes venus sur notre territoire représentent un équivalent de population à l’année de 153.000 habitants supplémentaires (14% de la population résidente). Or un touriste consomme en moyenne 65% d’eau en plus, comparé à un habitant local, soit 380 litres d’eau par jour ! Par an, chaque touriste consomme donc 139 m3 d’eau potable par an ! Les 153.000 habitants supplémentaires (correspondant aux millions de touristes passant quelques jours chez nous) consomment donc chaque année 22 millions de m3 d’eau potable !!! Ce qui génère également un surplus de retraitement des eaux usées par les stations locales (STEP).
Un exemple avec la sécheresse en Espagne et Barcelone, où sévit une forte pression touristique : ici.
Se pose donc un vrai problème : acceptons-nous d’être rationnés en eau en tant que Maralpins, pour que notre eau soit offerte aux touristes ?…
Le tweet (ci-contre) d’Eric Abihssira, président de la Fédération de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme Nice Côte d’Azur, en avril 2023, en dit (très) long sur la prédominance de l’économie sur le bien-être et la sécurité de la population locale…
Quand Renaud Muselier, président de la Région Sud PACA, affirme que « la guerre de l’eau n’aura pas lieu » (21 mars 2023), alors même qu’il promeut des JO d’hiver dans le Mercantour en 2034 et le surtourisme, nous avons matière à nous interroger sur la déconnexion de nos élus avec les immenses enjeux environnementaux actuels !
La sobriété et la modération touristique : meilleurs antidotes au rationnement et aux pénuries !
Compte tenu de l’aggravation climatique et de l’accumulation des sécheresses, la sobriété devient impérative et urgente ! Chacun-e doit faire les efforts nécessaires, que ce soit chez les particuliers, ou au sein des entreprises et des institutions.
Des chantiers de rénovation comme celui de la future station d’épuration Haliotis 2, sur le littoral niçois, devrait contribuer au recyclage d’une partie des eaux re-traitées.
Et bien sûr, nous devons :
- réduire très fortement nos émissions de gaz à effet de serre,
- cesser d’artificialiser nos sols,
- arrêter de promouvoir un surtourisme irresponsable et une attractivité sans bornes, à l’origine de nombreuses dégradations environnementales.