Au cœur de la Côte d’Azur, le littoral niçois comprend quelques plages publiques, mais surtout une quinzaine de plages privées et bases nautiques, sous-concédées par la métropole Nice Côte d’Azur, le long des 7 kilomètres de la Promenade des Anglais : Régence Plage, Canailles Plage, Cocoon Plage, La Véla Plage, Hôtel Amour à la Plage, Bella Nissa Plage, Blue Beach Plage, Le Temps d’un Été Plage, Baieta Plage, Ruhl Plage, Le Galet Plage, Beau Rivage Plage, Opéra Plage, Castel Plage, Jet Evasion, Riviera Nautic Sport, Nikaïa Watersports. Ces plages privatisées sont la plupart du temps liées à des établissements hôteliers ou restaurants. Sources : ville et métropole NCA.
Outre le fait qu’une grande partie du littoral niçois est privatisée (devra-t-on payer, d’ici quelques années, pour aller se baigner ?), les attributions de concessions de plages sur le domaine public, renouvelées tous les 12 ans, posent parfois quelques problèmes… En 2019, le total des redevances fixes annuelles sur le domaine public maritime pour les plages et bases nautiques a été de 457 k€, et de 757 k€ pour le domaine public métropolitain. Les dépenses d’entretien ont été, quant à elles, de 7,3 millions €.
Un milieu naturel soumis à de fortes pressions
Parmi ces pressions liées aux activités humaines, citons la pollution des plages. Celle-ci est de différentes natures :
- Déchets : six tonnes de déchets sont quotidiennement ramassées par les services techniques de la ville de Nice. Des associations s’affairent également à nettoyer les plages, Nice Plogging par exemple. Les mégots sont un problème à part entière sur les villes littorales et leurs plages : ICI. Il conviendrait d’étendre le nombre de plages sans tabac.
- Crèmes et huiles solaires : celles-ci contiennent de nombreuses substances toxiques pour le biotope marin (oxyde de zinc, dioxyde de titane, péroxyde d’hydrogène, etc.). 25.000 tonnes de composants issus des protections solaires sont déversées chaque année dans les océans, à l’échelle mondiale. Certaines communes règlementent l’usage de ces produits, en imposant leur version « bio » ou « ocean-friendly » : ICI.
- Pollution sonore : la surfréquentation des plages, liée au surtourisme, occasionne de très nombreuses nuisances, dont le bruit (nuisances sonores liées aux activités nautiques, au passage des bateaux et avions, à la musique, etc.), auxquelles les espèces marines sont très exposées, notamment en période estivale. Des pistes d’amélioration existent néanmoins.
Le pansement éphémère de l’engraissement artificiel des plages
Chaque année, à l’arrivée du printemps et afin de préparer la sacro-sainte saison touristique, les services techniques « réengraissent » les plages, en complétant, par milliers de tonnes, les galets emportés par les coups de mer hivernaux.
La Métropole Nice Côte d’Azur a sélectionné des galets provenant du lit du Paillon ou de la Durance, mais aussi de la carrière Cozzi, basée à Saint-Benoît, dans les Alpes-de-Haute-Provence, à 85 kilomètres de Nice (source et photo jointe copyright CC06).
En 30 ans, ce sont plus de 500.000 m3 de galets qui ont été déposés sur les plages de Nice (dont près de 100.000 m3 rien que sur l’année 2000) : soit plus de 20.000 chargements de camions triple-essieu (700 chargements, chaque printemps) ! A noter que ces réengraissements sont opérés sur la plupart des plages de la Côte d’Azur. A Cannes par exemple, le sable est dragué en mer et remonté sur les plages.
A Nice, cette pratique occasionne l’emploi de flots de camions et d’engins de chantier, qui induit notamment des émissions importantes de gaz à effet de serre et de polluants (photo copyright CC06).
Le manque de recharge naturelle proviendrait en partie de l’extension de la plateforme (piste Sud) dans les années 1970, ayant induit un changement des courants de sortie du fleuve Var, davantage orientés vers l’Ouest depuis : la recharge naturelle des plages niçoises, par « apports terrigènes », est de ce fait amoindrie. A cela s’ajoute, la pose de seuils (mini « barrages » et l’extraction des granulats et galets dans le lit du Var pour le BTP). Mais le fleuve Paillon (vers la vieille ville) contribue également à cette recharge naturelle.
En dehors de la turbidité temporaire liée au dépôt de granulats de carrière sur les plages, le bilan carbone pourrait être l’un des principaux impacts environnementaux dans la baie de Nice, considérant la moindre présence de posidonies ou cymodocées sur les fonds (contrairement à la baie de Cannes). Mais ce point doit être confirmé.
Des études interrogent néanmoins l’utilité de ce réengraissement des plages : ICI. D’autres informations dans cet article d’Actunice. Dans tous les cas, au vu de l’intensité croissante des tempêtes et de la montée irréversible des eaux, ce réengraissement n’est probablement qu’un pansement sur une jambe de bois…
Les informations diffusées par la mairie de Nice éludent visiblement quelques aspects de la problématique, et minimisent très probablement le volume de galets en jeu et les impacts… A suivre.
A noter que l’apport de matériaux est également réalisé sur les plages de sable, comme à Sainte-Maxime, avec un apport de 3000 m3 de sable au printemps 2023 : ici.
Les plages artificielles de Cannes
Le littoral cannois est long de 15 kilomètres, dont 7,6 km de plages. Ces plages ont été créées artificiellement dans les années 1890 par apport de déblais. De 1926 aux années 1960, aucune intervention humaine n’y a été effectuée. Mais depuis plus de 60 ans, l’objectif étant de sécuriser les activités balnéaires et touristiques, des apports massifs de sable ont été réalisés de manière très régulière afin de maintenir les largeurs de plage, sur les secteurs La Bocca/Midi à l’ouest, La Croisette au centre et Gazagnaire à l’est. Plusieurs infrastructures ont été installées : pose d’une digue géotextile, création d’épis, du ponton Carlton et de Port-Canto.
Malgré ces installations, le déficit en sable reste important et le trait de côte recule jusqu’à 1 mètre par an. La priorité économique et touristique a donc imposé des recharges annuelles de sable, selon deux méthodes : hydraulique (par dragage et pompage dans les chenaux) ou sèche (apport de camions à partir de la carrière « Lafarge Granulats » du Beausset, dans le Var, à 150 kilomètres du Martinez… Chaque année, un volume de 11.700 m3 de sable doit apporté et régalé sur les plages par des engins de chantier, sur une période de 2 mois (mai et juin), juste avant la saison haute : 8.000 m3 sur les plages de La Bocca/Midi, 2.000 m3 sur celle de La Croisette et 1.700 m3 sur le secteur de Gazagnaire.
Le coût écologique est important ! Empreinte carbone élevée (flots de camions, plusieurs centaines de tonnes de CO2 par an), pression (turbidité, etc.) sur les herbiers de posidonies, cymodocées et zostères, et sur la biocénose qui y vit : grandes nacres, macro-invertébrés et poissons (zones d’alimentation, de frayère et de nurserie). Cette pression anthropique, depuis des décennies, induit un état de vitalité des herbiers jugé médiocre à mauvais ! Nous alimentons donc toujours un tourisme « quoi qu’il en coûte » !
La sécheresse augmente, mais les piscines littorales fleurissent !
Enfin, notons le projet de 5 nouvelles piscines sur le littoral niçois, dont 2 à l’eau de mer et 3 à l’eau douce, alors que la sécheresse s’accroît d’année en année… Ces projets sont-ils encore pertinents et raisonnables ?
Et encore des projets délirants impactant les plages !
Afin de protéger ce milieu naturel, il faut évidemment proscrire les projets allant à contre-sens des impératifs de protection du milieu naturel.
Deux exemples ici : les plages artificielles et le projet d’un nouveau port de commerce le long de la plateforme de l’aéroport : ce projet « serpent de mer » avait été enterré par Christian Estrosi en octobre 2019, mais vient d’être ressorti des cartons par la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) Nice Côte d’Azur début 2023… Ceci pour récupérer les mannes du croisiérisme et muter le port actuel Lympia de Nice vers le yachting de luxe.
Fin janvier 2023, discrètement, un entrefilet dans Nice-Matin annonce que la CCI Nice Côte d’Azur ressort des cartons le vieux projet d’un nouveau port de commerce à l’ouest de Nice. (image Nice-Matin 29 janvier 2023)
Mais jusqu’où iront-ils ?