A l’ombre des élections présidentielles, un homme du Sud poursuit son gymkhana : celui de son ambition personnelle. Pourquoi la promotion de ce personnage aux plus hautes fonctions gouvernementales serait une erreur lourde de conséquences : c’est ce que ce texte vous explique ! C’est aussi, et surtout, une supplique adressée au prochain locataire de l’Élysée.
10 avril 2022 : le discours ambiant ne reflète pas les vrais courants de pensée !
Les résultats du 1er tour de l’élection présidentielle sont tombés : Emmanuel Macron obtient le ‘’meilleur score’’, loin devant les partis traditionnels, et quelques petits points devant Marine Le Pen et ses ombres, ou devant le taux d’abstention (25%). En revanche, si l’on analyse les ‘’groupes de pensée’’ au plan national, Emmanuel Macron sort 3ème avec 27,6% des votes exprimés (25,1% à Nice), contre 31,9% pour les forces de progrès (environnement et social) (29,3% à Nice), et 37,3% pour les forces de la droite ‘’dure’’, voire ‘’très dure’’ (43,7% à Nice)[1].
Voilà pour le décor, qui n’est pas tout à fait (voire pas du tout) celui que nous vend celui auquel nous allons nous intéresser maintenant.
Mais cela n’empêche pas un politicien du grand Sud de jubiler…
Imaginez à présent un ‘’animal politique’’, ambitieux et dopé à l’adrénaline manœuvrière, à la tête d’une lointaine seigneurie aux confins cisalpins de la France. Celui-ci a entamé en 2020 un troisième mandat sur un territoire dont il a déjà parcouru le tour et les détours : sa passion un peu émoussée pour le local, il remet au feu plusieurs fers pour parachever sa carrière politicienne avec un maroquin prestigieux. La ‘’France audacieuse’’[2] se montrant trop faiblarde pour cet objectif personnel suprême, voici le renard en quête d’une meilleure piste à l’approche de l’élection présidentielle de 2022 : ‘’La République En Marche’’ (LREM) et son arc-boutant ‘’Horizons’’ (Edouard Philippe). Il ne faut négliger aucun poulailler, et bien graisser les rouages de la girouette… Car cette année charnière, censément débarrassée de la pandémie covidienne, est ouverte à tous les espoirs d’une reprise tonitruante (bien que le scélérat du Kremlin trouble le jeu depuis peu) et d’une belle promotion parisienne. L’animal politique l’a bien compris ! D’autant plus qu’atteignant l’âge encore opérationnel de 67 ans, il sait que le moment du passage à l’acte national est arrivé, et qu’il ne faut pas rater le passage du jeune Kairos jupitérien[3], qui semble porté par des sondages prometteurs sur fond de guerre ukrainienne. Comme chacun le sait, Kayros ne passe qu’une fois ! Bref, cet animal politique, vous l’aurez subodoré, se nomme Christian Estrosi, l’ennemi préféré d’Éric Ciotti et des élus de l’ouest du département. Pour ne parler que de ceux-là…
Quel plan pourrait viser Christian Estrosi ?
En 2021, donc un an avant la course élyséenne, il avait certainement compris que les prétendants conservateurs seraient déjà trop nombreux. Estrosi est un professionnel de la montée par les escaliers intérieurs du ‘’dauphinisme’’, comme il a pu le démontrer au cœur du système Jacques Médecin quelques années auparavant, lorsque, jeune compétiteur motard, il avait été repéré par l’édile corrompu. D’autant plus qu’avec la tenue d’une primaire chez les LR, la voie extérieure était trop incertaine pour une ambition XXL. Il a donc préféré viser une fonction moins jupitérienne, en faisant le pari de la réélection assez probable de l’intrépide Emmanuel Macron : en nouant des liens de confiance ou une alliance ‘’sous conditions’’ (de soutien très actif) avec ce dernier, il pourrait parvenir à décrocher le poste de grand chambellan de France, à l’Hôtel de Matignon (au cours du mandat présidentiel d’Emmanuel Macron), ou à tout le moins, celui de ministre de l’intérieur, place Beauvau. Plus raisonnablement (quoique !), il se verrait bien reprendre le poste d’Agnès Pannier-Runacher : ministre délégué chargé de l’industrie… Pour preuve, ses propos insistants de mars 2022 au sujet de l’industrie[4] : ‘’Ce volet (sera celui) sur lequel je vais le plus me spécialiser, avec le projet France 2030. Nous devons renforcer notre indépendance industrielle, c’est une urgence que nous avons vue pendant le Covid, et avec la crise ukrainienne. Gouvernement après gouvernement, pendant 30 ans, nous avons laissé partir des pans entiers de notre souveraineté.’’, ou encore : ‘’Rattraper cela permettra à la Nation de proposer de nouveau des emplois aux ménages. Particulièrement sur un triptyque, avec le médical/santé/recherche, l’industrie de la défense et enfin l’industrie énergétique et environnementale.’’ Rappelons juste que ce mauvais prestidigitateur promet aux Niçois, depuis 2008, l’arrivée de 50.000 emplois sur son Ecovallée, alors que seules quelques centaines d’emplois y ont vu le jour et qu’aucune industrie digne de ce nom n’y a été installée… Son bilan est authentiquement médiocre. Ce qui ne l’aura pas empêché, encore une fois, de se montrer meilleur tacticien que son ancien allié : Éric Ciotti, qui aura mangé la poussière auprès de sa nouvelle égérie Valérie Pécresse, dans un même élan que celui a emporté le suppôt de Vincent Bolloré : Éric Zemmour.
Mais alors, quels sont les atouts de Christian Estrosi ?
Approchons-nous afin de l’halener : en premier lieu, de l’aplomb, car il ne se passe par un jour sans qu’il ne démontre ses aptitudes à ne s’encombrer ni de scrupules, ni de la vérité (disons plutôt de la réalité des faits). Certains disent même qu’il est expert en escobarderie[5], et spécialiste de la fuite en avant, comme il pouvait la pratiquer sur sa 250 Pernod ou sa Yamaha 750 au début des années 1980 dans les sorties de virage des Grands Prix. Car le ‘’motodidacte’’[6] ingambe reste véloce, opportuniste et … efficace, se voyant probablement comme homme providentiel et polymathe[7]. Pour reprendre l’expression du maire de Grenoble, Éric Piolle, Estrosi use et abuse de la ‘’stratégie de FER’’ : d’abord, il Freine ce qui le gêne (ou, à défaut, attaque), puis il Edulcore (ou relativise), enfin il Récupère, avec le talent inné d’un pantomime[8]. Ainsi, sur la question environnementale, dont il sait pertinemment qu’elle est devenue incontournable dans ces temps modernes, ce boomer politique affirme être plus moderne et écologiste que les authentiques écologistes, cette ‘’engeance’’ qu’il affuble de ‘’dogmatisme punitif’’, d’’’écologie de théâtre’’ (il sait de quoi il retourne), et de ‘’décroissancisme’’, et s’appuie sur une communication experte en greenwashing et en ‘’vérités alternatives’’, selon la mode du moment : Estrosi a su s’entourer d’une armée de communicants qu’il lance, tout à sa gloire mais toujours aux frais du contribuable, à l’assaut des réseaux sociaux (192.000 abonnés prétendus sur Tweeter, qu’il serait utile d’analyser) et du journal local Nice-Matin. Ses courtisans sont nombreux à nous servir d’incessants panégyriques, sous la forme convenue d’‘’éléments de langage’’ dignes des répliques du film ‘’Ridicule’’ de Patrice Leconte (1996). Sa communication est basée sur quelques antiennes marquées du sceau naphtalique des Trente Glorieuses et d’un anglicisme désuet : ‘’sa’’ ville verte de la Méditerranée est une smart city, une safe city, un ‘’paradis sanitaire’’, une vitrine technologique livrée aux industriels et un laboratoire d’expérimentations (ex : loi de sécurité globale, drones et reconnaissance faciale). Car Estrosi adore par-dessus tout être premier : ‘’première police de France’’, ‘’plus grand Hôtel de police de France’’ (il peut, à 255 millions d’euros !), ‘’meilleur plan climat du pays’’ (pourtant à la peine), plus grand complexe IKEA, ‘’meilleure gestion de la Covid’’, ‘’première métropole de la région PACA’’ (en termes de date seulement), etc. Il est même celui qui a lancé, avec Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, l’IMREDD (Institut Méditerranéen du Risque de l’Environnement et du Développement Durable), qui est certainement un symbole de la techno-parade estrosienne : une coquille quasi-vide (mais coûteuse), avec un soupçon d’impression 3D, de drones (encore !), et beaucoup de verbiage à paillettes. Son directeur (Eric Dumetz) se présente lui-même comme ‘’vendeur d’étoiles’’ : en phase, donc, avec le seigneur du terroir niçois. Tout va bien, dans ce monde de prestidigitateurs en fin de carrière, qui croient encore amuser la galerie…
Il serait probablement intéressant qu’un psychologue décrypte ce complexe testostéroné de compétition. Cette débauche communicationnelle est si intense que le maire de Nice a été prétendument perçu dans un sondage[9] comme le 1er maire de France pour agir pour la sécurité publique et pour relancer l’économie de sa métropole, et comme le 2ème maire de France inspirant le plus confiance pour agir en faveur du climat. Même le chef de l’Etat peine à faire mieux… Nous verrons néanmoins qu’il n’est pas très compliqué de démonter les illusions basiques du magicien, toujours prompt à exploiter opportunément la volatilité des sondages.
Nombreux sont ceux qui pensent qu’il marche dans les pas de son père spirituel : le sulfureux maire Jacques Médecin, qui aura dû s’exiler à Punta del Este, en Uruguay, suite à ses nombreuses condamnations par la justice française pour affaires de corruption. Et comme pour sceller cette fidélité à la vie, à la mort, et donner un bel exemple à la jeunesse niçoise, Christian Estrosi a rebaptisé en 2019 la rue de l’Opéra en rue Jacques Médecin, ajoutant même un espace Jacques Médecin sur la Promenade du Paillon, pour que personne n’oublie son escroc de mentor…
Enfin, le sieur Estrosi ne cesse d’affirmer qu’il sait s’entourer des meilleurs. Mais au vu des modestes compétences, voire des ‘’plaques à socca’’ (ce qu’ailleurs on appelle des ‘’casseroles’’), de certains de ses collaborateurs[10], face également aux bilans factuels de l’équipe aux commandes, le citoyen est plus que légitime à lever le sourcil du scepticisme. Dernier atout de poids : sa notoriété médiatique nationale, fondée tant sur ses courtes expériences peu reluisantes de ministre délégué à l’Aménagement du territoire puis de ministre de l’industrie[11] sous la présidence de son ami Nicolas Sarkozy (encore un repris de justice), que sur son agitation médiatique frénétique (la crise Covid en a été une criante illustration).
Une politique-spectacle, bien à droite de la scène, sous habillage de centrisme macronien
Cette première étape franchie, posons-nous la question de savoir ce qui se cache derrière le rideau de scène. Car Nice est bel et bien devenue une Commedia dell’arte, une vaste scène de théâtre dont Molière se serait bien délecté. Nous sommes au cœur d’une ‘’politique du spectacle’’ pour reprendre le concept de Guy Debord (1967). Si, d’aventure, Christian Estrosi réussissait son pari, la salade niçoise qu’il servirait à notre pays serait-elle digeste pour les Français ? Pour le savoir, il est nécessaire de nous pencher sur le bilan réel, sans décorum superfétatoire, de ce ‘’maire-président de métropole-président délégué de la région PACA’’, au terme de ses deux premières mandatures municipales, débutées en 2008, et métropolitaines à partir de 2012 (Christian Estrosi ne cesse de répéter que sa métropole est la 1ère de France, mais il ne s’agit évidemment que de place calendaire).
Ensuite, l’intéressé ne cesse d’affirmer qu’il est un ‘’gaulliste social’’, ‘’protecteur’’ des Niçois. Or, avant même la crise Covid19, sa ville était classée 4ème de France en nombre de pauvres, avec 74.000 personnes vivant sous le seuil de pauvreté, et 3ème métropole française la plus pauvre (en pourcentage, derrière Marseille et Montpellier) : le taux de pauvreté y est de 21%, très largement au-dessus de la moyenne nationale (14%). Ce taux atteint même 27,6% pour les jeunes de moins de 30 ans[12]. L’INSEE ajoute enfin que le ‘’quartier prioritaire de la ville’’ (QPV) le plus pauvre de France se situe à Nice[13], avec un taux de pauvreté de 81%. Sur les sept quartiers défavorisés de la ville[14], le taux de chômage atteignait 24,8% en 2017. Vous avouerez que tous ces indicateurs sociaux finissent par détonner avec l’idée même d’une ville ‘’intelligente’’ (smart city) ! Or sa ville connaît une pollution atmosphérique chronique, responsable de 500 décès prématurés chaque année, notamment liées aux particules fines dues aux transports[15]. Or son territoire souffre d’une insécurité alimentaire (2% d’autonomie) et énergétique (à peine 10% d’autonomie) particulièrement problématiques. Or, au plan économique, son territoire est particulièrement mis à l’épreuve par la pandémie du fait de la monoculture touristique dans laquelle son maire l’a laissé s’enfoncer depuis des années. Or sa politique du tout-sécuritaire policier, fondé sur un système coûteux et liberticide de vidéosurveillance généralisée, est en échec manifeste face aux attentats terroristes (11 repérages non détectés sur celui du 14 juillet 2016 et 6 repérages sur celui du 29 octobre 2020) qui ont durement frappé sa ville (89 morts sur 2 attentats), et à la violence endémique de certains quartiers, dans lesquels les fusillades sont toujours aussi fréquentes, et le trafic de drogue permanent. Début 2022, malgré ses 550 policiers municipaux (+96% depuis 2008, auxquels s’ajoutent ceux de la police nationale), et ses milliers de caméras de surveillance, la ville de Nice est toujours classée 5ème des villes de France pour les cambriolages, et 9ème pour les coups et blessures, sans même évoquer le niveau impressionnant d’incivisme ambiant. Mais cela ne l’empêche pas de courir après l’autorisation de généraliser la reconnaissance faciale dans les rues de ‘’sa’’ ville, ce dont bien peu de citoyens rêvent, bien qu’il la présente comme la panacée sécuritaire…
Christian Estrosi affirme également être le premier écologiste du territoire, un ‘’moderne’’ face aux ‘’archaïques’’ (sic) de l’écologie politique. Or il continue de livrer les terres fertiles de la basse Plaine du Var aux urbanistes et aux grues (qu’il avoue aimer), dans le cadre de l’Opération d’Intérêt National (OIN) ‘’Eco-Vallée’’, la bien malnommée : un authentique massacre à la bétonnière !
Or il a donné son soutien au projet d’extension de l’aéroport urbain Nice Côte d’Azur, qui ne vise rien d’autre qu’une augmentation du trafic passagers de +50% entre 2019 et 2030 (ce qu’il fait mine de ne pas avoir lu), avec son corollaire de pollution atmosphérique et sonore, et ses dizaines de milliers de tonnes de gaz à effet de serre. Or son plan climat (le fameux ‘’meilleur de France’’) n’a absolument pas infléchi la courbe des émissions de gaz à effet de serre de sa métropole depuis 2012, date de lancement du premier PCET. Les experts nous disent pourtant que la violence de la tempête meurtrière Alex d’octobre 2020 a un lien probant avec le réchauffement climatique, lui-même très actif sur le pourtour méditerranéen. Le maire-président a dépassé le stade du climatoscepticisme : il est aujourd’hui fondamentalement écolosceptique, basant le fond de sauce de sa ‘’vision’’ sur une écologie au service de la croissance économique (il n’y a pas d’erreur : c’est bien l’ordre choisi par Estrosi) : « Si je combats la décroissance de toutes mes forces, je serai toujours un militant de l’écologie au service de l’économie. »[16]. Il faut réellement être insensé, ou inculte, aujourd’hui, pour n’avoir pas compris le lien destructeur entre la croissance perpétuelle et la dégradation gravissime de l’environnement planétaire (réchauffement climatique, épuisement des ressources naturelles, effondrement de la biodiversité et déchets). En 2022, quel expert le nierait ?
Outre une ‘’premiérite’’ chronique, Christian Estrosi souffre visiblement d’une myopie déformante et d’une distension de ses adducteurs au vu des fréquents grands écarts dont il nous gratifie. Ainsi, lorsqu’il affirme que les Niçois lui ont accordé une ‘’large confiance’’, les faits, toujours têtus, nous disent qu’il a été réélu en 2020 avec seulement 34.000 voix, soit moins de 10% des Niçois(es) et 16% des votants. Cet état de fait devrait, à tout le moins, l’inciter à davantage d’humilité et de concertation dans ses décisions structurantes. Il n’en est rien : il persiste tout au contraire à qualifier de ‘’fake news’’ toute observation ne corroborant pas ses allégations, voire à menacer ou à poursuivre ses porteurs à coups de procédures-bâillons. Une autre illustration : alors que le béton n’a jamais été aussi envahissant sur les terres niçoises, le voilà qui s’affirme subitement en faveur de la ‘’débétonisation’’ : vous cherchez Estrosi à hue, le voici à dia (sans connotation politique).
Ce jacobin régional, adepte de la compétition territoriale et politique, ne cesse de critiquer le jacobinisme national : il pourfend constamment les élites parisiennes, tout en ne cessant de leur quémander des aides, ou en reluquant avidement leurs postes. Il faut dire que la perfusion d’argent public étatique devient nécessaire au vu de l’accroissement vertigineux de l’endettement public à Nice[17] : la marge de manœuvre de sa politique dispendieuse se fait de plus en plus ténue. La Chambre régionale des comptes[18] précise à cet égard que ‘’la métropole a choisi de recourir fortement à l’emprunt pour financer sa politique d’investissement, ce qui s’est traduit par une augmentation conséquente de son encours de dette’’ (1,5 milliard d’euros), et que ‘’le profil d’extinction de la dette (amortissement des emprunts « au fil de l’eau » – sans nouvel emprunt contracté sur la période) conduit à une extinction théorique de la dette en 2049’’. L’avenir de la ville de Nice est sous gage pour les trente années à venir ! Ses grands travaux, dignes de la folie des grandeurs ou d’un certain ‘’pyramidisme’’, commandent donc des aides budgétaires extérieures. A titre d’exemples : la destruction du palais Acropolis et du Théâtre National de Nice, à grands renforts de marteaux-piqueurs et de camions-bennes, et la construction d’un nouveau et immense Palais des Expositions et des Congrès sur les terres fertiles et inondables de la Plaine du Var. Comme pour mieux justifier son choix, voilà que le TNN se voit affublé par le maire de propos dignes d’un enfant de sept ans : « atrocité architecturale », « espèce de machin en béton »…
Un miroir déformant et un rapport très approximatif à la réalité
Manifestement peu accoutumés au maniement de la calculette, Christian Estrosi et ses proches conseillers et collaborateurs (dont le Dr Richard Chemla, probablement plus à son aise en anesthésie qu’en écologie scientifique et technique) ne cessent de désinformer leurs concitoyens, à grands coups de communication, car Estrosi joue la même partition que Beethoven : ‘’com, com, com, com…’’. Aucun scrupule à faire valser les tonnes de CO2, les pourcentages de polluants atmosphériques, les millions d’euros de projets pharaoniques, dans des présentations évolutives et fréquemment très éloignées de la réalité. Un seul exemple : l’extension de la Promenade du Paillon. La plantation de 1500 arbres est annoncée comme pouvant capter 1740 tonnes de CO2 par an, au lieu de ce que nous pouvons sérieusement évaluer à moins de 50 tonnes (base ADEME). Soit près de 40 fois moins. Ce détail illustre le stupéfiant ’’approximatisme’’ de Christian Estrosi. Et tout à l’avenant…
Français, prenez garde !
Qu’en serait-il si Christian Estrosi se voyait nommé à Paris ? Gardons à l’esprit que cette option pourrait intervenir très rapidement, et qu’il s’y voit très concrètement : observez d’un œil avisé le recrutement récent de David Teillet au cabinet du maire, qui pourrait succéder à Guillaume Queyron (actuel directeur de cabinet) si celui-ci suit Estrosi à Paris…
Un mot sur son obsession pour les lumières parisiennes (il y passe d’ailleurs beaucoup de temps) : il nous a été rapporté que Christian Estrosi a créé la société de conseils SAS Hopkins & Hopkins le 15 juin 2021, dont il est l’associé unique, certifiant qu’il demeure personnellement au … 91, rue La Fayette à Paris (9ème). Cette adresse n’abrite que des bureaux de sociétés et rappelons que cette personne est censée être maire d’une grande ville française, distante de 930 kilomètres (ou 690 km à vol d’oiseau pour un édile affectionnant les allers-retours en avion) de la capitale. La marque ‘’Paris’’ est probablement plus clinquante que celle de ‘’Nice’’ sur une carte de visite…
En pareil cas, Christian Estrosi offrirait le poste de maire de Nice à son dauphin désigné : son jeune 1er adjoint Anthony Borré (36 ans). Après Médecin et Estrosi : Borré. Nulle crainte sur ce que d’aucuns qualifient de clan dynastique, cet ambitieux est plus estrosiste qu’Estrosi lui-même : un fidèle de toujours, ayant été son attaché parlementaire, puis son directeur de cabinet. Notons au passage, que l’épouse de ce dauphin est elle-même directrice générale adjointe de la ville-métropole, en charge de la sécurité. Le couple Borré grapille peu à peu les clés du pouvoir local : une affaire de compétences, nous a-t-on dit.
Bref, Estrosi ferait aux Niçois le même coup qu’en juin 2016 lorsque, deux ans après avoir été élu, il était parti à Marseille pour prendre la Région PACA, refilant la mairie à son premier adjoint Philippe Pradal. Le bénéficiaire serait demain très probablement le jeune et ambitieux Borré : »élu » à la … 11ème place de la liste Estrosi 2020, elle-même élue avec seulement 16% des votes au 1er tour : quelle serait sa réelle légitimité ? L’animal politique prend donc la ville de Nice pour un camp de base, qu’il utilise à des fins carriéristes pour ses ascensions ponctuelles, Région ou gouvernement : « Naturellement si je peux être utile à quelques missions qui fassent avancer les choses, oui… Je préfère peser dans le débat public et être utile à mon pays. » (juillet 2020). Ce qu’en pensent les Niçois n’est manifestement pas sa préoccupation. La conception qu’a Estrosi de la fonction d’édile est simple : la mairie au service d’un homme : lui.
Christian Estrosi, aux commandes d’un ministère régalien ou de Matignon (Emmanuel Macron commettrait-il une telle bévue ?), aurait très probablement la volonté de transformer l’Etat en machine sécuritaire, plus droitière et verticale qu’elle ne l’aura jamais été. Le seul fait de savoir le RN ou sa copie zemmourienne sur son flanc droit, pourrait lui autoriser toutes les lubies en ce domaine. Estrosi voue une grande admiration à un certain empereur, Napoléon 1er, allant jusqu’à baptiser la station terminale de son tram niçois (l’un des plus coûteux du pays) du nom épique de ce trublion corse aux 3 à 6 millions de morts civils et militaires[19]. Outre des raisons électoralistes, Nice n’étant qu’à 210 km de l’île de Beauté, cette admiration pourrait trouver sa motivation dans la gestion très centralisée et autoritaire de l’empereur auto-consacré : une idée très verticale de la politique, sentant bon le vieux monde, et surtout très compatible avec le jupitérisme macronien. Nul doute que la communication se ferait plus musclée, autour notamment d’une écologie de théâtre et d’une vision dystopique de la sécurité publique (a posteriori, Gérald Darmanin n’aurait été qu’un ministre bien timoré…). Ajoutons que le sieur Estrosi n’est pas homme à aimer la concertation avec les gens qu’il pense mener par le bout du nez à coups de subventions, de faveurs et de promesses : jusqu’à ce jour, toutes les concertations menées sur ses plans (climat, projet alimentaire territorial) ont été des mascarades. Enfin, comment imaginer que le maire de la 5ème ville de France puisse briller dans ses engagements environnementaux et sanitaires, alors que ses bilans ont été si piètres sur son territoire-laboratoire et qu’il n’a finalement jamais tenu ses promesses majeures, en dehors d’un verdissement urbain de surface et de la mise en place d’un réseau de tram des années après la plupart des grandes métropoles ? Au passage, peut-être pense-t-il qu’une fuite à Paris (et non à Varennes) lui permettrait d’échapper un temps à l’heure du bilan général de ses trois mandatures niçoises. En tout cas, il n’échappera pas au procès de l’attentat du 14 juillet 2016, puisqu’il y est attendu, avec Philippe Pradal et le préfet de l’époque, sous le statut de témoin assisté (enquête en cours).
On l’aura compris : la carte postale de Nice, mise en avant par son maire Estrosi, cache donc en réalité, sur son verso, un très grand retard sur les plans social et économique, une très grande vulnérabilité sur les plans alimentaire et énergétique, un très grand déficit sur les plans sanitaire et démocratique, une très grande déficience sur le plan écologique…
Non, décidément, nous ne sommes vraiment pas sûrs de la digestibilité de la salade niçoise de Christian Estrosi, à quelque poste étatique que ce soit : les enjeux nationaux sont trop sérieux pour cela… Monsieur Macron, nous vous invitons sincèrement, en cas de victoire le 24 avril, à vous abstenir strictement de consommer ce mets !
[1] Jean Lassale étant un cas un peu à part, ses voix ne sont pas intégrées dans les calculs présentés ici (3,1% en France et 1,8% à Nice).
[2] Réseau d’élus créé par Christian Estrosi en 2017 et transformé en parti politique en 2020.
[3] Mélange opportun des mythologies grecque et romaine.
[4]https://nicepresse.com/presidentielle-estrosi-monsieur-industrie-de-la-campagne-macron/?utm_campaign=post-auto&utm_medium=twitter&utm_source=default
[5] Selon la définition : ‘’Subterfuge, action ou parole équivoque, simulation ou dissimulation adroite destinée à tromper sans mentir précisément’’. Alphonse Daudet (Tartarin de Tarascon, 1872) l’avait bien compris : ‘’L’homme du Midi ne ment pas, il se trompe. Il ne dit pas toujours la vérité, mais il croit la dire.’’
[6] Expression souvent aperçue à son sujet.
[7] La polymathie est la connaissance approfondie d’un grand nombre de sujets différents. Oui, vous pouvez en douter…
[8] Le mot pantomime vient du grec pantomimos : qui imite tout (de pan/pantos = tout, et mimos = mime).
[9] Sondage IFOP pour la Tribune, décembre 2020.
[10] Lire les rapports de la Chambre Régionale des Comptes PACA, par exemple.
[11] D’un côté : ‘’Mon bilan, une révolution industrielle, qui a bouleversé les modèles’’ (Christian Estrosi, Usine Nouvelle, 21 oct 2010). De l’autre : ‘’Le mauvais calcul de Christian Estrosi sur les fermetures d’usines : invité de France Info mardi 18 février, Christian Estrosi a vanté son bilan de ministre de l’industrie et a pour cela utilisé des chiffres à la véracité douteuse’’ (Le Monde, 10 mars 2014).
[12] Source : Nice-matin 2 juin 2018.
[13] Source : Nice-matin 14 décembre 2020.
[14] Source : http://ccasnice.fr/uploads/PDF/2018/portrait%20statistique%20de%20quartiers.pdf
[15] Selon l’étude PREVAIR 2017-2018, Nice a été classée 99ème ville sur 100 villes françaises de plus de 50.000 habitants, pour la qualité de son air.
[16] Interview Nice-Presse, octobre 2021.
[17] Selon le palmarès IFRAP de 2020, avec une note de 8,1/20, la ville de Nice est classée 20ème et dernière des villes de plus de 150.000 habitants sur sa gestion et son rapport investissement sur endettement.
(https://www.europe1.fr/economie/palmares-des-villes-les-mieux-gerees-letat-peut-sinspirer-du-travail-de-certaines-communes-3944923.amp?__twitter_impression=true&fbclid=IwAR01Lvw0CBn6S_Fk2PX5PUX9YQUOMAolG8kS0TiV-flTbTuoU5NyjBkJ48w).
La gestion de la ville fait également régulièrement l’objet de critiques de la Chambre régionale des comptes.
[18] Rapport d’observations définitives et sa réponse, 2020 : https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-11/PAR2020-1642.pdf
[19] Nous aimons beaucoup la Corse et ses habitants. Beaucoup moins l’autocratie impériale…