Allo, docteur ? La démocratie niçoise tousse…
La politique locale : réseaux ‘’sociaux’’ et réseaux de ‘’copains’’
Au terme du marathon électoral spasmodique des Municipales (2020), Présidentielles et Législatives (2022), posons notre regard critique sur l’état de la démocratie sur le territoire niçois.
La démocratie est de ces thèmes faisant partie des impensés de nos sociétés modernes. Ses dérives passent en queue de peloton, loin derrière le pouvoir d’achat, le tourisme, la culture, le social, le climat… « Des dérives démocratiques ? M’en bati ! Bien sûr qu’il magouille, mais il fait le job, comme le grand Jacques, non ? En tout cas, il a toujours été là pour moi…» pourrait-on entendre sur les marchés niçois… Personne ne semble vouloir réfléchir au caractère précieux et éminemment fragile de la démocratie, et à son état piteux sur notre territoire, invisibilisé par le soleil et la mer.
A présent, les élections se réduisent à des batailles communicationnelles de clans adverses. Les campagnes pré-électorales ne sont plus que slogans et invectives, raccourcis et contre-vérités (pour ne pas dire mensonges !) et personne ne semble remarquer qu’elles ont fait disparaître le principe de vrais débats contradictoires. Comme sur les réseaux dits sociaux, on n’apporte plus la contradiction : on invective ! C’est si simple… Beaucoup plus simple que d’affronter des citoyens sur les plateaux de France 3 Côte d’Azur, par exemple (du vécu). Courage, fuyons !
Une fois la crise électorale passée, la catharsis fait son œuvre : les guerres d’ego s’apaisent (à peine, en tout cas pas celle concernant les deux trublions Estrosi et Ciotti) et les réseaux de copains se confortent, en multipliant les déjeuners de « travail » au QG de « La Petite Maison », à deux pas de l’Hôtel des Vils (mais non, c’est de l’humour !), et en y invitant régulièrement de vieux soutiens, comme le condamné Sarkozy…
Clanisme, oligarchie, dauphinisme, opportunisme ?
Vu de l’extérieur, ou même de la planète Mars (symbole !), comment pourrait-on caractériser la démocratie locale ? Visiblement, à Nice, la respiration démocratique est atone, pour ne pas dire difficile. De Jean Médecin à Christian Estrosi, en passant par le sulfureux Jacques Médecin, le clanisme oligarchique, dopé à la testostérone, fonctionne à plein. Ce clanisme a pour fondement le ‘’dauphinisme’’ : le pouvoir passe du maître au disciple, qui est le dauphin désigné, cette désignation ne reposant que sur la servilité (la « voix de son maître »). C’est ce qu’on peut évidemment qualifier de système dynastique. Le jeune motard Christian Estrosi fut le dauphin de Jacques Médecin, qu’il continue d’ailleurs d’aduler en dépit de ses frasques judiciaires hallucinantes, et il semble que le suivant sur la liste soit son premier adjoint, technocrate bien terne, jeune d’âge mais aux vieilles idées : Anthony Borré. Et d’ailleurs, le système a des ramifications, telle une hydre : même l’épouse du clerc Borré, Véronique, investit peu à peu les couloirs du pouvoir, localement comme régionalement, auprès d’un autre copain : Renaud Muselier, maître du fief Sud PACA. Les jeunes pousses ne manquent pas, pour assurer la succession estrosienne : Marine Brenier (une autre girouette), Jennifer Salles, fille de l’intrigant Rudy Salles et petite-fille du condamné Lucien Salles, un autre profiteur écroué en son temps, Graig Monetti, qui n’a que le talent de sa taille (mais pas celui de la connaissance de ses dossiers, qu’il survole à ses temps perdus), etc.
N’oublions pas que Nice est aux confins de la République, à moins de 30 kilomètres de la frontière de la belle Italie, et que l’effet Sud y bat son plein… Le dauphin ne sort donc pas strictement des urnes, mais d’une entente donnant lieu à la passation d’un kit du pouvoir : les réseaux politiciens locaux (très teintés de machisme et de paternalisme), les carnets d’adresses nationaux, comprenant évidemment les pontes médiatiques : Franz-Olivier Giesbert et Etienne Gernelle, directeur de l’hebdomadaire Le Point, par exemple, tous deux très engagés dans la promotion estrosienne inconditionnelle. Retenons donc ce premier caractère : ‘’clanisme’’, qui émet d’ailleurs quelques vieux relents de loges maçonniques.
Girouettes et râteliers…
Le second terme en lice pourrait être ‘’girouettisme’’. Les ‘’grands’’ élus niçois (et leurs voisins) ne s’embarrassent pas de principes. Leur survie politicienne prévaut sur tout le reste. Pour durer en politique, et c’est plus facile en local qu’en national, il ne faut pas hésiter à changer de casquette, tout en ménageant son « réseau des 30.000 fidèles » (rappelons qu’Estrosi a été réélu avec seulement 34.000 voix en 2020 !). En cela, on peut considérer qu’ils appliquent à la lettre le mot de Victor Hugo : « Soyez comme l’arbre, changez vos feuilles, mais jamais vos racines. Vous pouvez changer vos opinions, mais jamais vos principes. » Alors, quel est le problème ? Certainement que ces élus n’ont que des opinions fugaces et opportunistes, mais pas d’autre valeur, ni principe, que la sauvegarde de leur parcours politicien. Quoi qu’il en coûte : ils peuvent même devenir hargneux ou haineux, lorsqu’ils sentent poindre un compétiteur ou un quelconque danger. Juste pour nous en convaincre : Estrosi a fréquenté assidument le RPR, devenu UMP puis LR, qu’il a quitté en 2021, après avoir lancé le micro-parti ‘’La France audacieuse’’ (qui connaît ce gadget politique ?) et s’être rapproché de La République macronienne en marche (pour les Présidentielles 2022), et enfin d’‘’Horizons’’ (Nice est sur la ligne d’horizon parisienne), le néo-parti d’Edouard Philippe qui a déjà les yeux rivés sur la prochaine cible : les Présidentielles 2027. En fait, ça n’est plus du girouettisme, c’est une passion pour les râteliers… L’avantage : on goûte toutes les graines pour ne pas faire d’impasse : on ne sait jamais, en ces temps de disette ! Il n’y aura donc que l’âge pour arrêter Estrosi dans sa dévorante obsession pour le pouvoir, car il approchera l’âge de la péremption politique : il aura en effet 70 ans au terme de sa 3ème mandature de maire (2026), et 71 ans en 2027 (présidentielles). Peut-être soutient-il son fidèle adjoint Louis Nègre, qui s’accroche au pouvoir (maire de Cagnes-sur-Mer et vice-président de la métropole niçoise) à 75 ans, pour se rassurer ? De manière très prosaïque, ce qui peut ébranler ce seigneur local n’est donc pas le fruit des urnes, mais l’âge… L’âge, ce naufrage, selon le général de Gaulle, n’a donc pas que des désavantages.
Mais alors, que nous reste-t-il ?
Cette engeance vit sur le dos des citoyens, nous insécurise et nuit à notre environnement : au prétexte d’une inscription de projets dans un programme électoral que seuls 10% des Niçois ont validé en 2020 (ce qui pose un sérieux problème de légitimité), les terres fertiles de la plaine du Var et les collines niçoises sont massacrées sous les coups des pelleteuses, le projet climaticide d’extension de l’aéroport de Nice est soutenu mordicus, l’omniprésence de la « bagnole » est préservée, au prix d’une pollution de l’air qui n’évolue que peu dans les rues et l’arrière-pays niçois. Depuis des années, des centaines de personnes meurent prématurément de cette pollution, et une ZFE totalement insignifiante est mise en place. Depuis des années, plus de 70.000 citoyens niçois, dont beaucoup de jeunes, vivent sous le seuil de pauvreté, et le maire ose se réaffirmer régulièrement « gaulliste social » : mais rien ne change. Depuis des années, ce maire nous enfonce dans son dangereux fantasme de la surveillance généralisée, prenant « sa » ville pour un laboratoire de dystopie, en multipliant les caméras prétendument intelligentes. Depuis des années, le territoire niçois vit sous perfusion, n’affichant que moins de 2% d’autonomie alimentaire et 10% d’autonomie énergétique. Ce qui n’empêche pas la métropole de végéter sur son PAT (son projet alimentaire territorial est quasiment mort-né, et la bétonisation se généralise) et sur sa politique énergétique. Ce même maire qui se prétend le 1er écologiste du territoire, alors qu’il n’a jamais respecté le moindre de ses engagements environnementaux et climatiques. Il suffit d’analyser le bilan de ses plans climat pour s’en convaincre ! Et il suffit d’ailleurs d’écouter ce chantre de la croissance perpétuelle : l’économie prévaut sur l’écologie, puisqu’il met cette dernière au service de la première. N’aurait-il pas bien saisi l’enjeu du défi environnemental ?
Alors, que faire ? Joseph Spiegel, ancien maire de Kingersheim, en Alsace, dans son livret « S’indigner, rêver, s’engager » (2021), nous apporte un début de réponse : « Comment s’organiser, comment organiser la demande démocratique face à des équipes qui n’ont pas d’offre démocratique. La réponse, c’est l’organisation, c’est les collectifs citoyens, c’est les associations, c’est conforter les temps forts. Ce que je préconise souvent aux équipes qui sont en face de maires complètement bloqués, c’est d’occuper le terrain avec l’organisation de débats, avec des propositions qui favorisent le pouvoir d’agir des citoyens. »
De nombreux citoyens, habituellement silencieux et résignés, commencent à trépigner devant ces maires « complètement bloqués » aux plans démocratique, social et écologique. Nous pensons, en effet, qu’il est temps de siffler la fin de la partie, qui n’a que trop duré : la partie du copinage et des réseaux d’intérêts individuels, du mépris affiché des opposants politiques et des citoyens engagés. Il est temps de dégager celles et ceux qui se moquent du monde depuis tant d’années, sous de faux airs de respectabilité : celles et ceux qui n’agissent pas avec sincérité et honnêteté, qui font semblant de protéger les Niçois, leur santé et leur bien-être, de préserver la planète et l’avenir des jeunes. Qui font semblant d’être des garants de la démocratie, alors qu’ils ne font que la manipuler à leur profit.