La drôle de COP climat du Préfet des Alpes-Maritimes
Alors que s’achève la COP30 de Belém au Brésil, le Préfet des Alpes-Maritimes Laurent Hottiaux a organisé la 1ère COP climat du département. Excellent ! Sauf que cette journée n’a rien eu d’une COP. Ou si peu…
Le vendredi 21 novembre 2025 a eu lieu la 1ère COP climat du département des Alpes-Maritimes, présidée par Laurent Hottiaux, préfet du département. Plantons le décor. Le cadre est sublime : la palais sarde dans le vieux-Nice. L’assistance est nombreuse, venue des instances régionales et départementales, des services et de différents organismes. Sous les dorures, les drapeaux et pupitres sont en place.
La réunion est baptisée ainsi : rendez-vous territorial de la planification écologique dans les Alpes-Maritimes. Très bien, nous allons donc parler transition écologique !

Douche froide sous les dorures : c’est une fausse COP !
Début de douche froide : le sous-titre, fort discret, nous dit que ce rendez-vous est dédié à l’adaptation climatique. Il y a déjà tromperie sur la marchandise. Depuis quand une COP climat évacue-t-elle la question de l’atténuation des émissions dans ses échanges ? Et pourquoi limiter la transition écologique à la seule adaptation au réchauffement climatique ?
Le préfet introduit la journée. Il évoque cette 1ère COP des Alpes-Maritimes, le ‘’nécessaire et urgent sursaut’’ face au changement climatique, l’exigence d’obtenir des ‘’maxi résultats’’, notamment dans un département très exposé. L’autorité égraine les fléaux (+4°C de hausse de température moyenne en France, pénurie d’eau, sécheresse, feux de forêts, consommation excessive des terres, montée des eaux, etc.) avant de conclure qu’il faut ‘’passer à l’action et se mobiliser’’, et que cette étape ‘’décisive’’ doit donner lieu à des ‘’échanges francs et constructifs’’, sur des sujets pris ‘’à bras le corps’’. Dont acte.

Derrière ce beau discours d’introduction, on ne peut que constater que pas un mot explicite n’est prononcé sur la nécessaire réduction de nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Le reste des interventions ne va d’ailleurs porter que sur l’adaptation au changement climatique. Un changement majeur, puisqu’une experte de Météo-France explique à l’assemblée que notre département va subir un réchauffement supérieur à celui des +4°C déjà prévu pour la France métropolitaine à l’horizon 2100 (les enfants nés cette année auront 75 ans). Or les scientifiques nous alertent sur l’extrême danger du dépassement des +2°C de température moyenne. Autant dire qu’une hausse de +4°C est juste catastrophique. Les mêmes scientifiques nous expliquent également que l’adaptation face à une telle hausse des températures moyennes est juste inenvisageable, et pire encore pour +6°C à +7°C au siècle prochain si nous ne changeons pas de trajectoire urgemment. Pour des raisons sanitaires, agricoles, économiques, et pour la vie sur la planète.
Une confirmation avec Damienne Provitolo, directrice du Haut-Conseil pour le Climat et la Biodiversité de la Métropole Nice Côte d’Azur, qui a d’ailleurs rappelé ce point : son mandat – comprendre, le mandat donné par Christian Estrosi, ne concerne que l’adaptation, et non l’atténuation (un terme d’ailleurs bien mou pour des réductions fortes attendues).
L’orchestre du TitaNice joue encore sa sérénade
Ce beau matin du 21 novembre, entre le café et les croissants d’accueil et le buffet, pas un expert qui n’ait rappelé ce fait majeur : l’humanité ne se remettra pas d’un tel réchauffement (et la biodiversité non plus). Pas un médecin qui n’ait alerté les autorités sur le danger extrême de poursuivre sur l’actuelle trajectoire. Citons le docteur Richard Chemla, conseiller santé-environnement du maire de Nice, présent à cette ‘’COP’’, qui a eu l’extrême courage de rester parfaitement silencieux sur ce sujet. Les médecins politisés ne sont donc plus médecins, plus soucieux de répéter les mantras de leurs patrons que de défendre la santé publique.
Interdiction de parler de l’aéroport de Nice !
Arrive le temps des questions. Un représentant du Collectif Citoyen 06 se lève pour intervenir sur ce problème d’effacement du thème important de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, à défaut de laquelle nous courons à la catastrophe. Il rappelle à titre d’exemple (emblématique) que dans ces réunions, n’est jamais abordée la question de la hausse des émissions d’un très gros émetteur du territoire (et pièce maîtresse de l’économie locale) : l’aéroport de Nice, qui émet près d’un million de tonnes de CO2 par an (et même 1,6 million avec les effets non-CO2, chiffres officiels), à mettre en regard des 4 millions de tonnes de CO2e émises par le département des Alpes-Maritimes chaque année. La réponse d’un représentant des services fuse : « Monsieur, vous êtes hors-sujet, nous sommes ici pour parler d’adaptation ! ». En fait de hors-sujet, c’est bien toute cette COP du préfet Hottiaux qui est ‘’hors-sujet’’.
1/ Les émissions GES sont responsables du réchauffement climatique.
2/ Le réchauffement de +4°C d’ici 2100 va rendre la planète invivable. Chaque dixième de degré va lourdement aggraver la situation.
3/ Il faut donc réduire urgemment ces émissions.
4/ Pourtant, l’aéroport de Nice émet de plus en plus de gaz à effet de serre.
5/ Mais il ne faut pas en parler : c’est hors-sujet !
Pour terminer, personne ne s’est risqué à rappeler que le département des Alpes-Maritimes n’est pas sur la bonne trajectoire : ses émissions GES n’ont atteint qu’une baisse de -20,2% depuis 2012, et atteindront -31% d’ici 2030 (selon cette tendance), au lieu des -55% sur lesquels s’est engagée notre région, comme notre pays. Le gap est énorme. Ce qui n’a pas empêché Richard Galy, vice-président de la région PACA, de rappeler que notre région avait un plan climat baptisé « Une COP d’avance »… Le ridicule ne tue plus.

Chut ! Pas de contrainte écologique sur l’économie
En somme, le préfet Hottiaux a fait le choix d’organiser une réunion sur la planification écologique, en retirant du menu tout ce qui fâche. Il n’est pas difficile d’imaginer pourquoi : l’économie (telle qu’elle est structurée aujourd’hui) ne supporterait pas une trajectoire de réduction des émissions GES, par manque d’anticipation et de courage politique. Notamment dans les Alpes-Maritimes, où le tourisme aérien international soutient le tissu économique local.
Sursaut et urgence : uniquement dans les discours
Le préfet Hottiaux a parlé d’un sursaut qu’il sait ne jamais advenir. Le préfet nous a invités à prendre le sujet ‘’à bras le corps’’, alors qu’il le glisse sous le tapis du palais sarde. Le préfet nous a parlé d’urgence, mais a laissé l’assemblée ronronner sous les dorures.
C’est ainsi que nos enfants et la planète vont suffoquer dès les prochaines décennies.
Cette COP départementale n’aura été qu’un épisode de la mascarade écologique à laquelle se livrent encore trop de décideurs publics et privés : le greenwashing pour les commerciaux et l’anesthésie policée pour les politiques et autres préfets. Vous l’avez compris : ce pince-fesses n’était donc pas une COP climat.