Une justice partiale et injuste

Le monde ne tourne pas rond ! Le 18 septembre 2025, la Cour administrative d’appel de Marseille vient de mettre un terme à un recours, datant de février 2020, contre le permis de construire de l’extension du Terminal 2 de l’aéroport de Nice. Mais de la manière la plus injuste qui soit : en donnant simplement raison aux porteurs de mensonges et de contre-vérités, et en validant un projet qui impactera fortement la qualité de vie, la santé et l’environnement des habitants de la Côte d’Azur, en plus de renforcer un peu plus le réchauffement climatique.
Une décision incompréhensible
Cette décision de justice est incompréhensible. Pour faire court, alors que fin 2023, la Cour d’appel avait confirmé le vice de l’étude d’impact, frappant le permis d’illégalité, elle estime aujourd’hui que le simple fait qu’une étude complémentaire ait été produite par la société des Aéroports de la Côte d’Azur, tout aussi truffée de contre-vérités et de perspectives consternantes, suffit à valider le permis. Mentez donc une première fois, la justice vous retoquera. Mais mentez une seconde fois, et la même justice vous confortera. Jean de La Fontaine en aurait fait une fable…

Que peuvent en déduire les citoyen-nes qui, eux, ont parfaitement étudié ce dossier T2.3, qui les concerne très directement ? Que la justice administrative se plie docilement aux injonctions politico-affairistes, quitte à tomber dans un cynisme et une hypocrisie méprisables ? Ou que certains de ses magistrats, dont ceux de Marseille, ne saisissent absolument rien des enjeux sanitaires et environnementaux actuels ? Cette justice aurait donc des décennies de retard, avec un droit devenu oblique à force de compromissions avec le bon sens et la réalité.
L’indignité et le mépris du maire de Nice
Comme pour en rajouter à l’incompréhension de la situation, le maire de Nice a vite plongé dans l’indignité (ce qui n’est pas une surprise, vous l’avouerez). Le soir même de la décision du 18 septembre, premier de la liste des climatosceptiques en chef, Christian Estrosi s’est autorisé à écrire ce tweet : « La Cour administrative d’appel de Marseille a rejeté le recours des opposants à l’extension du Terminal 2 de l’aéroport de Nice : le permis de construire est donc confirmé. Je me félicite de cette décision, qui met un terme à des années de blocage orchestrées par certains collectifs se réclamant à tort de l’écologie. Ce projet majeur, attendu de longue date, va enfin pouvoir avancer et offrir aux voyageurs de meilleures conditions d’accueil et de confort. »
Traduction : le maire de la 5ème ville de France, tout occupé à développer le business du surtourisme (en prétendant évidemment l’inverse), se félicite d’un projet qui va faire croître le trafic aérien annuel de plus de 28 000 vols dans les prochaines années (écrit noir sur blanc dans la fameuse étude complémentaire), et occasionner une ribambelle de nuisances (pollutions, nuisances sonores, saturation de la ville, etc.) sur la tête des habitants, dont il semble se moquer comme de sa première mobylette. Et passons pour le mépris diffamant de Christian Estrosi à l’égard de citoyens très engagés pour l’intérêt général et l’écologie. La vraie, pas celle de pacotille dont il se vante à longueur d’année.
Pourquoi l’arrêt de la Cour d’appel est indigent et inacceptable ?
Parce que les rédacteurs de l’étude d’impact complémentaire, qui vient de valider le permis, ont encore manipulé les chiffres, éhontément. Deux exemples, parmi tant d’autres.
Une annexe de ladite étude indique les prévisions de consommation de kérosène à l’horizon 2034 : +54 000 tonnes d’ici 2034 (par rapport à 2024, soit un potentiel d’émissions équivalentes en gaz à effet de serre de près de 380 000 tonnes de CO2e supplémentaires par an (alors que la métropole de Nice s’est fixé pour objectif une baisse de -55% des émissions d’ici 2030). Une hausse d’émissions de +26,6%, qui suit logiquement celle du trafic aérien indiquée dans une autre partie de l’étude : +28 000 vols. Cela n’a pas empêché les responsables de l’aéroport de Nice d’annoncer que les émissions devraient … diminuer de -11,3% d’ici 2034 !
Faut-il être stupide ou totalement inculte et réfractaire à l’arithmétique du niveau primaire, pour ne pas voir l’embrouille et croire aux fadaises de la folle amélioration des réacteurs d’avions (d’ici 10 ans) qui permettra de passer de +26,6% à -11,3% d’émissions ?
Franck Goldnadel fait mieux que la fée Carabosse
Franck Goldnadel, grand sorcier de l’aéroport, fait donc mieux que la fée Carabosse : il efface d’un trait de plume un écart de près de 38%. Le même magicien affirme sur tous les plateaux médiatiques que son aéroport est « carbone neutre », alors qu’il est responsable de l’émission de 1,6 million de tonnes de CO2e par an (indiqué dans son étude). Nul besoin d’une calculette pour comprendre que les émissions de l’aéroport de Nice approcheront les 2 millions de tonnes de CO2e par an en 2034, dans moins de 10 ans… Soit le double de l’ensemble de la ville de Nice ! Et Estrosi et consorts croient dur comme fer à ces fadaises ! Les avions propres arrivent, de meilleurs taux de remplissage des avions pourront encaisser les 6 millions de passagers supplémentaires, et, bien sûr, le Père Noël existe.
Autre exemple : les nuisances aériennes, qui sapent le bien-être de centaines de milliers d’habitants. Qui peut imaginer qu’une hausse moyenne de +80 vols quotidiens va réduire les nuisances aériennes ? En page 209 de l’étude complémentaire, il est écrit que le projet induira une hausse de la population exposée, entre 2024 et 2034, de +9,9% sur le Lden (jour, soir et nuit) et de +14,7% sur le Ln (nuit, de 22h à 6h, tranche horaire dans laquelle ont lieu 7,9% des vols commerciaux (2024, page 117)), la surface exposée au-delà de 55 décibels (Lden) augmentant de +16,8%. Bref, en français, cela signifie qu’il y a toujours plus de bruit sur notre littoral et dans le moyen-pays.
Et de nouveau, tour de magie de l’aéroport ! Sa société utilise (en page 210 de son étude d’impact complémentaire) le ‘’ratio d’exposition’’ : « Le ratio du nombre de personnes impactées par le bruit des aéronefs par mouvement baisse avec le projet par rapport à la situation actuelle du fait de l’amélioration de la flotte et l’amélioration de l’utilisation des procédures l’atterrissage (RNPA). » Un ratio totalement trompeur, exploité dans sa communication, puisqu’en dépit d’une hausse de +26,6% du trafic aérien entre 2024 et 2034, et d’un volume de nuisances sonores en forte hausse, ce ratio est censé diminuer de -13,4% avec l’extension en 2034. En revanche, si l’on compare l’évolution de l’impact sonore global, on constate une hausse de 39% des dérangements et des nuisances subies par la population (produit du nombre de personnes impactées par le nombre de mouvements aériens). Là encore, le magicien Goldnadel passe de +39% à -13,4%, et le lapin noir disparaît du chapeau ! Nous pourrions citer bien d’autres exemples, comme la pollution atmosphérique par exemple (+25% d’émissions de polluants, encore indiqué dans l’étude)…
Le combat continue. Evidemment !
En somme, cette décision de justice est aussi incompréhensible que le dossier de l’aéroport est absurde. Elle donne une victoire temporaire à l’affairisme. Mais elle incitera surtout les citoyen-nes à ne rien lâcher : le combat continue ! Contre la désinformation et les mensonges, contre l’incurie politique, contre le réchauffement climatique, la pollution et le surtourisme. Pour une société moins égoïste et destructrice et pour l’avenir de nos enfants.