
La responsabilité sociétale de l’aéroport de Nice
De la tromperie de haut vol !
Dans le magazine Grand Sud n°5 (été 2025), « le magazine de l’aéroport Nice Côte d’Azur », le lecteur découvre un ‘’article’’ bilingue de deux pages titré « Une ambitieuse démarche RSE pour l’aéroport » (RSE pour Responsabilité Sociétale des Entreprises). En fait, une promotion fondée sur un greenwashing élaboré de longue date.
Son introduction plante le décor en carton de son « plan de transformation durable », autour de « principes relatifs aux droits humains, aux normes internationales du travail, à la protection de l’environnement et à la lutte contre la corruption », et d’une stratégie RSE.
Une stratégie que l’aéroport présente ainsi : « Une feuille de route claire : si certains axes, comme le respect des droits humains, peuvent sembler éloignés des préoccupations premières d’un aéroport, ils prennent tout leur sens lorsqu’on considère la chaîne de valeur dans son ensemble. Pour chaque enjeu, nous avons fixé des objectifs concrets. Par exemple, réduire de 15% la consommation d’électricité des bâtiments d’ici 2024 par rapport à 2019. À chaque objectif correspondent une échéance précise et des indicateurs de performance. La nature globale de la démarche combine enjeux financiers, humains et environnementaux, et nécessite d’accompagner les collaborateurs dans l’évolution. «Il s’agit d’un véritable changement de paradigme : passer d’un modèle économique centré uniquement sur la croissance à une croissance durable. »
Vous avez bien lu : il est question de responsabilité sociétale, d’enjeux environnementaux, de durabilité, de l’ensemble de la chaîne de valeur.
Poursuivons nos investigations. Chaque année, la société privée des Aéroports de la Côte d’Azur publie un rapport annuel. Mais le dernier rapport 2024 a été rébaptisé en ‘’bilan de performance’’. Pourquoi ? Parce que c’est plus techno-branché. Et parce que, lit-on : « ce bilan annuel n’en est pas un de plus. Il est un acte fondateur. Vous le découvrirez au fil de ces pages car il adopte une nouvelle forme. Il témoigne de notre démarche responsable, volontariste et toujours plus engagée pour concilier notre volonté de développer nos activités au bénéfice de notre territoire et de nos collaborateurs, et notre mobilisation sans faille à réduire nos externalités. Avec un objectif : préserver l’environnement et la santé de nos parties-prenantes », « trajectoire de réduction des émissions sous notre contrôle tenue et saluée par des organismes de certification et de labélisation internationaux ».
Vous avez bien lu ce fatras marketing de mots léchés : acte fondateur, responsable, volontariste, engagé, mobilisation sans faille pour « réduire les externalités »…
Démêlons la pelote !
Nous traversons actuellement une crise de confiance générale. Politique, mais pas seulement. Les citoyens saturent des promesses politiques non tenues, mais aussi des storytellings commerciaux. En deux mots : de l’hypocrisie et des mensonges, par avions cargo entiers. Et l’aéroport de Nice n’est pas le dernier à tirer sur la corde.
Il ne cesse de vanter sa neutralité carbone (label Airport Carbon Accreditation), sa vertu environnementale, sa volonté de diminuer ses externalités (négatives, s’entend). Autrement dit, pour l’essentiel, ses pollutions, ses nuisances sonores et ses émissions de gaz à effet de serre.
Or, que disent les chiffres, les vrais ? Que les externalités négatives de cet aéroport ne cessent de croître. Nous ne l’inventons pas : il suffit de savoir lire les tableaux de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) ou encore les études d’impact de ce même aéroport (celle de son projet d’extension, par exemple) pour le constater. Allons-y !
Parlons climat
Le trafic aérien de l’aéroport de Nice a expédié dans l’atmosphère près de 1,6 million de tonnes de CO2e par an. A titre de comparaison, la ville de Nice en émet 1 million chaque année. S’il évoque une neutralité carbone fantoche, ce n’est que par l’opération, non du Saint-Esprit, mais d’une soustraction hallucinante : l’aéroport ne comptabilise aucune émission des avions, qu’il s’évertue pourtant d’attirer à coups de promotions incessantes, dès lors qu’ils sont en vol. Ses revues en papier glacé sont remplies d’avions en vol, de voitures de luxe, de jeunes gens souriants et bien sapés. Mais ses comptes ne veulent pas entendre parler d’émissions d’avions. Les équipes de Franck Goldnadel, président du directoire de la société des Aéroports de la Côte d’Azur, aiment les images d’avions, pour vendre du billet, mais par leurs déchets atmosphériques. Pas grave : c’est le climat qui prend ! Il n’a que faire des comptabilités hypocrites de tonnes de CO2.
Et tenez-vous bien, en lieu et place de réduction des externalités négatives, l’aéroport de Nice va augmenter ses émissions de près de 400 000 tonnes de CO2e par an dans les prochaines années (alors qu’il prétend les réduire de -180 000 tonnes). Grâce à quoi ? A son extension T2.3 qui va permettre l’accueil de plus de 28 000 vols annuels et 6,5 millions de passagers supplémentaires. Mais aussi à sa stratégie de promotion commerciale, qui se voit confortée par les équipes des offices de tourisme qui sillonnent le monde pour vendre la destination Côte d’Azur. La machinerie est bien huilée, et le discours bien rôdé pour tromper le public, mais surtout les décideurs publics : préfets, maires, présidents de conseils métropolitains, départementaux ou régionaux, qui ont la faiblesse de croire en ces fadaises. Voilà, la responsabilité environnementale de l’aéroport est juste une escroquerie.
Parlons qualité de l’air et santé publique
L’étude d’impact complémentaire de l’aéroport, exigée par la Cour administrative d’appel de Marseille, le révèle : les émissions de polluants atmosphériques ne vont pas diminuer. Elles vont augmenter de +150 tonnes par an (+25% en dix ans). Des tonnes de particules fines et ultrafines, d’oxydes d’azote et de soufre, tous toxiques pour la santé humaine… Pour rappel, la qualité de l’air de notre territoire est très médiocre, voire souvent dégradée et la pollution de l’air tue des centaines d’habitants chaque année sur l’aire niçoise. Qu’à cela ne tienne, l’aéroport va augmenter ses émissions de polluants. Ca, c’est pour la responsabilité sanitaire de l’aéroport. Et nous pourrions allonger la liste avec les nuisances sonores…
Où est donc la « mobilisation sans faille » pour réduire ces externalités négatives ? Les campagnes commerciales ne cessent de viser des marchés internationaux de plus en plus lointains : Amériques, Moyen-Orient, Asie. Et chaque aller-retour d’avion sur ces destinations émet autour de 500 tonnes de CO2e. On assiste donc à une « mobilisation sans faille » pour développer le trafic aérien et le business.
Après l’indignation, des comptes seront demandés !
Ces mensonges et manipulations nous indignent, alors que la santé publique est impactée que le climat est malmené comme jamais. Il est de plus en plus question d’écocides et de crimes climatiques, et le droit environnemental finira par s’imposer. De force plus que de gré.
Nous nous adressons donc à Franck Goldnadel et ses actionnaires, aux décideurs publics de la Côte d’Azur et à leurs équipes, aux préfets qui signent les permis : un jour peut-être pas si lointain, vous aurez à en répondre devant la Justice et les citoyens. Votre responsabilité est fondamentalement engagée, et vous êtes clairement du mauvais côté de l’Histoire : 6 à 7 limites planétaires ont été dépassées (sur 9), et le climat flambe.
Combien de temps comptez-vous vendre vos pacotilles sur le pont du TitaNice ?