Le tsunami réactionnaire actuel doit éveiller nos consciences !
L’Histoire évolue par avancées, reculs et rebonds. Si la crispation réactionnaire actuelle est inquiétante, elle doit ouvrir nos consciences sur la nécessité de préparer la suite, dans le sens d’un authentique progressisme social et environnemental, et d’un humanisme du XXIème siècle débarrassé des oripeaux du post-libéralisme sauvage.
Uruguay, tango et crabe
Nous vous emmenons faire un petit tour en Uruguay avant de voguer sur les flots agités de l’Histoire.
Septembre 1990 : poursuivi par la justice de notre pays, le maire de Nice, Jacques Médecin, fuit à Punta del Este, le Saint-Tropez uruguayen, où il est décédé le 17 novembre 1998 après s’être reconverti un temps en vendeur de T-shirts et d’antennes paraboliques (source Libération, 18/11/1998).
Punta del Este : une petite ville de 12.000 âmes (que le maire corrompu voulait néanmoins jumeler à Nice) lovée sur les bords du Rio de la Plata, le « fleuve d’argent », séparant l’Uruguay de l’Argentine. C’est précisément sur ces rivages qu’est né le … tango rioplatense, cette danse rythmée de l’improvisation, basée sur des tours, enchaînant des pas vers l’avant et vers l’arrière.
Cette danse est une allégorie de ce qui fonde l’histoire humaine, faite de mouvements de fond et de réactions contraires. L’humain avance, tournoie, recule, et reprend sa marche en avant. Parfois, il chute, bouscule, bataille, s’étripe et atomise, puis se réconcilie. Le philosophe Edgar Morin dit de cette histoire qu’elle « avance non de manière frontale, mais de biais, comme un crabe ».
Pourquoi ce détour par le Rio de la Plata, le tango et le crabe ? Parce que ce qui se déroule aujourd’hui même sous nos regards interloqués est une illustration très concrète d’une gigantesque réaction de recul et de rétractation environnementale et sociale, face aux changements rapides du monde. En ce mois de novembre 2024, l’ultraconservateur d’extrême droite Donald Trump a surfé, avec un indéniable talent, sur les peurs et angoisses populaires pour reprendre à la volée les clés du Bureau Ovale, à la manière d’un John Wayne, ce vieux héros des westerns étasuniens. Joe et Kamala n’ont pas vu le vent tourner, du moins à temps.
La victoire de cet homme presqu’octogénaire est liée au besoin viscéral de ses concitoyens d’être rassurés face aux bouleversements contemporains. Devant la peur, fût-elle promue, agitée et amplifiée, par ces mêmes populistes virilistes et masculinistes, la rationalité ne compte plus, laissant libre cours à un tombereau de vérités alternatives ou délirantes. Quand la panique survient, on écoute celui qui crie le plus fort, et non le sage.
Le trumpisme : une victoire contre le wokisme ?
Début novembre, à l’annonce de l’élection du Républicain Trump, parmi tous les teckels et pitbulls de l’extrême droite française, le marmouset niçois Éric Ciotti s’est félicité de cette « victoire contre le wokisme », une phrase à la hauteur de celle du Bolloriste agitateur des caniveaux Cyril Hanouna : « C’est une énorme défaite pour le wokisme ». Avec l’élection de l’homme à la mèche jaune, les réactionnaires vivent leur « moment de gloire ». Leurs discours durs, souvent racistes, antiféministes et climatosceptiques, peuvent enfin être débridés. Les émotions liées à la peur et leur manipulation sont leurs meilleurs boutoirs pour enfoncer les grilles démocratiques et pénétrer les lieux de pouvoir (médiatiques et politiques). Leurs méthodes outrancières sont vieilles comme le monde : simplifier au maximum les messages, les répéter à l’envi par le biais de médias complaisants ou acquis à leur cause, désigner des boucs émissaires, mentir et nier. Sans verser dans la loi de Godwin, rappelons que le gourou de la propagande nazie, Joseph Goebbels, l’avait bien compris : « Plus le mensonge est gros, mieux il passe. » Comme le médecin-anthropologue-sociologue Gustave Le Bon (1841-1931) : « On domine plus facilement les peuples en excitant leurs passions qu’en s’occupant de leurs intérêts. » En somme, prendre les citoyens pour des jobards, même s’ils ne le sont pas dans leur immense majorité. Et la recette est aussi simple qu’ancienne : timor, panem et circenses (de la peur, du pain et des jeux – de cirque, à l’époque romaine). Le phénomène a de quoi inquiéter, car cette recette fonctionne du tonnerre !
Combattre l’éveil et la justice : tel est leur projet !
Historiquement, et comme son nom l’indique, le wokisme est un mouvement d’éveil. Le terme « woke » est issu du verbe anglais « wake » (réveiller), pour signifier un état « d’éveil » face à l’injustice. Aujourd’hui, il représente une prise de conscience, un processus de dénonciation des injustices, non seulement raciales, mais plus largement celles faites notamment aux femmes, aux peuples oppressés, et à l’environnement au sens large. Il est le symbole de la dénonciation et de la remise en cause, souvent salvatrice, des situations inacceptables. Raison pour laquelle ce mouvement, comme celui des lanceurs d’alerte et du progressisme en général, est diabolisé par tous les conservateurs, traditionnalistes et bonimenteurs d’extrême droite, qui ne veulent rien voir changer de leur petit monde sclérosé, afin de prospérer sur des troupeaux apeurés et dociles.
Ce vieux monde est donc prêt à faire corps avec les personnages les plus outranciers, les plus menteurs ou agressifs, à l’image de l’agent orange, en passe de devenir le 47ème président de la première puissance mondiale. Que nous le reconnaissions ou non, la planète bleue n’est pas en forme (6 limites planétaires sur 9 sont d’ores et déjà dépassées), et tant le changement climatique que l’effondrement de la biodiversité menacent notre existence même, les injustices se creusent, et les risques de conflits majeurs se diffusent (Ukraine, Taïwan, etc.). Et que proposent ces manipulateurs de haut vol, tant choyés par les apprentis populistes ? De tailler dans les services publics, de monter des milliers de kilomètres de murs et de barbelés, de muscler les nationalismes, de pétarder les réglementations à coups de tronçonneuse (fussent-elles protectrices), comme l’a annoncé le psychopathe Javier Milei en Argentine, d’ostraciser et de fustiger les populations vulnérables, de vénérer les milliardaires libertariens (à l’image de l’icône fantasque Elon Musk), de libérer l’industrie et l’économie de toutes les « contraintes environnementales », pour toujours plus de « croissance » (sur une planète pourtant toujours aussi finie), de développer l’extraction des énergies fossiles (schistes et autres) et la surveillance algorithmique de masse, de remettre simplement en question l’origine anthropique du réchauffement climatique ! En somme, la meilleure recette pour nous déresponsabiliser et nous mater, avant de nous faire grimper, tous en chœur, les marches de l’échafaud du capitalisme sauvage.
Des mensonges toxiques qui asphyxient notre avenir
Il y a pourtant une évidence, qui fait aujourd’hui consensus chez les gens sérieux : si ce mouvement réactionnaire perdure, nous ne survivrons pas : ce n’est qu’une question de temps. Un seul exemple : les experts ne doutent plus que le climat mondial se dirige vers une hausse minimale de la température moyenne de +3,1°C d’ici la fin de ce siècle. L’équivalent d’une fièvre à plus de 40°C pour un malade. La France, même le premier ministre Michel Barnier l’a acté dans son projet de plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), dépassera les +4°C. Cela signifie que les étés dépasseront très souvent les 45 à 50°C, que les grandes sécheresses succèderont aux tempêtes dévastatrices, que nos littoraux seront de plus en plus submergés, et que des populations entières migreront pour survivre, murs ou pas. D’ici seulement 75 ans, et le mouvement a largement démarré. Nous sommes donc concernés, et nos enfants encore davantage. Leurs descendants vivront sur une planète devenue infernale. Au rythme actuel, notre pays se dirige vers une hausse moyenne de +7°C d’ici 2200. Pour donner une idée, la dernière période glaciaire, il y a 20.000 ans, était plus froide de -6°C par rapport à aujourd’hui. Le monde était radicalement différent. Et ici, nous ne parlons pas de 20.000 ans, mais du siècle prochain. Bref, la véritable écologie punitive, pour l’humanité et l’ensemble du monde vivant, est celle de ces néolibéraux décomplexés, et de leur dystopie technosolutionniste, et non celle des authentiques écologistes et environnementalistes.
Face à ce cataclysme en gestation, quelles sont les cibles des néoconservateurs et adeptes du mensonge institutionnalisé, à travers la planète ? Les migrants et leurs enfants, qui se noient en Méditerranée, presqu’à nos portes, les lanceurs d’alerte, les féministes, les non-blancs et les non-hétérosexuels, les écologistes, les animalistes, les … wokistes, tous, peu ou prou qualifiés de dangereux séparatistes ou extrémistes, au besoin criminalisés et placés sous la surveillance des forces de l’ordre (un exemple avec la cellule Demeter de la Gendarmerie nationale). Plus généralement, la vérité, notamment celle factuelle des scientifiques, est placée dans leur collimateur. Une évidence saute aux yeux : leurs combats d’arrière-garde sont tous hors sujet et leurs cibles ne sont pas les bonnes. Comment une telle insincérité peut-elle d’ailleurs convaincre à ce point nos concitoyens ?
Les reculs sont nombreux aujourd’hui : backlash à tous les étages !
Précisément désigné pour faire le sale boulot d’ « apaiseur » du RN, le Vendéen Bruno Retailleau, nouveau ministre de l’Intérieur depuis septembre 2024, a annoncé la couleur : « De l’ordre, de l’ordre, de l’ordre », et « Je n’aurai donc qu’un seul mot d’ordre : rétablir l’ordre. L’ordre dans les rues, l’ordre aux frontières, l’ordre dans les esprits aussi ». Vous avez bien lu : « dans les esprits aussi » ! Allo, Orwell ?
Bien au-delà de la rigidité obsessionnelle de l’ancien dirigeant du complexe de loisirs du Puy du Fou (Bruno Retailleau), les attaques se multiplient : contre l’Etat de droit, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), les mesures climatiques (DPE, ZFE (Zone à Faibles Emissions), plans vélos), la nécessaire neutralité carbone et la fin du moteur automobile thermique, les mesures luttant contre la bétonisation (ZAN : Zéro Artificialisation Nette), la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbains), les normes CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive,pour un reporting extra-financier) dans les entreprises, l’AME et les droits sociaux, baisse des budgets liés à la transition écologique, chute du nombre de fonds d’investissements durables ESG (Environnement, Social, Gouvernance), durcissement du sécuritarisme policier, obstacles aux associations anti-corruption (ex : Anticor), généralisation du lobbying et du greenwashing, échecs répétés des COP climat et biodiversité, etc. Ajoutons que 95% des actifs (530 milliards €) des 11ères banques européennes sont encore liés aux énergies fossiles, et que l’osmose politico-financière fonctionne toujours à merveille, favorisant le lobbying nuisible. Arrêtons-nous là, parce que la liste est longue comme un jour sans pain… Toujours est-il, que les craintes et les angoisses environnementales s’ajoutent à celles d’un déclassement social. D’où le malaise grandissant chez les jeunes et la montée de l’écoanxiété.
Ce recul ne peut être qu’éphémère face aux besoins impérieux de progrès social et environnemental !
Nous l’avons dit : l’Histoire se déplace en crabe, avance ou recule, avant de repartir.
Nous atteignons l’an 2025 et le fond de la piscine ne semble plus très loin. D’ici quelque temps, nous remonterons vers la surface pour, enfin, devenir lucides et réagir face aux grands enjeux de ce siècle. Nolens, volens.
Les reculs actuels sur l’écologie ne résisteront pas aux prochains cataclysmes climatiques et environnementaux, voire aux révoltes sociales. Parce que les catastrophes ne mentent pas : elles nous frappent, sans prévenir et sans haine. Comme en 2020, avec la tempête Alex, ou fin octobre, avec la dépression Dana, sur la région de Valence en Espagne. Ainsi, tôt ou tard, claques après claques, nous finirons par comprendre qu’il est temps d’agir, de ne plus nous cacher derrière notre petit doigt, de ne plus écouter les bonimenteurs, les racistes et autres climatosceptiques, qui ne sont rien d’autre que d’authentiques destructeurs anti-humanistes.
Qui acceptera de « suicider » l’humanité d’ici un ou deux siècles, par manque de courage, égoïsme ou déni ? Nous faisons le pari d’une saine et massive réaction face à l’actuel rebond réactionnaire, du refus de la lâcheté, d’une accélération des prises de conscience. Le progrès humain doit reprendre sa route, en France, en Europe, et à l’échelle des continents. Les oppresseurs en Iran, Afghanistan, Russie, Palestine, etc., doivent être submergés par les Terriens solidaires, dans un vaste mouvement historique de libération et de progrès humain. Si ce n’est pas en 2025, visons 2030…
Une seule condition : que nous nous mobilisions en masse, sans peur mais avec courage et détermination, pour unir nos forces, en tant qu’humains de bonne volonté, contre l’engeance des cyniques.
Viva la vida !