Un aéroport garanti 100% émissif
Quand l’aéroport nous enfume…
Face aux menaces grandissantes du dérèglement climatique, très majoritairement lié aux émissions fossiles (CO2, etc.), il est temps de débunker (démystifier) le greenwashing de l’aéroport de Nice (sous couvert de la société privée des Aéroports de la Côte d’Azur, dite SACA) et de tous ses soutiens politiques et affairistes.
L’affaire peut paraître complexe, mais nous allons tacher d’être clairs. Accrochez votre ceinture, décollage !
Que nous raconte l’aéroport niçois ? En premier lieu, qu’il est le 2ème aéroport français (la médaille d’argent valant mieux que celle de bronze). Faux, il est le 3ème derrière Roissy et Orly, deux aéroports séparés de 35 kilomètres. En somme, c’est une redite un peu pathétique de la fable de La Fontaine « La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf »…
Anatomie d’une énorme tromperie
Les dirigeants de l’aéroport nous disent aussi qu’il est « neutre en carbone ». Evidemment faux. Pourquoi ? Parce qu’il y a une différence majeure entre l’aéroport Nice Côte d’Azur (entité commerciale) et l’aéroport (physique) de Nice, qui voit décoller et atterrir des dizaines de milliers d’avions et d’hélicoptères au fil des mois, sous le nez des habitants. La (mauvaise) ruse consiste à créer une confusion entre les deux. Ce qui est prétendument « neutre en carbone » n’est que l’entité au sol de l’aéroport, comprenant les terminaux, les bâtiments, les avions au sol. En achetant des crédits carbone, la SACA prétend compenser ses émissions au sol, et donc atteindre la « neutralité ». Aucune émission CO2 d’avion et d’hélicoptère en vol n’est donc incluse dans ce label greenwashing Airport Carbon Accreditation, totalement décorrélé de la réalité d’un aéroport. Alors que toutes ses publicités montrent des avions en vol, leurs émissions de gaz à effet de serre et de polluants sont discrètement glissées sous le tapis crasseux. Un enfant de 5 ans comprendrait qu’un aéroport ne peut pas être « propre ».
Escobarderie est le nom exact de cette ruse : « subterfuge, action ou parole équivoque, simulation ou dissimulation adroite destinée à tromper sans mentir précisément ». C’est bien de tromperie dont il s’agit, jouant à plein la carte de la pensée magique. Une tromperie grosse comme un Airbus A380 !
Parlons polluants, justement ! La pub nous dit que l’aéroport de Nice est « 0% émissif, 100% attractif ». Archi faux, et inacceptable compte tenu des impacts sanitaires de la pollution ! Ses émissions de polluants ne cessent d’augmenter dans le ciel niçois. Ce sont plus de 1000 tonnes de polluants qui ont été émises en 2023 par la plateforme niçoise, en cœur de ville. Des tonnes d’oxydes d’azote, de monoxyde de carbone, de méthane, mais surtout de particules fines et ultrafines (PUF), notamment des particules aussi petites que 12 nanomètres (bien plus fines que les particules émises par le trafic routier), les plus dangereuses, puisqu’elles traversent toutes les barrières physiologiques (alvéoles pulmonaires, placenta, barrière hématoencéphalique du cerveau, etc.). Cette quantité 2023 est 78% plus élevée que celle de 2021 (post-covid) et 12,5% que celle de 2022. Donc, en hausse nette. Où est donc le « zéro émissif » ? Si les avions sont individuellement moins polluants (progrès dans la motorisation), ils sont de plus en plus nombreux. C’est ce qu’on appelle un « effet rebond ».
Parlons (très) concret !
Un aéroport consomme du kérosène, du gasoil, des fluides, de l’eau, de l’électricité, et émet des nuisances sonores, et des gaz, beaucoup de gaz. Du CO2 tout d’abord : 140.000 tonnes en 2023, avec les roulages, décollages et atterrissages. Mais c’est encore loin de la réalité.
La SACA, aidée par l’Office du Tourisme Métropolitain (OTM), le Comité Régional de Tourisme (CRT) et les dirigeants locaux (incluant le maire de Nice, Bernard Gonzalez, ancien préfet des Alpes-Maritimes qui a octroyé le permis de construire de l’extension du Terminal 2), s’acharnent à promouvoir le tourisme international.
Voir ce tweet-X ahurissant du maire de Nice, en date du11 octobre 2024, ci-contre…
Cette société est donc pleinement co-responsable de la hausse du trafic et de ses pollutions. C’est ainsi que la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC), sous tutelle du ministère des transports, indique que les émissions globales de l’aéroport de Nice ont atteint 870.000 tonnes de CO2 en 2023 ! Ce volume inclut les émissions des décollages et atterrissages, mais également celles des demi-croisières (la moitié des distances des vols au départ ou à l’arrivée de Nice). 870.000 tonnes équivalent à près de 80% des émissions de la seule ville de Nice (1,1 million de tonnes). Et le million de tonnes devrait être très rapidement dépassé.
Quand on promeut avec ferveur une activité (ce que souhaitent évidemment les actionnaires de la SACA), encore faut-il en assumer les impacts, ce qu’on appelle les « externalités négatives » ! Ces émissions CO2 demi-croisière, dites indirectes, sont plus que « significatives ». Or les « émissions significatives » doivent être réglementairement incluses dans le périmètre opérationnel des organisations, puisque le trafic international est un « processus physique nécessaire à son activité » (source : « méthode (gouvernementale) pour la réalisation des bilans d’émissions de gaz à effet de serre »).
L’aéroport de Nice émet 86 fois le poids de la Tour Eiffel en CO2 chaque année
Des tonnes qui réchauffent un peu plus l’atmosphère terrestre chaque année… Pour mieux visualiser, une voiture est frappée de malus si elle émet plus de 118 grammes de CO2 par kilomètre. A comparer aux 870.000.000.000 grammes de CO2 (870 milliards) émis par l’aéroport de Nice en un an…
Les émissions de polluants et de CO2, en hausse, vont encore augmenter
Les émissions de l’aéroport ont ainsi augmenté de 13% depuis l’an 2000. Alors que les avions sont moins gourmands en kérosène. Mais alors, pourquoi cette hausse ? L’explication est en fait assez simple. Les promoteurs du développement du tourisme international[1] prospectent en Asie, aux Amériques et au Moyen-Orient, pour attirer sur la Côte d’Azur de riches touristes (question du panier moyen de dépenses). Ce que Christian Estrosi appelle le « tourisme choisi », très éloigné du tourisme social et équitable… Voir à ce sujet notre dernier article.
Conséquence directe de cette politique : la distance moyenne des demi-navigations aériennes a cru de +69% entre 2000 et 2023 (de 508 km à 857 km), en phase avec la stratégie volontariste de prospection commerciale en Asie ou outre-Atlantique des OTM et CRT de notre territoire. Ce phénomène, doublé d’une forte hausse du nombre de passager (+51% depuis 2000), explique l’augmentation nette constante des RPK (Revenue Passenger Kilometer = total des passagers payants multiplié par la distance parcourue en kilomètres). Cette hausse induit donc, nécessairement, celle des émissions de CO2 du trafic aérien de l’aéroport niçois. Une hausse qui sera encore amplifiée par la stratégie marketing et les projets en cours (extension T2.3, etc.).
Il existe même une corrélation directe entre le nombre de passagers et les émissions CO2 du ressort de l’aéroport de Nice. Le schéma ci-après le démontre clairement.
Or le dossier officiel de la SACA précise que cette extension permettra d’augmenter le trafic passager de +50% d’ici 2030 (de 14,3 millions à 21,6 millions). On peut donc en déduire que les émissions CO2 de l’aéroport vont exploser dans les 5 prochaines années. Précisons d’ailleurs que l’étude d’impact de ce dossier a été jugé viciée par la Cour administrative d’appel de Marseille en décembre 2023, mettant en exergue l’illégalité du permis de construire.
Un combat citoyen contre un projet ringard, climaticide et dépassé
Vous comprendrez donc pourquoi, depuis 5 ans, le Collectif Citoyen 06 soutient activement l’association France Nature Environnement 06, précieuse requérante dans le cadre du recours judiciaire visant à faire annuler le permis de construire de l’extension T2.3 de l’aéroport de Nice, signé en 2020. Ce recours est actuellement entre les mains expertes de la Cour administrative d’appel de Marseille, mais aussi du Conseil d’Etat. Les choses pourraient donc enfin bouger en 2025.
Si vous souhaitez apporter votre contribution au combat des citoyens engagés contre ce projet climaticide (car les frais sont importants), c’est ici, et nous vous en remercions par avance (et c’est défiscalisable à 66%) !
Oui, grâce à votre soutien, nous pouvons remporter ce combat !
[1] Le maire de Nice Christian Estrosi, le directeur de l’aéroport Franck Goldnadel, le CRT (François de Canson), l’OTM (Rudy Salles et Jean-Sébastien Martinez), de Côte d’Azur France Tourisme (Alexandra Borchio Fontimp), et tant d’autres (président de la région PACA Renaud Muselier, etc.).