Le vrai du faux ? Quand l’aéroport de Nice continue de brouiller les pistes !
La société privée des Aéroports de la Côte d’Azur étant coutumière de désinformations, dont certaines sont qualifiables de tromperies commerciales, la société civile et de nombreux experts se lèvent à présent pour les dénoncer. Acculée dans ses contradictions et incohérences, elle a récemment tenté, encore une fois, de faire diversion, en prétendant démêler « le vrai du faux » sur son site Internet : ici.
Dans cet article, nous y répondons point par point : en rouge dans le texte. A notre tour de démêler le (vraiment) vrai du (vraiment) faux…
Texte de l’aéroport (et commentaires du collectif citoyen 06 en rouge)
Connaissez-vous vraiment les Aéroports de la Côte d’Azur ?
L’ADAPTATION DU TERMINAL 2
Notez que le terme « adaptation » s’est substitué à celui d’ « extension ».
Le terme « extension » induisant l’idée d’une hausse de trafic, l’aéroport de Nice a préféré, récemment, celui d’ « adaptation ». Devinez pourquoi…
1- C’EST FAIT POUR AUGMENTER LE TRAFIC DES PASSAGERS ?
FAUX : la logique est tout inverse. Dans les faits, l’aéroport Nice Côte d’Azur dispose pour l’ensemble de ses terminaux d’une capacité d’accueil optimale de 14 millions de passagers par an. Et, sous condition d’une nette dégradation de sa qualité de service, il peut aller jusqu’à 17 millions. En 2019, le trafic passagers a dépassé les 14 millions, avec des pics de saturation qui se sont traduit par des files d’attentes et des engorgements inconfortables.
Par ailleurs, les prévisions de trafic, indépendantes de l’aéroport, estiment toutes que le trafic va continuer de croître, nécessitant une adaptation des infrastructures pour accueillir environ 30% de voyageurs en plus. L’adaptation du terminal 2 n’est donc pas faite pour augmenter le trafic, mais pour préserver la qualité de service en prévision d’une hausse du nombre de personnes à traiter. C’est un peu comme un directeur d’école qui verrait la population par classe devenir trop élevée pour garantir la qualité de l’enseignement : il anticipe et cherche à ouvrir une ou deux classes en plus.
L’aéroport prétend que cette affirmation est fausse. Elle est pourtant tout à fait juste. L’étude d’impact officielle (Ingérop) de la société ACA (page 123) précise que ce projet permettra bien d’augmenter le trafic passager de sa capacité actuelle de 17 millions à 21,6 millions d’ici 2030, soit une hausse de 7,1 millions depuis 2019.
Noter que cette étude d’impact Ingérop constitue l’une des pièces officielles du recours en justice.
2- ÇA VA AUGMENTER LE TRAFIC AÉRIEN DE 50%, AVEC TOUTES LES NUISANCES ASSOCIÉES !
FAUX : prenons la période allant de 2012 à 2023. Au cours de cette décennie, le trafic passagers a augmenté de 27,2% au sein des terminaux 1 et 2, soit la variation que permettrait, à terme, l’adaptation du terminal 2. Au cours de la même période, le trafic avion a baissé, passant de 110 924 mouvements par an en 2012 à 107 404 en 2023 (-3,17%).
Ceci s’explique par le fait que la croissance du transport aérien est tirée par les compagnies low-cost qui optimisent le remplissage des avions, avec des modèles pouvant embarquer plus de passagers.
A noter également que ces compagnies sont dotées des modèles d’aéronefs les plus récents et donc les moins émissifs. De l’ordre de 2,5 L/100km par siège. Si le trafic passagers continuent de croître de 2% à 3% par an, le trafic avions ne devrait donc pas évoluer trop fortement, les deux tendances n’étant pas corrélées.
Procédé malhonnête : personne n’a jamais affirmé que le trafic aérien augmenterait de 50%. En revanche, c’est bien le cas du trafic passager, entre 14,5 millions (2019) et 21,6 millions (2030). Ces données viennent du dossier de la SACA. En revanche, cette hausse du trafic passager devrait induire une augmentation de +20.000 vols par an d’ici 2030.
Plusieurs approches de calcul convergent vers cet ordre de grandeur.
3- LA CÔTE D’AZUR VA SOUFFRIR DE SURTOURISME !
PAS TOUT À FAIT : si le volume de passagers devrait continuer de croître, il est abusif de parler pour autant de surtourisme. Tout d’abord, 40% des voyageurs sont des résidents azuréens, ce qui n’a donc aucun impact sur le volume de touristes. Ensuite, 11% du trafic est constitué de voyageurs fréquents, qui réalisent essentiellement des séjours pour des raisons professionnelles.
Ces voyageurs présentent plutôt l’intérêt de soutenir l’activité hôtelière tout au long de l’année. Enfin, et cela rejoint le point précédent, la stratégie du territoire azuréen, au service de laquelle l’aéroport de Nice travaille, est justement de désaisonnaliser le trafic aérien pour lisser tout au long de l’année l’activité touristique.
Ainsi, si le volume de visiteurs est plus important en année pleine, la croissance se fait essentiellement sur les mois creux, au bénéfice là encore des infrastructures touristiques.
Ajoutons à cela que 70% des touristes se rendent sur la Côte d’Azur en voiture ou en train.
C’est pourtant tout à fait le cas : le trafic aérien à Nice repose à 65% sur le trafic international, et toutes les campagnes promotionnelles (ex : « Winter is the New Summer ») de la SACA, des Tour-Opérateurs et des comités de tourisme visent la clientèle étrangère. Ce sont donc bien majoritairement des millions de touristes internationaux qui alimenteront la hausse de trafic.
Par ailleurs, l’étude de mobilité Ingérop de la SACA (page 6) précise que la part modale actuelle d’usage de la voiture (voiture personnelle, accompagnement, location, taxis) pour accéder à l’aéroport est de 76,1%. 7 millions de passagers supplémentaires engendreront donc une hausse de millions de déplacements en voiture sur Nice et ses environs.
4- C’EST ENCORE DE L’ARTIFICIALISATION DES SOLS !
FAUX : cette adaptation se situe sur une zone déjà artificialisée et partiellement construite.
Ajoutons qu’elle n’implique aucune adaptation des ressources aéronautiques (parkings avion, piste, taxiway…) Il ne s’agit que d’un bâtiment de 9 900 m² au sol, en prolongement d’un bâtiment existant et sur une zone déjà viabilisée.
Ce nouveau et imposant bâtiment (25.000 m2, sous la forme de deux modules : ressources et darse) va alourdir l’artificialisation des sols, à grande proximité d’une zone naturelle protégée (Natura 2000) en pleine zone inondable. Une telle installation aura nécessairement un impact sur les flux d’eau en cas d’inondation sur la zone.
5- CE PROJET A-T-IL ÉTÉ PENSÉ SELON DES CONSIDÉRATIONS ENVIRONNEMENTALES !
EXACT : outre l’étude d’impact environnemental qui a été réalisée par un cabinet indépendant, tout le chantier est soumis à des règles strictes afin de limiter les nuisances. Ainsi, un ingénieur environnement s’assure du respect des consignes environnementales auprès de l’ensemble des intervenants du chantier.
Un écologue est aussi attaché au projet, qu’il suit de bout en bout pour s’assurer que toutes les règles et consignes sont respectées. Parmi celle-ci, relevons celle qui interdit tous travaux bruyants ou vibratoires lors de la période de nidification des oiseaux présents dans la zone Natura 2000 de la plaine du Var. Une contrainte qui ne souffre aucun écart.
La dite « étude d’impact » a pourtant été retoquée dans la décision du 14 décembre 2023 de la Cour Administrative d’Appel de Marseille, évoquant un « vice », s’agissant de l’étude d’impact, frappant l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 13 janvier 2020. La CAA a ainsi demandé sa révision sous 12 mois, par le biais d’une « nouvelle étude d’impact prenant en compte l’augmentation potentielle du trafic aérien du fait de l’augmentation de la capacité opérationnelle de l’aérogare résultant du projet, et le cas échéant son impact sur l’environnement et la santé humaine ».
POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE
1- LES AÉROPORTS POLLUENT DE PLUS EN PLUS !
INEXACT : si l’on parle des émissions d’un aéroport, on doit considérer celles qui sont sous sa responsabilité directe. C’est-à-dire celles des scopes 1 et 2 : émissions générées par les infrastructures, les activités directes, les trajets domiciles-travail des collaborateurs… Sur ces deux scopes, les Aéroports de la Côte d’Azur ont engagé un programme de décarbonation volontariste dès le début des années 2010.
En 2020, le Groupe s’est même engagé à parvenir à la neutralité carbone sans compensation dès 2030. Aujourd’hui, l’aéroport Nice Côte d’Azur a déjà réduit de plus de 85% ses émissions directes, en agissant sur divers leviers : approvisionnement en énergie électrique verte d’origine française, suppression des chaudières à gaz, réduction de ses consommations, remplacement autant que possibles des véhicules thermiques par des véhicules électriques… C’est grâce à ces efforts continus que le Groupe a été le premier de France à obtenir l’Airport Carbon Accreditation (ACA) niveau 3+, en 2019, puis l’ACA 4+ en 2022. Ce dernier niveau, le plus exigeant, atteste non seulement que les aéroports réduisent drastiquement leurs émissions résiduelles, indépendamment du trafic passagers, mais encore qu’ils participent à la réduction des émissions du transport aérien, pourtant en dehors des scopes 1 et 2.
On peut donc en conclure que les Aéroports de la Côte d’Azur, quel que soit le niveau de trafic, émettent de moins en moins de gaz à effet de serre et qu’en plus ils agissent concrètement pour réduire les émissions du transport aérien.
Oui, l’aéroport de Nice pollue de plus en plus ! La SACA tronque totalement la réalité, et ne prend en compte aucune émission des avions dès lors que leurs roues ne touchent plus le sol. L’aéroport de Nice émet pourtant des tonnages croissants de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre. Selon les relevés officiels de l’AASQA AtmoSud, les émissions locales de CO2eq de l’aéroport (LTO : décollages et atterrissages) sont passées de 120.000 tonnes en 2010 à près de 148.000 tonnes en 2019 (avant-Covid), soit +23%. Si l’on intègre les émissions demi-croisières imputables à l’aéroport de Nice (cf. données AtmoSud et DGAC), le tonnage est passé de 708.600 tonnes en 2010 à 928.500 tonnes en 2019, soit +31%.
Concernant les polluants atmosphériques (NOx, CO, SO2, PM10, PM2,5, COVNM, N2O, CH4), leur tonnage annuel global sur la plateforme niçoise (périmètre LTO) est passé de 1.943 tonnes à 2.369 tonnes, soit +21,9%.
Alors que la SACA affirme que son trafic aérien est en diminution et que les avions sont de moins en moins émetteurs, comment peut-elle expliquer ces hausses massives d’émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, qui plus est en plein cœur d’une zone urbaine très peuplée ? Ce qui est en totale contradiction avec son slogan publicitaire « aéroport 100% attractif et 0% émissif » !
2- LES AÉROPORTS PEUVENT AGIR SUR LA RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DES AVIONS !
VRAI : évidement, les aéroports ne sont pas des motoristes et leurs marges de manœuvre pour réduire les émissions du transport aérien sont limitées. Mais elles existent et les Aéroports de la Côte d’Azur interviennent autant que possible, sur l’ensemble des leviers, pour améliorer le bilan carbone des trajets en avion.
Ainsi, en interdisant l’utilisation des moteurs auxiliaires pendant les escales et en imposant le branchement des avions, commerciaux ou d’aviation générale, à des prises électriques, les aéroports agissent pour réduire les émissions et la gêne sonore. De même, en collaborant avec le Service de la Navigation Aérienne pour mettre en œuvre des trajectoires plus efficaces, les aéroports réduisent encore les émissions aériennes sur le cycle « landing and take-off » (LTO), le plus émissif d’un trajet en avion. Enfin, en anticipant l’arrivée des nouveaux carburants (SAF, hydrogène, électricité…), en en faisant la promotion et en préparant la mise à disposition de ces ressources, les aéroports prennent leur part de responsabilité dans l’émergence de l’aviation de demain, moins dépendante des énergies fossiles.
Toute l’ambiguïté de la SACA apparaît ici. Elle prétend ne pas être responsable des avions en vol, alors que son marketing agressif a pour seul but de faire venir des touristes du monde entier dans son aéroport, tout en affirmant collaborer avec la DSNA pour optimiser leurs trajectoires. Concernant les émissions des moteurs auxiliaires (APU) au sol, ceux-ci n’émettent que 13% des émissions LTO et 2% des émissions totales imputables à l’aéroport. L’impact de ces actions ne peut donc être que très limité.
Quant à l’« émergence de l’aviation de demain », tous les experts indépendants s’accordent à dire que les avions « propres » ne seront pas au rendez-vous de l’urgence climatique, du moins pas avant l’horizon-clé de 2050 à échelle mondiale. Il sera alors trop tard…
3- L’AIRPORT CARBON ACCREDITATION (ACA), C’EST BIDON !
FAUX : ce label a été conçu pour répondre spécifiquement aux enjeux des aéroports en matière de décarbonation de leurs activités. Ceci explique qu’il ait été conçu, dès 2009, sous l’égide de l’ACI Europe, l’organisme représentatif des aéroports européens, avant d’être adopté par leurs homologues du monde entier.
Mais ce label est délivré, en toute indépendance et après un examen minutieux des dossiers par WSP, l’une des principales entreprises de service en ingénierie au monde. Il est donc erroné de croire que ce label a été conçu par les aéroports pour pouvoir leur être délivré sans réelle contrepartie. Il existe d’ailleurs aujourd’hui encore peu d’aéroports dans le monde à avoir atteint les plus hauts standards d’exigence environnementale de ce label.
Oui, ce label est bidon ! Il a été créé par le lobby européen de l’aviation commerciale ACI Europe, et est emblématique du greenwashing aérien. L’aéroport de Nice compense moins de 1.000 tonnes de CO2eq par an, alors que son périmètre global d’émissions CO2 approche le million de tonnes par an ! Sa compensation est donc de l’ordre que de 0,1% de son scope d’émissions.
4- LES AÉROPORTS RECÈLENT DES TRÉSORS DE BIODIVERSITÉ !
EN PARTIE : les aéroports représentent un vaste espace naturel où faune et flore peuvent s’épanouir grâce à une moindre interaction humaine : pas de piétinement, pas de déchets… On y trouve ainsi tout un écosystème qui s’équilibre et se régule. Des lapins, des renards, des escargots, des oiseaux, mais aussi des plantes variées et parfois même des espèces rares et protégées.
Les Aéroports de la Côte d’Azur travaillent avec l’association Aéro Biodiversité, qui les aide à recenser et à préserver les espèces présentes sur leurs terrains. Ce travail conjoint a permis de mettre en œuvre de bonnes pratiques pour garantir une bonne cohabitation entre la nature et le transport aérien. L’Aéroport du Golfe de Saint-Tropez a ainsi reçu, au printemps 2023, le label de l’association Aéro Biodiversité qui vient « sanctionner une approche vertueuse des plateformes pour la défense et l’amélioration de la biodiversité, tout en leur permettant de devenir des acteurs de la diffusion des enjeux de la biodiversité », selon les termes de François Bouvier, président du Comité scientifique de l’association, attaché honoraire au Museum national d’Histoire Naturelle.
Avec près de 180.000 mouvements aériens (commerciaux (passager et fret) et non-commerciaux, avions et hélicoptères), soit 500 par jour en moyenne, l’activité de l’aéroport de Nice, sur la zone littorale, et à proximité immédiate de la zone Natura 2000 de l’embouchure du Var (doublée d’une ZNIEFF : zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique), ne peut avoir qu’une incidence importante sur la biodiversité.
5- LES TRAJECTOIRES NE SONT PAS PENSÉES POUR LES RIVERAINS !
FAUX : si l’on ne peut pas tout faire, puisqu’il faut tenir compte des contraintes technologiques et météorologiques dans le but d’assurer la sécurité qui reste notre priorité , travailler les trajectoires d’approche et de décollage pour réduire au maximum les nuisances sonores pour les riverains est un des principaux axes de travail des Aéroports de la Côte d’Azur.
A Nice, par exemple, le survol d’Antibes en phase d’approche, longtemps dominant, est aujourd’hui largement minoritaire (environ 16% des mouvements par an), grâce à un travail avec les services de l’Etat et les compagnies pour mettre en place une trajectoire de contournement au large du cap d’Antibes. De même pour les phases de décollage, depuis le printemps 2022, les avions doivent effectuer une montée plus rapide, réduisant leurs trajectoires et donc leurs émissions, et franchir le trait de côte à une hauteur minimale de 2 100 mètres, contre 1 800 auparavant, réduisant les nuisances sonores. En moyenne, les avions franchissent d’ailleurs le trait de côte à 3 300 mètres.
Toutes les analyses croisées mènent à la prévision d’une hausse approximative de +20.000 mouvements annuels liée au projet d’extension du T2. Ces mouvements engendreront mécaniquement davantage de nuisances sonores, facteur environnemental impactant le plus la santé publique, après la pollution de l’air. Facteur aggravant : l’aéroport de Nice est un aéroport urbain, proche d’autres sources importantes de bruit (autoroute A8, voie Mathis, etc.).
La Cour administrative d’appel de Marseille a d’ailleurs jugé ce point, exigeant de la SACA qu’elle refasse intégralement son étude d’impact en prenant en compte les impacts environnementaux et sanitaires dus à l’explosion prévisible de vols permise par son extension.