Hypocrisie maximale autour de l’aéroport de Nice (de l’aviation et du tourisme)
Tôt ou tard, les responsables de la hausse des émissions CO2 devront rendre des comptes devant la Justice de la République et devant les citoyens.
Sur l’aéroport de Nice, pleins gaz sur les tromperies !
Qui peut encore nier que la question climatique devient très importante et sérieuse, et qu’elle va prendre une tournure catastrophique dans les années à venir si rien de sérieux n’est entrepris pour freiner fortement nos émissions de gaz à effet de serre ?
Or c’est exactement le contraire qui se déroule sous nos yeux ! Contrairement aux communications tonitruantes du maire de Nice, Christian Estrosi, les émissions de sa métropole Nice Côte d’Azur ne baissent qu’à la marge : la baisse annuelle moyenne n’est que de -0,95% par an depuis 2010 (jusqu’en 2019, avant le Covid). Et si l’on intègre les émissions additionnelles (AtmoSud) des demi-croisières aériennes et maritimes, les émissions de la métropole NCA augmentent même de +0,3% par an depuis 2010… Pour rappel, le GIEC recommande une baisse annuelle des émissions proche de -5% pour respecter l’Accord de Paris, et ne pas dépasser les +2°C d’augmentation de la température moyenne à l’horizon 2100. En d’autres termes, la métropole niçoise n’est pas du tout dans les clous ! Et ce ne sont pas ses quelques extensions de parcs urbains qui vont inverser le mouvement…
Où est son problème majeur ? Il est à chercher en particulier du côté de l’aéroport de Nice. Les émissions CO2 du secteur résidentiel (2ème facteur local d’émissions) ont baissé de -30% entre 2010 et 2019, ce qui est un résultat remarquable dans le contexte. Mais dans la même période, l’aéroport a augmenté les siennes de +23% (et +31% si l’on intègre les demi-croisières de son ressort) ! Très concrètement, le résidentiel a baissé ses émissions annuelles de -125.000 tonnes CO2e, et l’aéroport les a augmentées de +220.000 tonnes (et encore de 27.000 tonnes en local LTO). Ces chiffres ne sont pas des fake news : ils sont issus de l’AASQA Atmosud (base Cigale).
Le secteur aérien ruine le plan climat de Nice
Si l’aéroport de Nice avait stabilisé ses émissions au niveau de 2010 (avec les demi-croisières), la métropole de Nice aurait baissé ses émissions de -7% au lieu de les augmenter de +2,6%. Autrement dit, l’avion plombe totalement le plan PCAET de Christian Estrosi, qui nous promet encore de réduire ses émissions de -55% d’ici 2030. Une énorme mascarade.
Pourquoi est-ce une tromperie ?
Il existe en fait deux tours de passe-passe tout à fait inacceptables, qu’il faut dénoncer avec force.
Le premier tour : depuis l’octroi du permis préfectoral en 2020, autorisant le projet d’extension du Terminal 2 de l’aéroport de Nice, la société gestionnaire (Aéroports de la Côte d’Azur (ACA), dirigée par Franck Goldnadel, au nom de ses actionnaires) ne cesse de répéter devant les cours de justice administrative que l’aéroport ne fait que répondre aux besoins des compagnies, sur le principe de la délégation de service public (DSP). Or, il faut être aveugle pour ne pas voir que la même société passe son temps à promouvoir les vols internationaux, sur son site Internet, comme sur les réseaux sociaux, dans ses campagnes de mailing ou dans les médias. La société ACA travaille donc très activement à la hausse du trafic, dans le but évident d’accroître son EBITDA et ses bénéfices.
Le deuxième tour : comme pour se cacher encore un peu plus derrière son petit doigt, la société ACA prétend que son aéroport est « 100% attractif et 0% émissif », alors qu’il émet autour de 150.000 tonnes de CO2 par an sur la plateforme de Nice et près d’un million de tonnes avec les demi-croisières, sans compter les 2.370 tonnes de polluants atmosphériques (particules fines et ultrafines, extrêmement toxiques, NOx, SO2, CO, COVNM, etc., chiffres 2019), qui tuent de nombreux concitoyens sur notre territoire.
Sans compter non plus les émissions sonores, de vraies nuisances à l’origine d’importants problèmes de santé publique (stress, troubles cardiovasculaires et mentaux, maladies métaboliques, baisse des capacités d’apprentissage chez les enfants, etc.).
« Mieux », la société ACA vante sa « neutralité carbone », grâce à un label greenwashing (Airport Carbon Accreditation, fondé par le lobby européen de l’aviation commerciale ACI).
Comment ? Parce que l’aéroport de Nice promeut le trafic aérien mais réfute la moindre de ses émissions : « C’est pas nous, ce sont les compagnies aériennes qui émettent ! »… Les émissions des avions ne sont pas comptabilisées par l’aéroport, dès que leurs roues sont en l’air. Encore une énorme mascarade, et une tromperie commerciale judiciairement condamnable !
Mais l’aéroport de Nice n’est pas le seul à tromper son monde…
Non, loin s’en faut. Tout le sérail économique local profite de l’aubaine. Pensez donc : le panier moyen du touriste international fait tourner les têtes, celles des politiques aveuglés, des hôteliers-restaurateurs, des comités de tourisme ! Tout est fait pour faire venir sur la Côte d’Azur des foules d’Américains, de Japonais et de Chinois. Dernière invention : la nouvelle campagne touristique « Winter is the New Summer », lancée le 5 octobre 2023 par Estrosi et ses alliés promoteurs du surtourisme local. Notez le cynisme de la campagne : venez à Nice, puisque grâce au réchauffement climatique, l’hiver est aussi agréable que l’été…
Sur la Côte d’Azur, la perspective de l’argent facile et des chiffres d’affaires en hausse étouffe littéralement la nécessaire lutte collective contre les émissions de gaz à effet de serre.
Tandis qu’il est demandé aux citoyens, et notamment aux Maralpins, de covoiturer ou de prendre les transports en commun, et de manger moins de viande, afin de baisser vertueusement leurs émissions CO2, l’ogre touristique augmente toujours les siennes, dans une débauche de centaines de millions d’euros sonnants et trébuchants.
La grenouille, trop gourmande, finira par éclater
A trop en vouloir, l’aviation court clairement à sa perte, telle « la Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf » de La Fontaine. L’aéroport mise son expansion sur son projet d’extension, qui le mettra en capacité d’accueillir 7 millions de passagers supplémentaires (par rapport à aujourd’hui), soit +20.000 vols annuels au-dessus des habitants maralpins. Autant dire que les émissions totales de l’aéroport dépasseront largement le million de tonnes de CO2 par an, soit autant que l’ensemble des émissions CO2 de la ville de Nice.
Cette situation est évidemment intenable. Elle mènera tôt ou tard à un sursaut de l’opinion publique et des autorités. Elle entraînera aussi des mises en examen et des condamnations pour tromperies et actions climaticides. Les responsables de ces mascarades finiront par rendre des comptes. Nous en sommes certains.
Comme de nombreux collectifs en France et en Europe, nous demandons en premier lieu un plafonnement du trafic aérien, avant d’envisager une baisse substantielle du trafic.
A bon entendeur, salut !
Post-Scriptum : le recours en annulation du projet d’extension, porté par FNE 06 et soutenu par l’Alliance Ecologique et Sociale 06, poursuit son cours devant la Cour Administrative d’Appel de Marseille et devant le Conseil d’Etat à Paris (photo copyright CC06).
Nul doute que ce recours changera une partie de la donne (par jurisprudence). Notamment pour la dizaine d’autres projets d’extension en cours actuellement en France. Si vous souhaitez aider d’un don défiscalisable (à 66%), c’est ici ! Merci d’avance.