Le Soleil est en panne dans le Sud !
« Ici en Région Sud, tout commence. Tout est possible. Synonyme de rayonnement national et international, de force tranquille et d’énergie, notre Région Sud sourit aux autres ! » Renaud Muselier, président de la Région PACA, président délégué de Régions de France.
Notre région préfère le rayonnement touristique au rayonnement solaire
Avec son slogan kitch « Le Soleil se lève au Sud », ou celui, provocateur (et fallacieux) « Gardons une COP d’avance », Renaud Muselier évoque répétitivement le « rayonnement » de la région PACA, et Christian Estrosi fait de même avec sa métropole niçoise. Mais ils ne parlent visiblement pas du « rayonnement solaire » !
Depuis des décennies, la région PACA, le département des Alpes-Maritimes et la métropole Nice Côte d’Azur se sont en effet totalement désintéressés des photons solaires, dans la région pourtant la plus ensoleillée de France (plus de 2700 heures par an) : c’est hallucinant, mais la Côte d’Azur ne tire aucun avantage énergétique de son Azur, préférant certainement l’odeur du fuel et les tours réfrigérantes des centrales nucléaires (mais à distance)…
Vous voulez du concret ? Alors, accrochez-vous ! La région PACA a consommé en 2021 autour de 172 térawatts-heure (TWh)[1] d’énergies finales (électricité, essence, charbon, kérosène, etc.). 1 TWh représente 1000 milliards de watts-heure. Et elle n’a tiré du Soleil que 2315 GWh, soit 1,3% de sa consommation totale (source)…
Si l’on observe la puissance électrique solaire installée, la région PACA aligne une puissance faible de 1650 mégawatts (contre 3250 en Nouvelle-Aquitaine). 1 MW représente 1 million de watts (un fer à repasser nécessite une puissance de 1500 watts).
Dans le Sud, on aime juste le Soleil pour bronzer sur la plage
C’est même bien pire dans les Alpes-Maritimes (86 GWh d’énergie solaire) et la métropole niçoise (35 GWh), au cœur de la Côte d’Azur, où ces taux d’énergie solaire chutent respectivement à 0,4% et 0,3% (soit 1 part sur 330 consommées)… Des chiffres quasi stables depuis dix ans : l’électrocardiogramme est plat. Ajoutons que le plan climat de la métropole NCA s’est engagé à une réduction des consommations d’énergies finales de -18% d’ici 2026 (vs 2012), or elles ont augmenté de plus de 5% entre 2012 et 2019 (pré-covid) ! Survoltage sur toute la ligne. Ce qu’on peut appeler un authentique échec énergétique.
Si l’on compare les parts d’énergie solaire, entre le photovoltaïque et le thermique (capteurs et chauffe-eau), le photovoltaïque représentait, en 2021, respectivement 92% sur la région PACA, 53% sur les Alpes-Maritimes et 47% sur la métropole niçoise. Rappelons que pour chauffer de l’eau, il est largement préférable de passer par du solaire thermique (technologie plus simple) que par du PV, question de rendement.
Notre département, ainsi que la métropole niçoise, sont donc de mauvais élèves dans une région déjà en retard en comparaison à la moyenne française, qui elle-même est mal classée en Europe.
Est-ce le prix d’une vision de l’énergie très nucléarisée en France ? Pourquoi un tel retard sur le territoire maralpin ? Plusieurs raisons : une densité de constructions très élevée, mais surtout un manque criant de conscience et de volonté de nos dirigeants publics, trop occupés à courir après l’attractivité et le tourisme de masse.
Mais pourquoi miser sur l’énergie solaire ?
Parce que notre département connaît peu de vent (potentiel éolien faible), la géothermie reste coûteuse, la biomasse n’est encore qu’au stade expérimental et l’énergie hydraulique (barrages) est déjà exploitée à grande échelle et pourrait lourdement souffrir des sécheresses à venir. Il reste donc le Soleil, qui devrait encore dispenser sa colossale énergie plusieurs milliards d’années…
Afin de limiter au plus vite le réchauffement climatique, notre région, comme toutes celles du continent européen ou du monde, doivent miser sur les énergies renouvelables (EnR). En France, la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) a pour objectif de passer d’environ 20 gigawatts (GW) en 2023, à un minimum 35 GW (2028) d’énergie électrique solaire (à comparer aux 61 GW du parc nucléaire actuel). L’électricité, en France, est issue à 63% du nucléaire, à 11% de l’hydraulique, à 11% du thermique, à 9% de l’éolien, et … 4% de l’énergie solaire. Il y a donc encore beaucoup, beaucoup de photons à récupérer…
Le photovoltaïque (PV), c’est fiable et rentable ?
Aujourd’hui, la technologie PV est tout à fait mature, maîtrisée et disponible.
Les progrès ont été très importants : le rendement est passé de 0,5% dans les années 1950 à environ 20% de nos jours (le multi-couches de semi-conducteurs différents l’améliore encore). Les cellules à base de silicium purifié est recyclable à 95%. Le prix du PV a été divisé par 10 en seulement 10 ans (sans compter les aides et primes de l’Etat), et la durée de vie est passée de 15 à 30 ans… C’est tout bénéf’ !
On peut implanter des installations PV sur des habitations individuelles ou collectives, ou encore sur des sites de production. Pour les premières, la loi a évolué : la loi du 24 février 2017 autorise l’autoconsommation sur les logements individuels et collectifs, et des communautés virtuelles de producteurs peuvent être créées dans un périmètre de 2 km à des fins d’autoconsommation collective. Pour une famille de 4 personnes (besoins électriques hors chauffage), une surface de 20 m2 de panneaux PV peut fournir 5 MWh d’énergie.
Pour les sites de production, il faut compter autour de 5 ans pour monter un projet de centrale solaire jusqu’à sa mise en œuvre opérationnelle. Pour donner une idée, pour dégager 1 GW de puissance solaire, il faut une emprise au sol de 1000 hectares, dont la moitié couverte de modules PV. Ainsi, 1000 km2 suffiraient pour produire une puissance solaire de 100 GW (cible 2050, selon la loi APER du 10 mars 2023), soit plus de 1,5 fois la puissance nucléaire actuelle. Et 1000 km2 ne représente « que » 0,2% de la superficie de la France métropolitaine.
Il paraît évident qu’il faut tout faire pour éviter l’arasement de zones naturelles, comme des massifs forestiers, pour installer de telles centrales. Deux pistes :
- Les zones déjà artificialisées : aires industrielles, friches, toits, parkings (ombrières)
- Les zones agricoles (agrivoltaïsme) ou aires de pâturage : ombrières de culture, canopées doublées d’un système d’irrigation intelligent, avec une hauteur sous panneaux de plusieurs mètres, permettant le passage des véhicules agricoles. Ces équipements peuvent permettre de protéger les cultures de la grêle, mais aussi des effets de la canicule en limitant l’évapotranspiration et l’irrigation, ou encore en mettant à l’abri les cheptels d’animaux.
Certains projets, comme celui de la centrale photovoltaïque de Monaco à Levens, sont sujets à contestation, pour des raisons environnementales. Le 2 janvier 2024, la commissaire enquêteur a remis « un avis défavorable au projet de construction d’une centrale photovoltaïque sur le site du Mont Arpasse, en commune de Levens. » (source). Avis ici. Sujet à suivre de près.
Tout n’est pas encore rose dans l’énergie verte
Même si un élan semble donné, il reste que d’importants problèmes subsistent. Citons-en deux principaux, qu’il va falloir prendre à bras le corps :
- Un cruel manque de compétences et de personnel qualifié pour les installateurs, et des difficultés d’obtention du label RGE (reconnu garant de l’environnement).
- Une grande dépendance à la Chine, producteur de 85% des cellules PV achetées en France, contre 1,3% pour l’Europe. Heureusement, des projets émergent en France, comme celui de la société Carbon à Fos-sur-Mer, avec une unité de production de 60 hectares.
Un électrochoc solaire est attendu dans les Alpes-Maritimes et en PACA !
Premier point : La Métropole Nice Côte d’Azur est une péninsule, en termes d’autonomie alimentaire (1% d’autonomie) et énergétique (6,1% d’EnR produites localement en 2021). Nous sommes donc clairement en situation de grande vulnérabilité. Il faut REAGIR !
Ensuite, face à la crise climatique, et à l’inflation importante des prix de l’énergie, notamment électrique (près de 10% début 2024 avec la fin du bouclier tarifaire, avant une prochaine hausse en 2025 !), l’intérêt de développer fortement la part d’énergie solaire a pénétré les esprits. Enfin !
Les Alpes-Maritimes ont leurs champions ! En juin 2015, une association a été créée par des citoyens très engagés, avec des fonds de citoyens, de collectivités, et le soutien de la région PACA et le Parc Naturel Régional des Préalpes d’Azur : le PEP2A (Pôle Energ’éthique des PréAlpes d’Azur), dont la devise est : « L’énergie PAR les habitants, POUR les habitants ». Cette association qui réunit plus de 130 producteurs, a évolué en 2017, sous la forme d’une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC SAS). Au bilan : une belle production de 200 GWh. Bravo à eux ! Des entreprises s’engagent également, notamment sur le site de Sophia-Antipolis (citons l’entreprise TSE).
Reste à voir quelle dynamique vont décider les dirigeants publics et privés, pour tenter de capter un maximum de photons azuréens ! Nous n’attendons pas de nouveaux discours vertueux, mais de vrais bilans chiffrés. Avec impatience !
PS : à cet égard, le bilan mi-parcours du plan climat de la métropole Nice Côte d’Azur (PCAET 2019-2025) devrait nous éclairer d’ici peu…
[1] Clin d’œil : une énergie de 172 TWh permettrait à un seul véhicule électrique moyen (conso 17 KWh aux 100 kilomètres) de rouler 1000 milliards de kilomètres, soit 6700 fois la distance de la Terre au Soleil, ou encore la distance parcourue dans l’espace par la lumière en un peu plus d’un mois…