Charlatanisme politicommercial à tous les étages
Mensonges, escobarderie, greenwashing et populisme, c’est toujours bon pour le business et la politicaillerie !
Nous sommes tant habitués à nous faire rouler dans la farine, que nous ne réagissons plus face aux tromperies et manipulations incessantes des experts du marketing et de la publicité, sans oublier celles de nombreux bonimenteurs de la politique. Sur le plan commercial, il est dit que 3 Français sur 5 doutent de la sincérité des marques quand elles affirment s’engager pour une cause (ici). On aurait pu penser que nous serions plus nombreux à en douter !
Quant à la politique, il suffit de constater le niveau alarmant de l’abstention aux élections pour comprendre le malaise de confiance des citoyens, engendré par les bateleurs politiciens sans vergogne. Un seul exemple : 72% d’abstention aux municipales 2020 à Nice…
Le néolibéralisme conquérant aura réussi à tout marchandiser dans nos sociétés humaines dites « modernes », et le secteur privé aura bien profité des mannes publiques, par dizaines de milliards d’euros.
Et lorsqu’il est question de vendre une camelote – en fait, d’accroître profits et dividendes, toute technique de « forçage » s’avère utile. Nous connaissions le forçage climatique, voici le forçage commercial ! Nous vivons dans le règne de l’offre inquisitrice et offensive, plutôt que dans celui de la simple satisfaction de la demande et de la suffisance. C’est tout le principe de la loi de Say (remis en cause par Keynes) : l’offre crée sa propre demande… La pub intervient donc pour doper et hisser la demande à la hauteur de l’offre, via un portefeuille d’astuces et de tromperies (lire ici). Pour la rendre stupidement insatiable.
Inutile de dire que l’article L. 121-1 du Code de la consommation, qui pose un principe général d’interdiction des pratiques commerciales déloyales, n’est qu’un paravent hypocrite de bonnes intentions dont se moquent éperdument nos marchands, tant les failles et les astuces sont nombreuses.
Dans les lignes qui suivent, vous trouverez un florilège de ces techniques abusives…
Je crée un (vrai) problème et je vends la (fausse) solution…
Les constructeurs automobiles veulent nous vendre des millions de voitures, toutes plus « vertes » les unes que les autres, même des SUV de 2 tonnes. Les chaînes de télévision regorgent de publicités lénifiantes pour les véhicules prétendument « 0 gramme de CO2 aux 100 km ». C’est évidemment faux.
Même en France où l’électricité est produite aux deux-tiers à partir de l’énergie nucléaire, elle dépend néanmoins à près de 20% d’énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon). Par ailleurs, la production du châssis, des batteries électriques, des équipements, tout cela émet beaucoup de gaz à effet de serre, majoritairement de CO2. Ces mêmes constructeurs vous expliquent qu’il nous faut prendre train, bus et tram. Exemple avec Audi® : « Au quotidien, prenez les transports en commun ».
Lorsqu’il vous prend l’envie d’aller découvrir les paysages en Thaïlande ou au Mexique, compagnies aériennes et aéroports vous déroulent leurs vertus. Air France® vous vend des « vols responsables », « compensés carbone » (propos de Nathalie Simmenauer, directrice du développement durable d’Air France®). Et les aéroports, comme celui de Nice Côte d’Azur, finissent de vous décomplexer, en vous promettant qu’ils sont « neutres carbone » et « zéro émissifs » (label Airport Carbon Accreditation : ici). Faut-il vous dire que ce sont des tissus de tromperies ? Un exemple, avec cet aéroport azuréen, qui ne prend pas en compte les émissions des avions dès lors qu’ils ont les roues en l’air. Seules sont prise en compte les émissions au sol, qui représentent moins de 1000 tonnes de CO2 par an, contre plus de 150.000 tonnes pour l’ensemble des décollages et atterrissages annuels (et près de 1 million de tonnes en intégrant les émissions des demi-croisières !). La neutralité de l’aéroport de Nice repose donc sur moins de 0,7% des émissions locales, et 0,1% des émissions totales. Et c’est sans compter les émissions massives de polluants crachés par les réacteurs des avions, à deux pas de la Promenade des Anglais et du centre-ville : oxydes d’azote, particules fines et ultrafines, composés organiques volatiles, etc. Et si vous avez encore un léger doute, on vous assène le coup de grâce : promis, l’avion « vert » est pour demain, avec l’électricité propre, l’hydrogène vert, les biocarburants, les huiles de friture recyclées. Pas d’inquiétude : voyagez, on s’occupe de tout ! Sauf que tout cela est encore faux, parce que tous les experts (sérieux) nous le disent : ces avancées techniques ne seront jamais déployées à l’échelle et à temps pour éviter la catastrophe climatique.
Après la voiture et l’avion, les meubles !
Lorsque le petit dernier arrive, il faut aménager le logement. Direction la zone commerciale. Comme on se veut responsable, on cherche le « fabriqué en France ». Mais ce label, comme beaucoup d’autres, ne vaut pas grand-chose. La Direction générale des Entreprises (DGE) précise que pour être porteur de cette mention, « un produit manufacturé doit tirer une part significative de sa valeur d’une ou plusieurs étapes de fabrication localisées en France, et avoir subi sa dernière transformation substantielle en France » (ici). C’est bien sûr assez flou pour nous saupoudrer encore les yeux d’un peu de farine. Et lorsqu’on s’enquiert de meubles écoresponsables, on recherche du bois certifié FSC ou PEFC (ici). Là encore, les abus et détournements pullulent.
Et le bio, Coca et McDo ?
Allons faire les courses. Comme chacun le sait, même s’il est souvent plus cher, le bio est meilleur pour la santé. Mais tout est fait pour perdre le consommateur, entre la bio, le bio, le « sans résidus de pesticides », le « raisonné », la « haute valeur environnementale » (ici), etc. On comprend mieux pourquoi, selon le baromètre de l’Agence bio 2023, 61% des consommateurs français considèrent que le bio est avant tout du marketing (+17% par rapport à 2021 !) ici… Même constat pour le poisson, avec le label « MSC pêche durable » (ici).
Les vendeurs de malbouffe, de diabète et d’obésité, ne sont pas les derniers à mentir de la manière la plus cynique qui soit. Ainsi, dans de nombreux pays pauvres, Coca-Cola® met la main sur les sources d’eau, et vend son poison moins cher que l’eau en bouteille. Ce phénomène explique l’explosion mortelle de maladies métaboliques chroniques dans de larges régions du monde (Mexique, Amérique latine, Asie, USA, etc.).
Et comme pour se dédouaner, cette même multinationale soutient Global Energy Balance Network, une nouvelle organisation à but non lucratif qui assure que « les Américains soucieux de leur poids se préoccupent trop de ce qu’ils mangent et de ce qu’ils boivent, et pas assez du sport qu’ils pourraient faire ». C’est un peu comme TotalEnergies®, l’un des plus gros producteurs mondiaux de pétrole, qui subventionne les congrès et forums climatiques (ex : Nice Climate Summit annuel à Nice). Le cynisme n’a pas de limite.
Un p’tit creux ? Faisons un petit tour chez McDo. Depuis 2004, le code de la santé publique prévoit que les publicités en faveur de certains aliments trop gras, trop sucrés ou trop salés intègrent des messages sanitaires. Sauf que ce même code permet également aux annonceurs de contourner la règle. Comment ? En reversant 5 % du coût de la campagne publicitaire à l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES). La loi indique que « cette contribution est destinée à financer la réalisation et la diffusion d’actions d’information et d’éducation nutritionnelles ». C’est assez pour permettre à McDonald’s de déclarer : « Cette campagne, comme l’ensemble des campagnes menées par l’enseigne, respecte la réglementation en vigueur. » Autrement dit, l’entreprise préfère lâcher beaucoup de monnaie (montants soumis au secret) que de faire figurer les mentions sanitaires sur ses publicités. Pas question de faire entrer le loup sanitaire dans la bergerie du business, dans laquelle les moutons consommateurs n’ont qu’à sortir la carte bleue.
La guerre des mots
L’inflation actuelle met les consommateurs peu fortunés à rude épreuve. Comme il n’est pas question de faire fuir les acheteurs, la pratique de réduflation (shrinkflation en anglais) se répand. Vous payez le même prix, mais le paquet ou la bouteille a fondu. En France en 2018, la Coca-Cola Company®, encore !, a fait baisser le volume de ses bouteilles de 20 %, en augmentant les prix, dans le but de compenser la taxe soda mise en place. Cette réduflation est légale, mais il est souvent souligné un « manque de transparence vis-à-vis du consommateur ». C’est joliment dit, mais ça reste abusif et trompeur.
Les ruses (dont beaucoup sont forgées à coup d’études de neuromarketing) pullulent (ici), les entreprises affichent les politiques RSE les plus vertueuses, renforcées de visuels verts (arbre, fleur, herbe) et d’un champ lexical adapté (« extraits naturels », « gaz naturel », label « écoresponsable »…). Bref, de janvier à décembre, on nous vend du vent.
Du placage meuble au lieu de bois massif, des pâtisseries fraîches du jour alors quelles ont été congelées, de la viande heureuse (la vache qui rit, des poules dansant dans la joie, les veaux dans les prés), alors que les élevages et les abattoirs industriels sont sordides et leurs pratiques scandaleuses. Les mots et les idées sont si tordus et déformés, qu’on ne les reconnaît plus… Le marketing, c’est la guerre des mots !
Sur ce sujet, nous vous conseillons d’ailleurs le livre « La guerre des mots » de Selim Derkaoui et Nicolas Framont (éditions Le passager clandestin, 2023).
Le business avant la santé publique
Face à ce tsunami de tromperies, bien sûr, les autorités publiques nous protègent, n’est-ce pas ? Vérifions cela. Pour protéger la jeunesse, Santé publique France (SPF) diffuse depuis le 25 septembre 2023 la campagne « C’est la base », une série de 8 conseils de sensibilisation pour limiter la consommation d’alcool et de cannabis à destination des jeunes de 17-25 ans. Seul (gros) hic, il n’y est jamais question de limiter la consommation d’alcool, mais simplement de l’accompagner : « Boire aussi de l’eau si on consomme de l’alcool, c’est la base », « Penser à manger avant de boire, c’est la base ». Les lobbies vinicoles et viticoles sont passés par là. Personne ne le renie, pas même les ministres…
Là encore, le business passe avant la santé publique. Malgré les 50.000 morts prématurées annuelles et les dégâts sociaux et sanitaires monstrueux de l’alcool.
Et lorsque la dangerosité de substances est connue, alors que des mesures de protection s’imposeraient sans délai, le monde industriel fait le siège des ministères et du parlement, tant français qu’européen.
Il aura fallu des décennies pour interdire l’amiante, ou le bisphénol A (remplacé par du bisphénol S aussi toxique). Car les substituts, et leurs métabolites, sont souvent aussi problématiques que les substances qu’ils remplacent. Et vous connaissez le sujet des pesticides et du glyphosate, etc.
Les politicards ont également pris le pli…
Puisque nous sommes dans les Alpes-Maritimes, parlons du seigneur local : Christian Estrosi, porteur de multiples casquettes, dont celle de maire de Nice. Soutenu d’une armada de communicants, il aura réussi à nous vendre son Ecovallée et sa « débétonisation« , alors que ce projet ne cesse de déverser des nappes de béton sur les terres fertiles de la Plaine du Var. Dans le centre-ville, le moindre parc se transforme en « forêt urbaine », alors que même la pelouse a du mal à survivre au climat local. Bref, vous l’aurez compris, et il l’affirme sans honte lui-même : Estrosi est le premier écologiste niçois ! Que son plan climat (PCAET) soit en échec ne lui pose pas l’ombre d’un problème : la désinformation municipale joue à plein. Sur d’autres plans, ce même politicien s’autobaptise « gaulliste social », alors que la ville compte près de 80.000 pauvres, que les loyers y sont inabordables et non plafonnés, que la loi SRU (logements sociaux) n’y est pas respectée (13% au lieu de 25%), et que les tarifs de sa régie de transports publics ont très fortement augmenté en 2023, etc.
La méthode Estrosi, c’est un peu comme l’Office français de la biodiversité, qui a résulté de la fusion, le 1er janvier 2020, de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et de … l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Car, c’est bien connu : si les chasseurs protègent les animaux, Estrosi est un champion de l’écologie, du social, de la sécurité (ne parlons pas du 14 juillet 2016…). Comme Renaud Muselier, et tant d’autres politicards du vieux monde…
Que tout cela ne vous empêche pas de passer une bonne journée.
Serrons nous les coudes. Citoyennement vôtre !