Brèves climatiques d’été
Tout va bien jusqu’à maintenant. Quoique…
Juillet 2023 : l’été bat son plein. Sur la Côte d’Azur, rien de bien inhabituel : la chaleur est présente, les plages, les artères et les hôtels-restaurants de nos villes se remplissent de centaines de milliers de touristes, les avions tournent en norias bruyantes sur l’aéroport et résonnent jusque dans l’arrière-pays, du matin au soir… En somme, la carte postale habituelle. En toile de fond, quelques remous politiques et policiers, de vagues informations d’un front ukrainien déjà presque oublié, une inflation finalement assez gérable, du moins pour la majorité d’entre nous.
Mais regardons-y de plus près… La chaleur ? La canicule a déjà sévi, ici comme en France et dans l’ensemble de l’hémisphère nord, et l’été n’est pas fini. Rappelons que nous avons connu plus de 100 nuits tropicales sur notre territoire en 2022, et que 2023 semble bien parti pour l’égaler. Et en dépit de quelques pluies, la sécheresse chronique s’installe (très) durablement, épuisant les nappes phréatiques et asséchant les sous-sols, et les incendies éclatent ici et là…
(Une de Nice-matin 18 juillet 2023)
Après les alertes pollution (notamment l’ozone, toujours en hausse) et canicule, voici donc les alertes sécheresse et incendies… Sans oublier la mer, dont la hausse de température commence à dégrader sérieusement les conditions de vie pour la faune et la flore sous-marines. Les climatologues nous prédisent bien pire si nous n’agissons pas ardemment ! Qu’à cela ne tienne, nos cerveaux ne sont toujours pas en état d’alerte ! Les discours politiques trompeurs, la berceuse publicitaire, la pression lobbyiste et le carcan de nos habitudes, tout nous incite à faire aujourd’hui ce que nous faisions hier. Et puis le COVID est loin derrière nous. Et puis le techno-solutionnisme va nous sortir d’affaire… Bref, surtout, ne changeons rien : nous passons un bel été, dans la torpeur estivale !
What else ? Les touristes ? Nos territoires sont littéralement pris d’assaut par des millions d’estivants : des gens de passage, et non des voyageurs. Des gens qui « font » la Côte d’Azur, après avoir « fait » la capitale et les Calanques, et avant de poster des selfies place Saint-Marc à Venise ou Piazza Navona à Rome sur Instagram. Quelle bonne nouvelle ! Tous ces humains dépensent et remplissent les tiroirs-caisses de nos commerces.
Mais ces flots de touristes débarquent, pour la plupart d’entre eux, des halls de l’aéroport de Nice : un million et demi, rien que sur le mois de juillet, soit plus de 4 fois la population niçoise… Et à croire les élus au pouvoir, ou les « responsables » du tourisme local, nous ne serions pas en situation de surtourisme ! Non, pensez donc : nous ne faisons que du tourisme de qualité, du tourisme international à haute valeur commerciale, blabla. Mais les transports sont bondés, les prix s’envolent et l’immobilier devient inaccessible, les nuisances sonores frappent à nos fenêtres : la vie des résidents est soumise à rude épreuve : leur ville est devenue un terrain de loisirs, où les hôtels 5* captent davantage l’attention que les 74.000 pauvres de Nice. Mais ce sujet semble passer à la trappe dans les priorités affairistes de nos élus majoritaires : « Business, first ! ». Quant à l’écologie, n’oublions pas le credo du maire de Nice : « L’écologie au service de l’économie »… Tout est dit.
L’aéroport de Nice émet quasiment autant de CO2 que la ville de Nice !
Nous avons évoqué la canicule et le surtourisme. Il se trouve qu’il existe un lien fort entre les deux. Les experts climat viennent de confirmer que la série mondiale de canicules de cette année 2023 n’aurait pu émerger sans le réchauffement climatique, celui-ci étant principalement dû aux activités humaines. Pour ne citer qu’elle, l’aviation commerciale est responsable de plus de 5 % du réchauffement climatique anthropique mondial (avec les effets hors-CO2, que peu de gens connaissent). Pour le transport d’une part infime de l’humanité : 1% de la population mondiale émet la moitié des émissions de gaz à effet de serre de l’aviation. L’aéroport de Nice est ainsi responsable de près d’un million de tonnes de CO2 par an (décollages, demi-croisières et atterrissages) ! Ce chiffre est officiel : il provient du ministère des transports. Vous pouvez donc toujours chercher la prétendue « neutralité carbone » de cet aéroport, qui émet quasiment autant que l’ensemble de la ville de Nice et ses 350.000 habitants (1,12 million de tonnes en 2019) : ces labels ne sont que de vastes plaisanteries. Pour ne pas dire escroqueries.
Muselier, Ginésy et Estrosi palabrent, mais leurs résultats sont en berne
Nice, la « smart city », la « ville verte et bleue de la Méditerranée », la ville arborée, la ville « qui respire », la ville UNESCO, etc. Christian Estrosi et son clan se complaisent dans le slogan-isme de compétition, les labels, les vitrines, les faux-semblants. Car, pour qui s’en donne la peine, la carte postale commence sérieusement à jaunir au soleil. Charles-Ange Ginésy et son « Green Deal 06 » ou Renaud Muselier et sa « COP d’avance » ne font pas mieux : leurs bilans climatiques sont très largement insuffisants.
Les concentrations de polluants peinent à diminuer (avec 500 décès prématurés chaque année à Nice), celle de l’ozone (polluant très agressif) augmente. Les émissions de gaz à effet de serre de la métropole Nice Côte d’Azur augmentent également : +3,3% entre 2012 et 2019 : bilan territorial avec sources additionnelles : source AtmoSud Cigale. Et pour cause : le trafic routier ne diminue pas, le trafic aérien est à la hausse, et les rénovations énergétiques traînent. Il y a quelques années, des instituteurs auraient indiqué : « Élèves dissipés, s’agitent beaucoup mais leurs résultats sont médiocres »…
Si toutes les métropoles du monde suivaient l’exemple niçois, si toutes les régions du monde suivaient l’exemple du département des Alpes-Maritimes ou de la région Sud PACA, le réchauffement climatique serait littéralement catastrophique d’ici les prochaines années et décennies.
Autant dire que nous ne soucions pas du sort réservé aux jeunes, à nos enfants et aux générations futures !
Non ? Mais alors pourquoi n’agissons-nous pas ? Quand escomptons-nous ouvrir les yeux et sortir de notre torpeur assassine ?