Une escouade d’élus pour de la comm’ dans les quartiers niçois
Le 31 mai 2023 s’est tenue l’assemblée générale du comité de quartier Saint-Roch-Vauban (« Nice historique »), sous la houlette de sa présidente Jeanine Costamagna. De telles réunions sont organisées sur l’ensemble des comités de quartier, mais celle-ci a eu ceci de particulier que les élu-es de la ville de Nice y sont venu-es en force. Citons notamment Anthony Borré, Pierre-Paul Léonelli, Monique Bailet, Gaël Nofri, Catherine Moreau, Richard Chemla, Jean-Marc Giaume. Cette forte représentation de la mairie n’est pas le fruit du hasard, mais est (très) probablement liée à l’action de ce dernier élu, adjoint subdélégué à Saint-Roch et Riquier, qui a visiblement monté une opération de « comm’ utilitaire » sur son quartier. Car c’est ainsi que fonctionnent ces gens.
A l’ordre du jour : propreté, sécurité et incivilités, circulation et plan vélo, extension des jardins partagés, urbanisme (aménagement casernes, projet de tour de 17 étages et pompage des eaux souterraines dans les chantiers).
Un représentant du collectif citoyen 06, aimablement invité par Mme Costamagna, s’y est rendu afin de « prendre la température » du dialogue entre la population et les élus. Nous relevons ici quelques points saillants qui soulèvent selon nous des interrogations légitimes.
Sur la forme tout d’abord, certains des élus ont parfois réfuté avec une certaine suffisance les constats d’habitants du quartier, évidemment très au fait des points soulevés. Passons sur les termes niçois fréquemment prononcés par un Jean-Marc Giaume surjouant la nissardité, et le ton faussement professoral d’Anthony Borré, qui semble toujours écouter et ponctuer ses propres discours avec un sourire affecté…
Sur le fond, commençons par la propreté, la sécurité et les incivilités. Les élu-es devraient comprendre qu’il y a une différence significative entre une gestion d’actions (et la comm’ qui l’accompagne) et l’obtention effective de résultats. Il en va d’ailleurs de ces sujets comme du plan climat (beaucoup d’annonces mais une trajectoire non conforme) ou de la politique sociale ou culturelle. Ainsi, lorsque les habitants du quartier signalent des nuisances sonores, des incivilités et des déchets non ramassés (même si des améliorations sont à noter), ils ne le font pas pour le plaisir d’importuner les élu-es. Encore faut-il que ces dernier-es l’entendent.
Un manque flagrant d’ambition sur le vélo et la sécurité des usagers !
Des représentants d’une association de cyclistes ont alerté les élu-es sur l’absence de voies de circulation cyclables dans le quartier, pourtant très fréquenté par les étudiants, et le risque majeur d’accidents pour les cyclistes et les piétons eu égard aux incivilités routières, aux excès de vitesse des voitures et 2RM. En retour, des réponses calibrées de Gaël Nofri et des considérations toujours éthérées et peu concrètes de Richard Chemla (« il faut apprendre à vivre ensemble », « nous faisons beaucoup d’efforts »…) , sans même parler de ses sempiternelles et vaines promesses (« nous avons d’ailleurs une réunion demain sur ce sujet » : un grand classique). Ce qui paraît criant : ces élus ne parviennent toujours pas à prendre la mesure de leur manque d’ambition et du retard impressionnant pris sur la question du vélo depuis des années (comme d’ailleurs de la pollution et du bruit, et les sujets sont connectés, ou encore des EnR et de la rénovation énergétique). La ville de Nice est historiquement très portée sur la voiture et les deux-roues motorisés, et se voit régulièrement acculée aux fonds de classement sur le climat cyclable urbain (FUB). Les plans vélos niçois se sont succédés depuis plus de dix ans, et le réseau cyclable, malgré les efforts très tardifs de la municipalité, souffre toujours d’énormes failles : manque de continuité, soins attentifs sur les pistes littorales mais abandon de quartiers entiers (notamment sur le secteur collinaire), 2RM et doubles files très fréquentes sur les voies cyclables, etc. Pour rappel, le maire de Nice s’est engagé à atteindre une part modale vélo de 10% d’ici 2024 (contre 9% au plan national), et ne décolle pas des 3%. Comment qualifier ce procédé qui consiste, pour des élu-es, à annoncer des objectifs clinquants, alors qu’ils savent pertinemment qu’ils ne seront pas atteints ? Un autre exemple ? Christian Estrosi s’est engagé à réduire les émissions CO2 de la métropole de 55% d’ici 2030 (dans 7 ans !). Sommes-nous sur la trajectoire, demandez-vous ? Absolument pas, preuves (disponibles) à l’appui.
Des quartiers en voie de saturation et d’étouffement
Lorsque les habitants du quartier Saint-Roch-Vauban se plaignent d’un excès de constructions, Gaël Nofri, Anthony Borré et Jean-Marc Giaume répliquent avec beaucoup d’assurance qu’on ne peut pas contrer des droits à bâtir (mais qui donc définit la politique d’urbanisation avec le Plan Local d’Urbanisme métropolitain ?) et qu’il faut du « sang neuf » (sic) dans les quartiers pour préserver les écoles, et donc construire, toujours construire… C’est précisément cette fuite en avant, poliment qualifiée de « résidentialisation », qui étouffe littéralement nos quartiers, en plaine comme sur les collines. On peut même légitimement juger cette justification scolaire particulièrement légère et douteuse eu égard aux énormes impacts environnementaux de cette bétonisation.
En somme, pas un carré de verdure qui ne soit aujourd’hui la proie aux projets immobiliers à Nice. Et ce n’est pas l’extension de la Promenade du Paillon qui parviendra à cacher la frénésie bétonnière constatée par tous ceux qui n’ont pas perdu la vue, sur la basse plaine du Var (« Ecovallée ») ou sur les hauteurs. Et la circulation induite ? Là encore, pas de problème, selon Jean-Marc Giaume, puisque le quartier est traversé par le tram, faisant mine d’oublier que les nouveaux résidents possèdent tous un ou deux véhicules motorisés, engendrant des bouchons et une pollution accrue liée à la circulation de plus en plus dense… Enfin, à l’inquiétude des habitants portant sur un projet de centre de rétention ou un futur immeuble de 17 étages (projet Tikehau aux Diables-Bleus), « pas de problème pour le premier, puisque ce n’est qu’un projet et que rien n’a encore été décidé. Quant au second, il va falloir revoir la copie, car il n’est pas conforme au PLU »… Inutile de dire que les Niçois-es savent ce que valent les concertations et les promesses.
L’impact du pompage d’eau dans les nappes par les chantiers BTP
Aux impacts de la bétonisation s’ajoute le problème du pompage des eaux souterraines servant à rabattre la nappe phréatique. Un représentant de la régie Eau d’Azur, convié par les élus, s’est permis de préciser que ces pompages n’avaient aucun impact négatif, puisque « l’eau s’en retourne à la mer dans tous les cas »… Dans ce cas, l’eau de nos douches va aussi à la mer, alors pourquoi ne pas prendre des bains ?
Encore une réponse très légère de la part de cet « expert ». En effet, l’abaissement de l’eau souterraine modifie le niveau d’humidité des sols, impactant de facto la végétation, mettant en péril nombre de jardins potagers et d’arbres : oliviers, orangers, nectariniers, mandariniers, clémentinier, avocatiers…
Par ailleurs, ces pompages multiples impactent également la stabilité des sols et des fondations des bâtiments lourds comme ceux des immeubles de l’OIN. L’enfoncement de 16 cm de l’Avant-Scène dans le quartier Arénas en est un exemple patent !
Des jardins partagés, clé de l’autonomie alimentaire d’une ville de 350.000 habitants ?
Lorsque le sujet des jardins partagés est apparu, Catherine Moreau, adjointe déléguée à l’agriculture urbaine, s’est fendue de son leitmotiv habituel : « l’agriculture urbaine va permettre une meilleure autonomie alimentaire ». Mais de qui se moque-t-on ? Alors que notre dépendance alimentaire aux produits extérieurs à notre territoire est de 98%, signant une situation d’insécurité alarmante, cette élue laisse entendre que notre avenir passe par quelques jardins partagés dans les quartiers. Ceux-ci sont évidemment indispensables, ne serait-ce que pour la pédagogie et le lien social, mais ils sont absolument insuffisants pour nourrir une population de plusieurs centaines de milliers de personnes. D’ailleurs, est-il encore utile de rappeler que le PAT (Projet Alimentaire Territorial), annoncé en juin 2019, il y a donc 4 ans, est toujours à l’état d’embryon ? Voilà comment sont traités les projets prioritaires à Nice !
Le mot de la fin
Nous remercions Mme Costamagna pour son invitation (en rien responsable des propos de ce blog) et profitons de ce papier pour saluer le travail des agents de la ville. Ce que nous aurons pointé ici concerne certain-es élu-es, qui ont la fâcheuse tendance à raconter des carabistouilles aux Niçoi-es…
Pour finir avec un petit clin d’œil malicieux : avec eux, comme on dit parfois, on va peut-être vers du mieux mais on aurait souvent du mal à faire pire.