Mégalo, moi ?
Séquence humour. Humour noir. Sur un ton parodique, tout le monde l’aura compris.
Je suis le Seigneur de ces terres, et me nomme Estrosi. Christian Estrosi. Outre mes grandes qualités personnelles, je suis maire de Nice, président de la Métropole Nice Côte d’Azur et président délégué de la Région Sud PACA. Rien de moins. Et je passe sur mes états de service éloquents, d’ancien député et ministre de mon cher ami Nicolas. Nicolas Sarkozy.
Réélu triomphalement pour la 3ème fois en 2020 à la tête de la municipalité, rien ne me résiste ! L’opposition ne m’arrive pas à la cheville et les Niçois m’encensent à raison, même si le taux d’abstention, lors des dernières élections municipales, a atteint le record de 72%… Mais peu me chaut, car je suis vissé sur le siège de maire !
Un programme en béton armé
Je déroule mon superbe programme depuis 2008 et je transforme ma ville. Car je suis un moderne, face aux archaïques. Je verdis la vieille ville, et je livre l’Ecovallée au business florissant du béton tout en affirmant ‘’débétoniser’’. Je détruis le TNN, tout en candidatant pour la capitale européenne de la culture. Même si les nouveaux emplois peinent à sortir, rien ne m’empêche de promettre la création de 50.000 emplois dans la plaine du Var. Même si les émissions de CO2 de ma métropole ne diminuent qu’à la petite marge, rien ne m’empêche de m’engager pour une réduction de 55% d’émissions d’ici 2030 et de faire la publicité du meilleur plan Climat (PCAET) du pays : le mien. Même si la pauvreté est endémique dans ma ville, et que je traque les plus pauvres, rien ne m’interdit d’affirmer que je suis un gaulliste social. Même si je soutiens le projet d’extension de l’aéroport de Nice, qui annonce 7 millions de passagers supplémentaires d’ici 2030 et 200.000 tonnes de CO2 additionnels par an, je vante un tourisme de qualité et écologiquement responsable. Même si je fais le minimum sur la sécurité alimentaire et énergétique, je vante mon Projet Alimentaire Territorial (PAT) qui n’a pourtant pas bougé d’un iota depuis son annonce en 2019, et mon plan énergies durables qui n’a pourtant guère changé la donne depuis des années. Comment mes administrés peuvent-ils être aussi naïfs ?
A Nice, c’est le festival des millions !
Oui, vous l’aurez compris : je suis le plus fervent promoteur du « en-même-tempisme » du grand président Macron, dont j’admire l’incroyable audace, le talent inénarrable, tout en n’adhérant pas à son parti, mais plutôt aux horizons enchanteurs de son challenger Edouard. Edouard Philippe. Je traque toutes les opportunités, je fouine le moindre filon budgétaire, qu’il vienne de la Région, de l’Etat ou de l’Europe. Car je suis un animal politique, un brillant opportuniste, et mes besoins financiers sont colossaux : voilà la marque des grands hommes ! Mes projets se mesurent en effet à coups de dizaines de millions d’euros : l’Hôtel des polices (255 M€), le Palais des Expositions et des Congrès (PEC, 160 M€), la station Haliotis II (550 M€), le nouveau MIN (67 M€), la rénovation de l’incinérateur UVE de l’Ariane (222 M€), partenariats public-privé (simili-endettements de longue durée, comme celui du stade Riviera Allianz), etc. La liste est longue. Longue comme la litanie des chantiers BTP de l’Ecovallée et des collines niçoises. Et longue comme la liste de mes encours de dette… Certains me disent mégalomane, alors que je suis un maire bâtisseur, un leader charismatique hautement visionnaire, qui aura sa plaque de rue, et peut-être même, j’en formule le vœu, sa statue dans les rues de sa ville, comme celle de mon ami Jacques. Jacques Chirac.
Face aux immobilistes et autres extrémistes…
Mais voilà que quelques nuages sombres semblent s’accumuler sur mon horizon, et que ma machine de winner donne d’inquiétants signes de grippage. Car un quarteron de citoyens immobilistes bloque, à coups de procès, mon projet de transfert du MIN sur les terres de la Baronne, compromettant mon magnifique projet d’immense Palais des Expositions et des Congrès, qui doit profiter de l’augmentation du tourisme d’affaires que je compte multiplier par 4. Un autre groupuscule d’extrémistes, promoteurs illuminés de la décroissance, bloque le projet d’extension de mon aéroport international. Tandis que mon projet de capitale européenne de la culture semble prendre l’eau après la destruction laborieuse du Théâtre National de Nice, avec le retard chronique du chantier Iconic et mon retrait du projet de grande salle de spectacle. Las ! Je constate même que mon projet intrépide de théâtre antique dans les ruines de Cimiez ne semble pas convaincre les foules. Pas davantage, d’ailleurs, que ma prestation préformatée, réalisée lors du Procès de l’attentat du 14 juillet 2016… Tandis, également, que mon ambitieux quartier d’affaires Grand Arénas, très écologique bien qu’intégralement bâti de béton – mais quel beau béton !, s’enfonce dans les sols alluvionnaires et récalcitrants de la plaine du Var… L’environnement est ingrat : je passe mon énergie à le défendre, et voilà qu’il absorbe mes ouvrages pionniers !
Vous comprendrez que je préfère arrêter là cette pénible litanie. Car me voilà saisi d’une subite inquiétude : serait-ce l’annonce d’une prochaine Bérézina, marque tragique de la retraite de Russie de mon idole d’empereur, Napoléon 1er ? Napoléon Bonaparte.
Allo Rudy, Philippe, Pierre-Paul, Richard, Anthony ? Vous n’auriez pas un p’tit remontant ? J’en ai bien besoin en ce moment…