Mettons fin à la culture des fake news !
« (…) La Métropole Nice Côte d’Azur est très active depuis longtemps contre le dérèglement climatique notamment avec son Plan Climat Air Energie Territorial, couvrant la période 2019-2025. » Christian Estrosi, le Président de ce territoire d’exception mais vulnérable le clame haut et fort : « Parmi les défis que nous avons décidé de relever, il en est un qui me tient particulièrement à cœur… C’est celui de la transition écologique… Le défi climatique est mondial, mais les actions à mener relèvent des réalités locales. » (Nice Magazine n°13 de sept-oct 2022). Ces allégations péremptoires, émises lors du Transition Forum de Nice, au Palais de la Méditerranée les 29 et 30 septembre 2022, s’inscrivent dans la droite ligne d’annonces précédentes, dans lesquelles Christian Estrosi et ses acolytes clament que Nice a le … meilleur plan climat du pays, ou « un des plans climat les plus exemplaires du pays » ! Au passage, cet événement de pur greenwashing, que nous dénoncé il y a quelques semaines, était qualifié par le maire de Nice comme étant « deux journées essentielles pour notre avenir. » Essentielles, vraiment ?
Comme à notre habitude, nous allons vérifier la véracité de ces propos, sur la base, dans ce cas précis, des données officielles d’AtmoSud Cigale. Jetons donc un œil sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la Métropole Nice Côte d’Azur sur les trois années précédant l’année 2020, dont les émissions ont diminué conjoncturellement par effet COVID (confinements). Nous mettrons donc cette année 2020 entre parenthèses.
Un plan Climat qui augmente les émissions CO2 ?
En 2016, les émissions étaient de 1,93 million de tonnes de GES. Trois ans plus tard, en 2019, les émissions étaient de 1,95 million de tonnes, soit … 1% de plus. Autrement dit, au lieu de diminuer de 250.000 tonnes ses émissions annuelles (trajectoire vers la neutralité carbone annoncée à grands renforts de com’), la métropole niçoise les a augmentées de 17.000 tonnes en trois ans…
J’affirme, donc tu crois…
Qu’en déduire ? Que Christian Estrosi fait visiblement partie de ceux qui espèrent faire croire aux masses laborieuses que leurs discours sont auto-réalisateurs (ou performatifs, pour reprendre un terme à la mode), ou que leurs affirmations péremptoires valent autant que les faits qu’ils veulent tordre à coups de discours et d’éléments de langage largement repris par leurs conseillers et courtisans. Non, le Plan Climat niçois (PCAET) n’est pas le meilleur de France. Non, ces deux jours de greenwashing (Transition Forum) n’ont rien d’essentiel pour notre avenir. Non, le Plan Climat niçois n’a rien fait de sérieux depuis son lancement il y a dix ans, en 2012. Autant dire que les -55% d’émissions de GES d’ici 2030 sont déjà tout à fait hors de portée. Un indice ? Le fameux Plan Climat annonce -33% en 2030, tandis que Christian Estrosi ne cesse de vanter les -55% d’émissions à la même échéance. Juste un petit écart de 22%, qui représente 450.000 tonnes de CO2 par an (près de 4 fois les émissions de l’ensemble des bus RLA) ! Pourquoi le maire de Nice se sent-il obligé de diffuser autant de fake news, pour un reprendre des termes qu’il se plait à utiliser très souvent ? Trois hypothèses nous viennent à l’esprit. Ou il lui aura manqué quelques années de mathématiques élémentaires dans sa jeunesse. Ou ses conseillers sont des incompétents notoires. Ou ces incohérences climatiques ne sont juste qu’un indice de la volonté générale d’éblouir la population avec des myriades de chiffres parfois invérifiables. Malheureusement pour lui, des citoyens relèvent souvent des énormités. Sur le climat, mais aussi sur le béton, sur la santé publique, sur le social, et bien d’autres sujets.
Un géant vert ou un faire-valoir sans expertise ?
Nous nous interrogeons souvent sur les raisons d’un telle manipulation. Bien sûr, ce rouleau compresseur de chiffres et d’allégations erronés vise à caresser l’électorat dans le sens du poil. Au vu de la montée de l’abstention (72% en 2020 !), cela ne semble pas particulièrement efficace. Elle vise aussi à tenter de compenser l’éloignement des cercles de pouvoir parisiens par l’idée qu’ils sont, au fin fond du pays à deux pas de la belle Italie, les … meilleurs du monde. L’ego de nos élites niçoises s’en trouve accessoirement réconforté.
Il suffit de suivre les luttes fratricides de nos mâles alpha, pour comprendre que les duels s’opèrent à coups de langue et de mensonges, à coups de phrases assassines et de batailles de communication (citons juste la menace de Renaud Muselier adressée à Eric Ciotti en octobre 2022, digne d’une cour d’école primaire : « Toi, tu vas morfler ! »). Bref, tout ce que les citoyens de ce début de XXIème siècle ne veulent plus voir et entendre. Car il est temps de remplacer nos bataillons coûteux de communicants par des experts patentés, qui basent leurs travaux sur du sérieux, du factuel et du juste.
Il suffit de voir, et ce n’est pas une attaque ad hominem, qui occupe le poste stratégique de conseiller santé environnement du maire-président de Nice : Richard Chemla, ancien médecin anesthésiste du CHU de Nice, présenté comme « le géant vert » de la municipalité niçoise. Son titre de docteur mis en valeur à toutes occasions, tente de couvrir (par argument d’autorité) des lacunes qui nous effarent régulièrement. Nous constatons, chaque semaine qui passe, que ses propos dévoilent une méconnaissance technique qui ne devrait pas avoir sa place en 2022, sur une métropole de plus d’un demi-million d’habitants. En cela, la situation n’a guère changé, puisque Richard Chemla a succédé au … professeur Véronique Paquis, également du CHU de Nice, dont le bilan a été particulièrement vaporeux durant des années auprès de Christian Estrosi. Ce dernier ne cherche visiblement que des faire-valoir et des titres professionnels, plutôt que de solides compétences techniques, notamment en matière environnementale, car l’important n’est pas d’obtenir des résultats, mais d’affirmer toutes sortes de litanies éloignées de la réalité. Nous pourrions probablement faire le même constat en matière de santé publique, vaste domaine qui nécessite bien davantage qu’une expertise en anesthésie… N’en disons pas plus, au risque d’être discourtois.
Il y a d’ailleurs deux années, Christian Estrosi s’était vu critiqué sur ses embauches de conseillers. Au média 20minutesNice, il avait répondu, comme à son habitude : « Je revendique de m’entourer des meilleurs. » C’est curieux, mais nous sommes de plus en plus nombreux à penser un peu différemment, du moins à ne pas avoir la même définition du terme « meilleur »…
Quelques preuves d’incompétence technique ? Ils sont nombreux, mais lorsque Richard Chemla passe sur les plateaux TV ou radio, on peut l’entendre se prendre les pieds dans le tapis, en mélangeant kilowatts (puissance) et kilowatts-heures (énergie), se perdre dans les tonnes de CO2, affirmer que l’extension de l’aéroport de Nice n’occasionnera pas de surcroît de vols (il n’a donc pas lu le dossier), qu’un arbre planté capte 5 tonnes de CO2 (alors que ce chiffre vaut pour un hectare de forêt, il ne connaît donc pas le label bas carbone du ministère de la transition écologique), que la ville de Nice n’est pas bruyante (qu’il fasse donc un sondage parmi les Niçois !), que la pollution atmosphérique tue, mais qu’il ne faut pas aller trop vite (sidérant pour un médecin !), etc., etc. Il est certain qu’en choisissant des conseillers peu techniques, retraités ou issus d’écoles de commerce ou de communication, voire des cercles de politiciens locaux (Rudy Salles, pour ne citer qu’un triste exemple), la machine ne peut que s’enrayer. On ne peut d’ailleurs que constater que les promesses ont remplacé les stratégies : il n’y a, à ce jour, aucune culture de la stratégie, de la gestion transversale en mode projet, des indicateurs KPI, etc. A cet égard, un petit passage dans le monde des entreprises serait probablement très bénéfique à de nombreux conseillers niçois…
Les fake news tuent la confiance
Le problème ? C’est que la langue de bois, les omissions, les exagérations, les fake news, abîment la confiance et la démocratie. Ces dérives tuent ce qu’il reste de curiosité citoyenne pour les politiques publiques, qui, entre de bonnes mains, sont un sujet ô combien noble.
Allez, soyons fous ! Si nos élus et conseillers sont droits dans leurs bottes et si sûrs de leurs allégations, nous leur proposons d’organiser en 2023 un forum contradictoire sur les questions environnementales et sanitaires, entre eux et des experts indépendants, notamment médecins et écologues. Et nous sommes conciliants : ce forum pourrait se dérouler à huis clos, sans public, pour éviter quelques humiliations… Banco ?
Ce serait en tout cas tout à fait salvateur pour la démocratie locale, et pour le réajustement de la politique climatique de nos territoires, mais aussi sociale et sanitaire. Vers plus de résultats, et moins de bavardages. Vers plus de concertation, et moins de mépris. Nous sommes finalement d’accord avec Christian Estrosi : « En politique, c’est tellement rare de voir des engagements donnés qui soient respectés et tenus »… Propos tenus lors du conseil municipal du 25 mars 2021.
Ce que nous souhaitons est finalement très simple : que le discours politique retrouve un minimum d’honnêteté, et que les résultats soient à la hauteur des annonces et des engagements de nos élus. Pour le bien de tous, et l’intérêt général.
2 thoughts on “Mettons fin à la culture des fake news !”
La seule réponse aux fake news et propagande reste le fact checking. Démonter la propagande et diffuser largement l’info vraie. Encore faut-il avoir des médias libres. Bon courage !
Nous essayons avec notre site de participer à cet effort en effet. Et nous appuyer aussi sur les quelques trop rares médias libres à Nice.
Merci pour votre soutien.
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