Si le ridicule ne tue pas, le bruit, oui !
Le 13 septembre, nous publiions un article sur le bruit subi par les Niçois : « La voie Mathis étouffe … ses riverains ! ». Et voilà que le média Actu Nice a rebondi sur notre interpellation, dans un article paru le 19 septembre.
Dans cet article, Richard Chemla, adjoint de Christian Estrosi en charge de la santé et de la transition écologique, est interrogé sur ce sérieux problème de santé publique : les nuisances sonores, très présentes dans la « capitale » des Alpes-Maritimes.
Or, quelle n’a pas été notre surprise de lire ses réponses, parfois sidérantes, aux questions du journaliste Cyril Bottollier-Lemallaz !
La ville de Nice n’aurait pas encore fait le point sur le bruit ?
Face au bruit, qui pourrit la vie des habitants depuis tant d’années, Richard Chemla ose annoncer un scoop : « On va faire le point » ! Comme s’il découvrait le problème… De qui se moque-t-il ? Manifestement des Niçois-es, et de l’habitante que nous avions interviewée à son domicile, et qui subit nuit et jour les nuisances infernales de la voie Mathis. Comme beaucoup d’autres citoyen-nes.
A l’image de son maître à penser, le maire de Nice, l’adjoint axe son travail sur la sensibilisation… Ose-t-il croire que les flots de voitures et de deux-roues motorisés vont réduire leur vitesse et leurs accélérations parce qu’il aura susurré du fond de son bureau de l’Hôtel de Ville : « Allez-y mollo, les gars ! »… Tout le monde sait que les 85.000 motos et scooters font des ravages sonores en ville (et dans nos vallées). Une seule moto à l’échappement non homologué peut réveiller des dizaines de milliers de personnes la nuit. Mais les radars, fort rares, ne sont que … pédagogiques, et les contrôles extrêmement épisodiques.
Au lieu d’évoquer la piste la plus simple – réduire les vitesses et contrôler les vitesses et les échappements, voilà que Richard Chemla évoque des « petites mesures », rappelant qu’ « il faut toucher tous les bruits ». OK ! Et si on parlait du projet d’extension de l’aéroport, et ses 20.000 vols bruyants supplémentaires par an, projet soutenu par son patron ?
Les anges du Silence contre le démon Décibel
Reprenons la lecture de l’article d’Actu Nice : « Richard Chemla veut croire que ce phénomène (de bruit) va diminuer »… On croit s’étouffer. La croyance vaudrait-elle stratégie à Nice ? Le 3ème adjoint niçois se mettrait-il à croire à la performativité miraculeuse de son discours, fondée sur la puissance de son titre de « docteur » ? Une suggestion : et si on demandait aux paroissiens niçois de prier pour que les anges du Silence chassent le démon Décibel ?
« Les motos imitent le brame du cerf », et c’est amusant…
On continue ? « Une étude amusante est sortie entre ce bruit (des motos) et le brame du cerf ». Là, nous faisons face à une autre pathologie : le cynisme. Autant le brame entendu dans notre arrière-pays, précisément en septembre et octobre, est rempli de magie, autant le vacarme assourdissant sur nos avenues et nos collines, jour et nuit, est une plaie insupportable. Ce rapprochement avec « le plus beau bruit du brame » est-il vraiment amusant, ou extrêmement maladroit et inapproprié, surtout de la part d’un ancien médecin, maintenant prétendument en charge de politiques publiques ?
Pourquoi éviter à ce point les mesures vraiment efficaces ?
Le conseiller du maire enchaîne en évoquant l’étude de « revêtements particuliers », et des « arbres hauts »… Le 28 janvier 2022, lors de la journée « Sons dans la ville » à l’IMREDD, il évoquait encore autre chose : une « couverture de la voie Mathis »… Bref, il prend la mauvaise habitude de balader gentiment son auditoire, et surtout, il avance les solutions les plus complexes et coûteuses, dont nous savons qu’elles seront reportées aux calendes grecques… Un constat nous saute aux yeux : les solutions les plus simples sont évitées avec le plus grand soin par les élus majoritaires niçois. Pourquoi ? Parce qu’il n’est manifestement pas question d’embêter les pauvres automobilistes, et encore moins les motards et scootards, qui pourraient manifester, voire ne pas glisser le bon bulletin dans une certaine urne en 2026…
Et pourtant, de nombreuses villes et métropoles ont aujourd’hui le courage et l’entrain pour dépasser les discours anesthésiants, les slogans et autres labels « Décibel » : ces municipalités ont enfin décidé de réduire les vitesses en ville, réalisent des campagnes de contrôle (et non des campagnes de com’ sur le bruit, comme à Nice).
Pour le reste, arbres, revêtements et autres cloisons anti-bruit, oui, bien sûr, ça ne peut aller que dans le bon sens (voir ici). Mais pas avant de prendre les mesures courageuses d’apaisement de nos villes. Mesures qui auraient tous les avantages, en plus de réduire le bruit : celui notamment de diminuer l’accidentologie, les pollutions atmosphériques et les émissions de gaz à effet de serre.
Mais nom d’une pipe, qu’attendez-vous, Richard Chemla et Christian Estrosi ? Pourquoi faites-vous autant d’efforts pour développer le surtourisme et la bétonisation, et aussi peu pour protéger le bien-être et la santé des Niçois-es ? Il est temps d’arrêter de faire semblant et, comme disent les carrossiers, de taper dans la tôle pour corriger ce fléau majeur qui cabosse la santé publique…
Post-Scriptum : le faux-semblant sur le bruit peut tout à fait se décliner à d’autres sujets importants. La transition écologique du territoire et son plan climat, par exemple. Pour en savoir plus sur le plan climat de la Métropole Nice Côte d’Azur, c’est ici. Et devinez quoi ? Ce dossier est aussi sur le bureau d’un certain Richard Chemla… Monsieur Olivier Breuilly*, qu’en pensez-vous : ne serait-il pas temps d’être un peu sérieux, et d’adopter enfin de vraies stratégies, pilotées de manière professionnelle par the right people at the right place ? A défaut, le (vrai) bilan risque d’être difficile, d’ici peu.
* Directeur Général des Services de la Métropole NCA.