La voie Mathis étouffe … ses riverains !
A Nice, c’est silence maximal sur de nombreux dossiers. Mais c’est bruit maximal pour de nombreux habitants, riverains des grands axes de circulation routiers (A8, voie Mathis, Promenade…) et ferroviaires, ou encore de l’aéroport de Nice, dont la noria incessante des avions disperse généreusement ses décibels sur la population…
Nice est une ville bruyante et agitée. Indisciplinée, surtout. Cause ou conséquence : ses élus sont experts en communication et en diversion, mais leurs bilans flamboient beaucoup moins que le soleil de la Côte d’Azur… Concernant les nuisances sonores, la réglementation prévoit plusieurs types de plans (PEB, PGS, PPBE), censés refléter la réalité de la pollution sonore que subit une grande partie des territoires. Or tous ces plans ne seraient pas à jour sur la ville de Nice, élaborés sur des modélisations acoustiques très théoriques, avec des données obsolètes. La ville se targue de disposer du 1er réseau de France avec « 50 capteurs diversifiés et innovants » et d’une flotte de six « véhicules sentinelles air et bruit ». Où sont les données, quel est leur usage et pourquoi ne sont-elles pas rendues publiques ?
Lors de la journée « Son dans la ville », organisée par la ville le 28 janvier 2022 à l’IMREDD (Ecovallée), lorsqu’un représentant du collectif citoyen 06 a rappelé que Nice est une ville bruyante, l’adjoint santé-environnement Richard Chemla s’est époumoné dans la seconde : « C’est faux ! » (devant la salle). Et pourtant… Allez demander aux Niçois-es habitant dans les quartiers très sonores, si la ville est calme et apaisée ! En un mot : vivable.
Le bruit, vrai fléau de santé publique, indispose et tue !
De l’enquête Nice-Matin, parue le 20 octobre 2020, il ressortait que 54% des lecteurs de Nice-Matin et Var-matin pointaient le bruit des transports et de la circulation comme « première source de bruit » à leur domicile. L’article poursuivait ainsi : « Le bruit engendre également agressivité, stress et troubles du sommeil : les niveaux sonores élevés entraînent une altération du système auditif – qui peut aller jusqu’à la surdité – car les cellules ciliées de l’oreille interne, fragiles et peu nombreuses, ne se renouvellent pas, ce qui entraîne une perte irrémédiable de l’audition. Mais le bruit engendre de nombreux autres effets physiologiques qui sont encore mal connus. Les lecteurs de Nice-Matin et Var-matin relèvent principalement trois conséquences de leur exposition au bruit – qui les touchent de façon quasi-égale, et ce quelles que soient les tranches d’âge : de l’agressivité, du stress et des troubles du sommeil. Viennent ensuite les difficultés de concentration, et l’accélération du rythme cardiaque. »
Il est indispensable et urgent de réduire les fléaux de santé publique. Le premier d’entre eux est la pollution de l’air, responsable de centaines de décès prématurés par an sur Nice. Le second est précisément le bruit. Le bruit impacte la santé humaine, mais aussi la faune. Ses conséquences en France représenteraient un surcoût pour la société de 147 milliards d’euros par an ! En Europe, 8 millions de personnes souffriraient de troubles du sommeil du fait de la pollution sonore, 43.000 seraient hospitalisés suite à ses effets directs et indirects, et 10.000 en perdraient prématurément la vie.
Une Niçoise témoigne sur le bruit infernal qu’elle subit
Un exemple avec Isabelle, une habitante niçoise qui habite au-dessus de la voie nord de la voie Mathis, appelée communément « voie rapide ».
Elle subit, avec sa famille, un niveau sonore constant moyen de 65 à 70 décibels (dBA) (vérifié sur place), avec de nombreux pics (trains, avions, motos), jour comme nuit : un « bruit infernal » (selon ses termes) que bien peu d’entre nous supporteraient. Rappelons que les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), concernant le trafic routier, fixent des limites à 53 dB (A) en journée (Lden), et à 45 dB (A) la nuit (Lnight), et que l’énergie sonore double pour chaque augmentation de seulement 3 décibels ! (copyright CC06)
Son témoignage ici (et nous la remercions) :
Isabelle a tenu à préciser, en marge de son interview, que le niveau des nuisances a fortement augmenté depuis le doublement de la voie rapide après 2004, à partir de son prolongement depuis Magnan, qui a accru le trafic et les pollutions, de manière très notable.
Des facteurs aggravants
La topographie niçoise, entre mer et collines, comprime les infrastructures, et la densité de la ville de Nice est très élevée : 4 765 habitants au km2 (et encore davantage avec la fréquentation touristique !). Ces facteurs font de ce territoire une zone globalement surchargée, en particulier en haute saison.
Ajoutons que Nice est encore accrochée à la culture de la « bagnole » et des deux-roues motorisés. 85.000 motos et scooters sillonnent la ville (source : Préfecture 06), ce qui en fait l’une des villes françaises les plus concernées par les nuisances de ces deux-roues (bruit, polluants spécifiques, vitesse, parking sauvage…). Les incivilités règnent depuis toujours, et la situation évolue peu sur ce plan… Ce point interroge la vigueur de la politique d’incitation et de contrôle des forces locales de police, ainsi que les dispositifs automatiques de contrôle et de sanction.
Des politiques « molles » : pourtant des solutions existent !
Nous pouvons établir les mêmes constats, dès lors que les mesures prises peuvent contraindre un minimum les automobilistes, scootards et motards. Le véhicule est une entité politique sensible, que peu d’élus, par manque d’audace ou de courage, osent écorner. Le caractère très timoré de la Zone à Faibles Émissions (ZFE) niçoise en est une illustration, alors que la ville est polluée de manière tout à fait chronique. Enfin, pour ne rien arranger, le fait que la pollution, comme le bruit, ne se voient pas, rend la lutte contre ces fléaux moins pressante aux yeux de certains élus.
Les solutions existent pourtant et sont principalement de plusieurs ordres :
- Afin d’apaiser la ville, réduction générale des vitesses et contrôles actifs sur la partie basse de la ville et les collines, de jour comme de nuit. Cette mesure aura de très nombreux cobénéfices : baisse de l’accidentologie et des émissions de gaz à effet de serre, de polluants et bien sûr, des nuisances sonores.
- Dispositifs techniques : chicanes, ralentisseurs, dos d’âne, réduction des largeurs de voie, réduction des vitesses, radars de vitesse et de bruit, ondes vertes, pose d’enrobés neufs ou phoniques, murs bas acoustiques, aides financières à la pose de double et triple-vitrage (à intégrer dans les plans de rénovation énergétique), etc.
- Gratuité du contournement de Nice par l’autoroute, ce qui pourrait améliorer la situation de tous les riverains, puisque de nombreux automobilistes choisiraient le contournement s’ils n’avaient pas à payer.
D’autres mesures sont envisageables. Lire ici.
La municipalité niçoise est une fervente adepte des « vitrines », des « showcases » (c’est plus tendance), des labels (décibels d’or et d’argent, par exemple) et des gadgets (ex : 1 radar pédagogique, sans sanction, rue Jean Jaurès). Mais les Niçois vivent une autre réalité, au quotidien, de jour comme de nuit : lire ici.
Il est donc urgent de prendre enfin au sérieux ce problème du bruit à Nice, en ville comme dans l’arrière-pays, et de prendre les vraies mesures, au travers d’un plan stratégique doté d’un budget suffisant, d’un tableau de bord de mise en œuvre, et d’évaluation.
Ainsi, les riverains de la voie Mathis retrouveraient un peu de sérénité, mais aussi ceux de tous les axes très fréquentés, ainsi que le long de l’autoroute A8 ou de la voie ferrée.
One thought on “La voie Mathis étouffe … ses riverains !”
Tout à fait vrai. A quoi servent les radars anti bruits qui prouverait vite le bruit insupportable des deux roues en ville . A quoi servent les cameras qui ne permettent pas de verbaliser les incivilités des chauffards. A quoi sert la police qu’on ne voit pas en ville faire son travail de gardien de la paix… et de l’ordre. Trop de feux de circulation qui entraînent arrêt du flux de circulation et démarrages bruyants et polluants.Et que dire de l’aggrandissement honteux de L’aéroport qui est en pleine ville et l’arrose de bruit et de kérosène.Les niçois veulent une ville verte,piétonne et plus calme!
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